#JusticeLOL

Assis dans une salle bondée où les procédures sont souvent longues, on écoute les interventions calmement. Une foule de gens sont là pour la célèbre audience. Ce possible procès contre l’ex-dictateur Jean-Claude Duvalier pourrait être historique. Si l’heure est grave, j’ai parfois envie de rire.

Les causes devant le parquet de Port-au-Prince sont pourtant sérieuses. Mais une chance qu’il y a les 140 caractères pour ouvrir la soupape. Anecdotique ou noir, l’humour possède de grandes vertus. Si la situation est souvent dramatique, il faut trouver le moyen de dédramatiser.

À la fin de la dernière et longue séance sur l’affaire Duvalier, une collègue journaliste a attrapé l’un des juges
rire devant son téléphone intelligent branché sur Facebook. #JusticeLOL

Dans une affaire foncière présentée avant l’audience sur Duvalier, un avocat de la défense avoue qu’il ne peut pas présenter un document officiel demandé par la cour puisqu’il n’a pas son dossier avec lui et requiert un report (qu’il obtiendra). #JusticeLOL

Dans une autre affaire, un jeune homme est accusé de s’être bagarré il y a 14 mois pendant des festivités carnavalesques en région. Il est toujours en prison en attente de procès. Une autre victime des longues procédures. #JusticeLOL

70% de la population carcérale dans les prisons haïtiennes bondées sont des cas de détention préventive prolongée,
estime la Fédération internationale des droits de l’homme.

La nouvelle prison construite par le Canada en banlieue de Port-au-Prince est toujours vide. On semble vouloir une transition graduelle pour ne pas que les mêmes problèmes de surpeuplement se répètent. Seul prisonnier de cette prison aux normes occidentales : le fils d’une des plus grandes familles du pays aujourd’hui accusé de kidnapping. À la grande stupéfaction des maîtres d’œuvre canadiens, une entente au plus haut niveau semble avoir permis à ce jeune de profiter d’un confort plus acceptable pour des raisons toujours nébuleuses. #JusticeLOL

Regroupés dans les anciens locaux de la coopération américaine, le palais de justice temporaire n’est pas vraiment adéquat, ce qui explique en partie les retards. J’avais déjà assisté à des audiences à l’ancien palais de justice de Port-au-Prince avant le séisme de 2010, tout en colonnes romaines et au long parvis. Une fois effondré, il a brûlé pendant deux jours.

Malgré ces écarts dramatiquement cocasses, c’est un coup de force que de faire fonctionner un semblant de justice et, à première vue, pluseiurs des avocats et juges aspirent eux aussi à une justice équitable.

Par exemple, il faut reconnaitre aux acteurs des audiences de Duvalier un certain professionnalisme. L’avocat principal de l’ancien dictateur, maître Reynold Georges, est l’un des plus célèbres rhétoriciens en Haïti (à gauche la main sur la bouche, le greffier est à l’avant-plan). Bien qu’il a supporté son adversaire aux élections, c’est lui qu’appelle aujourd’hui le président Michel Martelly quand vient le temps de défendre sa femme et son fils dans une autre affaire. Cet ancien sénateur n’a pas la langue dans sa poche et sait trouver avec brio toutes les failles de ses adversaires pour les exploiter.

Du côté des plaignants, un avocat réputé pour sa droiture. Et trois juges qui présentent à première vue une indépendance face aux protagonistes : jusqu’à maintenant, les décisions et une certaine souplesse procédurale semblent avoir été à la fois favorables à l’une et l’autre des parties.

Le plus gros dossier de cette justice, qui tente de renaître de ses cendres, reprendra jeudi alors que Jean-Claude Duvalier devrait (enfin) se présenter en cour et faire face à une audience bondée de victimes de son régime déchu. On s’attend aux plus belles envolées, mais est-ce que justice sera rendue?

Rendez-vous jeudi à partir de 10h30 pour le savoir.

Pour suivre le procès en direct sur Twitter : @etiennecp