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Jobin rencontre Perron

Par
Abeille Tard
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La scène du désinvolte Jean-Thomas Jobin interviewant le bon Jean Perron semblait aussi improbable qu’un retour des Nordiques à Québec. C’est pourtant avec le plus grand sérieux du monde que l’humoriste et fan de hockey a interviewé l’ancien entraîneur du CH devenu chroniqueur à 110 %, au salon de coiffure du viril Ménick… qui leur a déroulé un plateau d’argent.

Eille Jean, je t’avertis, je suis pas un intervieweur.
Non ?

J’vais regarder mes feuilles… Je peux-tu dire «Tu» ?
Bah oui.

Êtes-vous nerveux ?
Pantoute. Vas-y.

Première question : comment vous êtes-vous retrouvé derrière le banc du Canadien?
J’étais coach de l’équipe olympique canadienne aux jeux de Sarajevo, en 1984. Un soir, j’ai soupé avec Marcel (ndlr : Marcel Aubut, directeur général des Nordiques). Il m’a offert de coacher son club école. Le lendemain, je soupais avec Serge (ndlr : Serge Savard, directeur général du Canadien) et il me proposait la même affaire.

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T’étais un peu agaçe, Jean… Tu couraillais… Ç’a été un dilemme pour vous de choisir entre les deux équipes?
Ah ben oui. L’offre des Nordiques était meilleure, mais j’ai choisi les Canadiens à cause de Jean Béliveau : c’était mon idole! Finalement, juste avant que je commence comme entraîneur du club école, Jacques Lemaire, l’entraîneur du Canadien, m’a demandé d’être son assistant. J’ai accepté. L’année suivante, il est parti et je l’ai remplacé. J’avais de l’appréhension par rapport au respect des joueurs. Tsé, le respect des joueurs, ça s’impose pas, ça se mérite.

Ouain, c’était un gros step… Comment est-ce que vous avez fait pour gérer la pression médiatique derrière le banc du Canadien?
Quand ils m’ont engagé, Serge et Jacques pensaient que je pouvais m’en sortir parce que moi j’avais vécu à Moncton pendant plusieurs années. Y se disaient que je connaissais pas ça la pression des médias, que j’étais naïf par rapport à ça. C’est un peu vrai. Moi, je savais même pas que ça existait Le Journal de Montréal, pis La Presse. Je savais pas qu’y avait des lignes ouvertes sur le hockey à Montréal.

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Tu devais t’en douter un peu…
Moi, j’étais focus hockey. Ma femme me le disait quand elle entendait quelque chose de spécial sur le Canadien, mais c’était tout. Pis en 1985, on a eu un début de saison houleux et mes deux fils, Herman pis Thierry, revenaient à maison en pleurant parce qu’y se faisaient dire que leur père était un pas bon. Y voulaient changer de nom… Là, je me suis mis à lire les journaux. Quand j’ai compris l’ampleur des médias, ç’a donné un coup dans les chops! Mais l’année d’après, c’était mieux. On a gagné la Coupe, pis sont devenus les deux gars les plus populaires de l’école.

Ménick : Un petit café, Jean ?
Non, j’aimerais plus un bon verre d’eau.

Je t’emmène ça tout suite. C’est quoi l’apport d’un entraîneur dans le succès de son équipe ?
J’vas te dire une chose. Si tu veux une équipe forte sur la glace, faut que t’ailles un gros bureau de direction et des gars qui connaissent la culture de ton club. Disons que l’entraîneur peut faire la différence 35 % du temps.

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Selon toi, Jean, dirais-tu que t’étais plus un tacticien ou un motivateur ? Un entraîneur, c’est un combo des deux, non? C’était quoi ta force ?
J’étais plus un coach de préparation. C’est ce que j’aimais le plus! On ma étiqueté comme motivateur, mais j’étais pas comme ça. C’est ça que je veux dire.

Comment vous faisiez pour motiver vos joueurs ?
Une fois, quand je coachais dans le Junior, j’ai fait un pep talk aux gars. Je leur ai dit qu’une saison de hockey c’est comme un marathon : au 18e mile, tu rencontres le mur. Pis je leur ai dit que s’ils voulaient aller au championnat canadien, c’était à soir qu’ils devaient passer à travers le mur! À la fin, y’étaient boostés ! J’étais juste devant ma porte des joueurs pis y m’ont passé sur le corps! Tsé, un troupeau de vaches qui défoncent des clôtures, c’était ça… Après, pendant le match, j’avais juste à dire «le mur» pis y partaient !

Moi, si ça va mal dans ma vie, je peux-tu vous appeler pour que vous me disiez le mur, le mur ?

(silence)
Pis votre congédiement du Canadien, ç’a été comment ?
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Je veux pas te faire pleurer, Jean.
C’est correct, j’ai tourné la page y’a longtemps.

T’es un émotif, c’aurait pu revenir…
C’est tout ce qui est arrivé qui a été dur. Juste avant que j’apprenne que j’étais congédié, j’étais supposé signer un nouveau contrat et je suis parti en vacances dans un Club Med en Guadeloupe. Une bonne journée, je reçois un appel de mon fils Thierry. Je me suis dit qu’Herman était mort. Au téléphone, y pleurait comme un bébé et y m’a dit que Mario Tremblay venait d’annoncer que j’étais congédié. Pis là, un soir, j’étais sur le plancher de danse du Club Med quand une journaliste est venue m’arrêter avec le micro dans les mains. Elle avait pris l’avion et elle a eu le guts de rentrer dans le village du Club Med. C’était fou, le cercle médiatique!

Je comprends… J’aimerais changer de sujet, Jean. Parlons de quand vous avez coaché en Israël (ndlr : Jean Perron a été entraîneur de l’équipe de hockey d’Israël en 2005 et 2006). Ça m’intéresse. Qu’est-ce qui vous a attiré là ?
Depuis que j’ai fait mon cours classique, j’avais toujours rêvé de visiter la Terre Sainte. Comme les archéologues disent : «Y’a pas un pouce de terrain où qu’y a pas d’histoire là-bas.»

Est-ce que c’est payant de coacher là-bas, Jean ?

Ça payait pas une cenne ! Y me payaient seulement mes dépenses. Mais moi, ça me permet d’aller en Terre Sainte.

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Ménick : Pis quand t’es là-bas, t’as le tapis royal…
C’est ça!

Pis 110 %, t’aimes-tu ça faire ça, Jean ?
Ah ben oui, j’aime ça!

Moi, j’écoute ça, pis je m’amuse beaucoup. Est-ce que les gens t’en parlent souvent sur la rue ?
110 %, ça fait partie de la culture au Québec. 110, ça me fait penser aux réunions de famille. Je viens d’une grosse famille. Quand on se réunit, on joue aux cartes pis on parle de religion, de sports et de politique. C’est ça qu’on reproduit à 110.

Longue vie à 110 % !
Longue vie à moi aussi!