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Alors que certains baragouinent leur seconde langue, lui en parle couramment six, une aptitude bien utile au Palais de Justice de Montréal.
Quelle est votre langue maternelle?
Ça c’est dur à expliquer. Avec mon père, je parlais l’hébreu; avec ma mère, le polonais; et avec ma gardienne, l’allemand. À quatre ans, j’ai appris l’anglais parce que j’étais curieux de comprendre les paroles des Beatles. Plus tard, j’ai habité en Suisse où j’ai très bien appris le français.
Donc vous pouvez traduire en cinq langues?
Je maîtrise aussi le yiddish. Ça en fait six! Pour chacune de ces langues, j’ai dû passer un examen écrit et verbal. Au Palais de Justice de Montréal, les interprètes sont tous certifiés pour traduire l’anglais et le français, qui constituent 60% de la demande.
D’où vous vient votre facilité à apprendre les langues?
C’est de famille. Mon père parlait six langues et ma mère en maîtrisait huit! J’imagine que c’est dans nos gènes. Le truc, c’est de vouloir vraiment apprendre la langue et de savoir où on veut aller dans la vie.
Vous, vous vouliez devenir traducteur?
C’est arrivé par accident. Quand je suis revenu à Montréal, en 1990, mes expériences de travail européennes ne comptaient pas ici. La plus grande force que j’avais, c’était de maîtriser plusieurs langues. J’ai répondu à l’annonce d’une agence qui cherchait un interprète pour le yiddish et l’hébreu.
Qu’est-ce qui explique qu’on ait recours à vos services?
Dans un procès, toute personne a le droit de témoigner dans sa langue, pour éviter que la barrière linguistique ne la gêne. On traduit donc ses interventions, mais aussi celles du juge, des procureurs, des avocats. On est assignés par le Palais à des causes criminelles, pénales, ou aux petites créances. Les gens peuvent aussi recourir à nos services en droit civil ou matrimonial, mais c’est à leurs frais.
Comment ça fonctionne concrètement?
On peut soit traduire pour tout le monde à voix haute, soit traduire de façon simultanée pour le bénéfice de ceux qui veulent écouter la traduction dans une oreillette. Moi, je préfère m’asseoir à côté de la personne et chuchoter à son oreille.
Vous arrive-t-il d’être atteint émotionnellement par le procès?
Jamais. Ça me passe dans une oreille et ça me sort de l’autre. On n’a pas le choix si on veut demeurer neutres. Et si la personne essaie de nous parler, on doit en avertir le juge. Sinon, on pourrait avoir des problèmes plus tard!