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J’écoute des disques : Nick Waterhouse – Time’s All Gone

Comment se remettre d'une déception musicale? Avec le rock 'n' roll.

Par
Michel-Olivier Gasse
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Précédemment dans… « J’écoute des disques » : Après sa déception face à la prestation de She & Him, épisode relaté dans sa chronique de la semaine passée, Michel-Olivier Gasse et Vincent Vallières arpentent Montréal à la recherche d’un spectacle qui réparerait son cœur brisé. Seront-ils capables de se réconcilier avec la musique?

Nick Waterhouse

Time’s All Gone

IL Records, 2012

En passant devant le kiosque, je me suis ramassé un hot-dog en me rappelant que je ne m’étais encore, cette journée-là, que très peu nourri. J’ai eu le temps de prendre une bouchée avant de hâter le pas pour rejoindre un Vallières qui n’attendait pas. On avait les oreilles fades et salies après un début de soirée en compagnie de She & Him, fallait se refaire une santé, entendre du neuf et du beau et que ça saute parce que là, on roulait dans le négatif et clairement, le son qui arrivait de par où Vallières s’en allait avait un petit goût d’espoir.

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Il ouvrait la marche d’un pas décidé, en pleine forme, et plein contrôle dans la foule clairsemée. Je profitais comme je pouvais de son sillage, mais, pris dans la gestion du susmentionné repas dans la main droite et d’une Heineken en plastique mou dans celle de gauche, je n’y suis pas arrivé sans quelques travers. Il s’est arrêté pour river les yeux sur la grande scène, encore toute petite : « Je pense qu’on tient de quoi, mon Michel. Ça te dérange pas que je t’appelle Michel ? » J’ai répondu que ça me dérangeait pas du tout, après avoir léché mon poignet de sa relish et pris soin de l’appeler, lui aussi, par le nom de son père. On a regardé droit devant. Un petit blanc-bec à lunettes, Gibson 335 entre les mains ; on pense vite à Buddy Holly puis on passe à autre chose. Flanqué de deux choristes terriblement RnB et d’un sax baryton, d’une basse et d’une batterie, ça se passe en doux-Jésus et y a rien d’autre sur scène que ces êtres humains, leurs instruments et leur indéniable pulsion de vie.

Un petit blanc-bec à lunettes, Gibson 335 entre les mains ; on pense vite à Buddy Holly puis on passe à autre chose.

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Ça me tue un peu de comparer Nick Waterhouse à She & Him, mais le contexte nous donnait pas le choix : du spectacle qu’on laissait à celui qui nous accueillait, la racine était la même, ancrée dans le désir de recréer l’esthétique d’une certaine époque qu’on imite, à défaut d’avoir l’âge de s’en souvenir. On n’était pas là depuis deux refrains encore qu’on pouvait déjà établir que ce show-là mangeait l’autre sans mâcher. C’est que Waterhouse a fait ses devoirs ; ce gars-là — qu’on aurait vu sans peine nous vendre un REER ou nous appeler par notre petit nom au Starbucks — incarnait le Rock’n’Roll et le RnB de souche avec un aplomb et une crédibilité redoutables, sans failles, nous confirmant du même coup que ce spectacle était un don de soi bien plus qu’une représentation.

C’est le genre de gars qui sort des 45 tours, qui branche sa guitare direct dans l’ampli, qui s’accorde à l’oreille, qui remonte ses lunettes du bout de son doigt en disant Ladies and Gentlemen à son public, le genre de gars qui fait un album sans utiliser d’ordinateur, dont la seule concession à la vie moderne aura été d’y mettre un code-barre. C’est le genre de gars qui ne joue pas de jeu, un messager débarqué du passé pour qu’on en tire une leçon. J’aurais aimé que Zooey puisse voir ça, mais à l’heure qu’il était, elle devait déjà être dans l’avion.

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