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J’écoute des disques : Michael Kiwanuka – Love & Hate

Ah ce plaisir de réécouter un album dont on avait oublié l'existence!

Par
Michel-Olivier Gasse
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Michael Kiwanuka

Love & Hate

Polydor, 2016

Ma femme est malade de ce temps-là, rendue au bout du forfait de base d’une semaine qui vient avec toute grippe qui se respecte, et là, elle a une voix de rock pour dire non à l’extra. Y a rien de beau à entendre l’être aimé se racler le fond de gorge en étalant un tapis de mouchoirs extra-doux aux alentours du divan, mais j’en tire quand même deux points positifs : la petite et moi, on est toujours saufs, mais surtout, cette grippe force ma femme à se poser, et moi aussi par le fait même, parce que je suis un gars d’équipe. On est dans la cave, quelque part vers la fin de la saison 7 de Suits, célébrant lâche, mais célébrant quand même le trio de nuits de douze heures que notre fille nous offre comme si elle avait fait ça toute sa vie. La musique du nouvel épisode qui commence à peine nous attrape par les sentiments, que dis-je, le bas-ventre.

Notre corps reconnaît la chanson. « My God que c’te toune est parfaite » dit ma femme en pitchant un kleenex et je fais le même constat, me demandant par quel malheur cet album immense qui a fait vibrer le bois de la maison des mois durant avait pu être mis de côté depuis si longtemps ? Je m’en suis rappelé tout de suite.

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Le gars est venu en ville au moment pile où on se pouvait plus ; même la table connaissait le disque par cœur. Il arrivait en bénédiction pour nous soulager du poids de l’époque ; je le voyais en ami, un ami qui te chante des hymnes, des odes, quelque chose d’épique et pourtant si humble, c’est sûr j’vas brailler, je m’étais dit ça. On s’est assis au balcon parce que grand comme nous autres dans un show, faut faire des concessions et coup-là, on voulait se le prendre en entier. Et vous allez pas me croire, mais on a trouvé ça plate, on est même partis il devait rester quoi, deux chansons. J’ai vu la fin de plusieurs spectacles pires en tous points, mais là, les attentes étaient si grandes ; j’allais là pour la rédemption, de quoi, je sais pas, mais j’allais clairement me quérir une promesse de jours meilleurs et que ça groove en même temps, je m’en allais me chercher une leçon de toute, un condensé de vie, d’espoir parce qu’entre l’amour et la haine, y a tout ce qu’il faut savoir. Mais j’ai pas eu ce que je voulais. Je voulais l’épiphanie, j’ai eu un show ben correct, avec un band pas mauvais. So long pour la rédemption pis toute ; j’ai pris mes distances.

Ce qui nous ramène dans la cave chez nous, y a deux-trois jours. Love & Hate revient pour clore l’épisode comme il l’a ouvert : rempli de promesses et de bas-ventre. Je suis remonté à l’étage, j’ai posé le disque et depuis, y a que ça qui tourne, comme dans le temps qu’on était deux ; ça nous réveille, ça nous borde, ça nous prend par l’épaule en plein jour. C’est plus vraiment de la musique rendu là, c’est un état. Genre d’affaire où je me dis que si on arrive à la fin du monde enfin, partis comme on est là, ça pourrait être Love & Hate qui joue pendant et je dirais peut-être Thank God en prenant ceux que j’aime dans mes bras.

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