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Justin Lessard-Wajcer : Celui qui voit à travers votre cerveau

Portrait du petit génie qui se dédie entièrement au mieux-être des souffrants.

Par
Rose-Aimée Automne T. Morin
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Il a inventé une technologie qui rend le cerveau transparent pour mieux y détecter les maladies dégénératives. Il a créé un média pour déstigmatiser les troubles de la santé mentale. Il s’implique bénévolement dans 1001 causes. Tout ça en étudiant, parce que oui, il a encore l’âge d’aller à l’école…

« On ne devrait pas cacher notre souffrance à notre entourage. » Justin Lessard-Wajcer est ferme : les troubles de la santé mentale ne méritent en rien le tabou qui les entoure. Il est ferme, mais empathique, aussi : « De nombreuses personnes souffrent et hésitent à chercher de l’aide parce que leur maladie est mal vue par notre société. Il faut qu’on réalise que les troubles de la santé mentale ont des origines biologiques, tout comme le cancer. Et c’est correct de parler de son cancer! »

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On n’est pas responsable de son mal-être. Il n’est pas le résultat de notre personnalité ou de notre mauvaise volonté. C’est ce que Justin Lessard-Wajcer tente quotidiennement de nous rappeler, et ce, de plusieurs façons. Parce que l’homme sait tout faire.

« J’adorais la science, mais je n’ai jamais été le meilleur. »

Preuves? Tenez-vous bien : adolescent, il se destinait aux arts, particulièrement au chant. Puis, il a commencé à s’intéresser à la recherche scientifique. Avant même de terminer le cégep, il inventait un appareil qui rend le cerveau transparent, améliorant grandement la technologie contribuant à trouver des solutions aux maladies neurodégénératives. Ça lui a valu trois récompenses nationales et la réputation de jeune scientifique à surveiller de très près.

Depuis, il a fait le tour du monde, remporté plus de 45 prix et obtenu le poste de responsable de l’innovation en imagerie au prestigieux laboratoire Dr. Kieffer de l’Institut Douglas de santé mentale de McGill. Le tout, en poursuivant évidemment ses études en neurosciences à l’Université de Montréal et en lançant sa propre entreprise en biotechnologie. Sans oublier ses nombreuses activités philanthropiques (il est notamment ambassadeur pour la Fondation de l’Hôpital général juif). Oh, et il ne faudrait pas passer sous silence la récente création de Neuropresse, un média ayant pour mission la destruction des préjugés liés à la santé mentale… Ah oui, et il a 20 ans. On se permet de répéter : il-a-20-ans.

TRAQUER L’ALZHEIMER

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« J’adorais la science, mais je n’ai jamais été le meilleur. » Dur à croire. Pourtant, Justin Lessard-Wajcer maintient qu’il n’est pas doté d’un talent hors de l’ordinaire, simplement d’une grande créativité. On ajouterait « et d’une pas pire audace »… Alors qu’il étudiait au Collège Jean-de-Brébeuf, Justin s’est inscrit au Défi Sanofi Biogenius, le plus important concours scientifique pour jeunes Canadiens. Sélectionné, il a eu la chance de joindre une équipe de chercheurs en biotechnologie. C’est ainsi qu’il a mis les pieds dans un laboratoire de l’Université de Montréal où on travaillait sur l’imagerie et le cerveau afin de mieux comprendre la progression des maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer et le Parkinson, rien de moins.

« Au cégep, une prof m’a dit : “On ne connaît rien sur le cerveau. C’est un secteur où tout est à explorer.” Cette idée d’inconnu m’a tout de suite motivé. »

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Pour tenter de voir clair dans notre tête, les chercheurs testaient alors un procédé nommé CLARITY, développé à l’Université Stanford, en Californie. Si on était prof de bio, on résumerait ça ainsi : on ne peut pas voir les composantes internes du cerveau parce que celui-ci est composé à plus de 60 % de gras, que la technique CLARITY permet de rendre transparent. On a alors accès à toute la structure de l’organe, en trois dimensions! C’est extraordinaire, mais ça prend du temps. En fait, à l’arrivée de Justin au laboratoire, la technique ne se révélait pas particulièrement concluante : il fallait presque deux mois pour arriver à voir à travers une tranche de cerveau de souris d’un peu plus d’un millimètre… Un délai beaucoup trop long pour la viabilité du projet.

Plutôt que de partir à la recherche d’une nouvelle option, Justin a fait un pari risqué : inventer une machine pour augmenter la rapidité du protocole. En se plongeant dans la littérature scientifique, l’étudiant s’est intéressé à l’électrophorèse (une technique qui utilise l’électricité pour dissoudre les lipides). Avec l’équipe de recherche du laboratoire, il a commencé à développer une nouvelle machine.

