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J’écoute des disques : J.J. Cale – Naturally

« J.J. Cale, c’est tout le slack des 70’s, mais sans le bling qui vient avec. »

Par
Michel-Olivier Gasse
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J.J. Cale

Naturally

Shelter Records, 1971

Je suis pas du genre envieux, mais quand même, s’il y a un truc qui ne me représente absolument pas et qui me manque un peu, c’est probablement d’être mystérieux. Pas mystérieux-dark à la Nick Cave, ou mystérieux-plastique à la Claude Bégin, non, je veux dire, mystérieux juste un peu ; tu fais rien pour, et t’en as rien à foutre. Mystérieux-cool.

Des fois, j’aimerais être J.J. Cale, mais la place est déjà prise.

Cale, c’est tout le slack des 70’s, mais sans le bling qui vient avec.

Cale, c’est tout le slack des 70’s, mais sans le bling qui vient avec; il devait pas être un gros chum d’Elton John. C’est le genre de gars qui refait constamment le même album, et là où certains le lui reprocheront, ceux qui l’aiment pour les bonnes raisons ne peuvent que l’en remercier. J’oublie complètement la source, mais y a un gars qui a parfaitement résumé la chose avec une phrase qui ressemble à ça : « J.J. Cale, ça sonne comme Tulsa à 2 heures du matin, tu sors d’un bar et y a un gars qui donne des hot-dogs. »

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Qu’on me lance la première saucisse si ce n’est pas là la description la plus envieuse de l’histoire.

L’histoire de Cale, elle commence un peu avant l’album dont je vous parle ici, son tout premier. Le démo d’une première chanson avait circulé dans le milieu à L.A., et c’est après qu’Eric Clapton en ait enregistré une version que Cale a cru bon de se lancer pour vrai. Cette chanson-là, c’était After Midnight. Clapton en a fait un hit et du même élan, il a donné la chance et le coup de pied au cul à un random dude de faire la carrière qui lui chante, à sa manière.

Et quand je dis à sa manière, c’est pas juste pour rimer. Cale a atteint le Top 40 avec Crazy Mama, la pièce qui ouvre la face B. Invité à American Bandstand, il a refusé de se donner en prestation s’il devait y faire du lipsync, comme c’est l’habitude à l’émission. « Mon band et moi, aurait-il dit à peu de choses près, on peut vous la faire pareil, mais pareil que sur le disque.

— Ah, mais on ne fonctionne pas comme ça ici, répond le gars en charge.

— Ben, nous non plus.

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Il roule ses fils, range son ampli. Dick Clark arrive en trombe.

— Mais monsieur Cale, vous savez, vous montez premier au Billboard, si vous faites l’émission.

I don’t care. »

Mystérieux-cool.

Cool au point de voir les années 80 débarquer et de faire le constat que c’est pas le genre de truc qui va le concerner ; après le flop de son album 8, en 1983, Cale résilie son contrat avec Mercury et se reclus dans une roulotte en Californie, pas de téléphone. Quand on lui demande ce qu’il a fait au cours de cette décennie, il répond qu’il a tondu le gazon en écoutant du rap et du Van Halen, chacun ses petits plaisirs. Il est réapparu — en pleine forme — au début des années 90. Il est mort d’une crise de cœur en 2013, il avait 74 ans.

Même si internet nous prouve maintenant qu’il y a du monde pour haïr à peu près n’importe qui ou n’importe quoi, j’ai la conviction que pour détester J.J. Cale, faudrait être terriblement mal intentionné, manquer d’amour sur un temps rare.

J’ai la conviction que pour détester J.J. Cale, faudrait être terriblement mal intentionné

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Avec J.J. Cale, rien ne presse, rien n’est mis de l’avant, même pas la voix, c’est dire. Les solos de guitare sont loin de prendre en feu. Le band s’en va tout à la même place, mais ça a pas spécifié l’heure d’arrivée. Ça prend soin de toi, cette musique-là, mais c’est juste un adon, parce que le gars qui la fait, il est pas là pour s’occuper de toi. Mais rentre, t’es le bienvenu, y a de la bière au frigo.

T’en ramèneras deux.