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Et c’est comme ça qu’en quelques semaines, Justin a créé pour la toute première fois un équipement scientifique : un prototype permettant de clarifier le cerveau en… deux jours!

Qu’advient-il du projet, trois ans plus tard? « Je veux rendre cette technologie disponible à tous », affirme Justin. Pour y arriver, il vient de fonder sa propre entreprise, CLARITY Tech Lab. Le chercheur peut ainsi offrir aux laboratoires son service de clarification de tissus cérébraux. Pour l’instant, c’est sur sa création qu’il mise, mais il aimerait éventuellement démocratiser la recherche au grand complet : « Je trouve injuste le fait que certains laboratoires aient accès à de meilleures technologies. Par exemple, si le gouvernement donne de l’argent à un labo en particulier, celui-ci utilisera possiblement ce montant pour acheter un nouveau microscope. Pendant ce temps-là, il y en a 15 autres autour qui ont besoin du même outil, mais qui n’ont pas le même budget. Ils sont désavantagés. Pourquoi ne pas créer une plateforme offrant un microscope ultra performant à tout le monde? C’est en éliminant la concurrence et en créant un centre unique doté des meilleures machines qu’on va vraiment avancer en recherche. » Le gars a une vision. Et pas une once d’égoïsme.

Y’A PAS DE QUOI AVOIR HONTE

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« Au cégep, une prof m’a dit : “On ne connaît rien sur le cerveau. C’est un secteur où tout est à explorer.” Cette idée d’inconnu m’a tout de suite motivé. »

Si certains (allo!) trembleraient devant un milieu où tout reste à découvrir, Justin est plutôt fasciné par le mystère. « Les maladies mentales m’intriguent particulièrement. On en sait vraiment très peu de choses; pourtant, elles nous touchent tous. »

C’est parce qu’une personne de son entourage en était affectée que Justin s’est d’abord intéressé à la détresse psychologique. Puis, il a vite réalisé l’ampleur du travail scientifique, mais aussi social, qu’il reste à faire : « Il y a beaucoup de stigmates entourant ces souffrances, probablement parce qu’on n’arrive pas à les percevoir avec nos yeux… Ce qui ne les rend pas moins vraies. Avec Neuropresse, on essaie de donner de l’information pour que tout le monde arrive à comprendre ça. »

Neuropresse, c’est le nouveau bébé de Justin. Une plateforme qui permet aux gens souffrant de troubles psychologiques de partager leurs expériences. Ceux-ci peuvent y trouver du soutien, tandis que la population générale, elle, peut en découvrir davantage sur ces maladies et les avancées réalisées en recherche. Le tout est coordonné par des étudiants en médecine, en psychologie, en neurosciences et en journalisme.

« La seule façon de combattre les tabous, c’est d’informer.»

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Se côtoient donc, sur Neuropresse, l’intime et le pédagogique. Ici : « Comme une Ferrari sans carburant », un témoignage au sujet du trouble de déficit de l’attention. Là : « 5 médecins qui ont changé le monde de la psychiatrie », palmarès scientifique qu’on pourrait presque retrouver sur Buzzfeed

« La seule façon de combattre les tabous, c’est d’informer. C’est ce qu’on fait grâce à des témoignages anonymes, des articles instructifs et, bientôt, des capsules vidéo et des conférences dans les écoles secondaires, là où débutent souvent les épreuves liées à la santé mentale », explique Justin.

Des grands plans qui portent déjà leurs fruits, révèle-t-il : « Des inconnus nous envoient des messages de remerciement. Ils sont heureux de trouver une communauté qui leur ressemble. Que ce soit avec Neuropresse ou avec CLARITY, c’est ce changement apporté grâce à la science qui me motive. Je veux aider le plus de gens possible. Mais même si je n’aidais finalement qu’une seule personne, mon travail en vaudrait la peine… »

LA DOULEUR COMME MOTEUR

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Entre son engagement bénévole pour la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants, ses tournées mondiales à titre de jeune chercheur, son rôle d’inventeur et sa position de vulgarisateur, Justin Lessard-Wajcer n’a qu’une cible : la souffrance. C’est d’ailleurs un mot qui lui revient souvent aux lèvres. La souffrance le hante.

Peut-être parce que depuis qu’il œuvre à l’Institut Douglas, il la croise quotidiennement dans les yeux de nombreuses personnes. Peut-être parce qu’elle n’est pas suffisamment reconnue. Ou beaucoup trop souvent vécue en silence. Peut-être, aussi, parce qu’elle a affligé sa famille. Ses grands-parents paternels, survivants de la Shoah, sont pour Justin de grands modèles de force et de volonté. Et nous, on gagerait dix piastres que c’est aujourd’hui réciproque…