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J’écoute des disques : Isao Tomita – Pictures at an Exhibition

Dans les vinyles obscurs à 2 dollars se cachent parfois des bijoux d'originalité.

Par
Michel-Olivier Gasse
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Isao Tomita

Pictures at an Exhibition

RCA Red Seal, 1975

J’ai trouvé cet album dans un petit meuble à table tournante acheté chez un antiquaire la semaine dernière : une affaire simple qui serait en teck si on parlait de qualité, mais là, c’est du plaqué. Je dis que je l’ai trouvé, le disque, mais en fait, c’est moi qui l’ai mis là. C’est ma femme qui a vu le meuble, moi, je fouillais dans les vinyles, évidemment. Elle m’a dit Regarde, Chat, c’est exactement ça qu’on cherche. J’en ai ramassé un au hasard — le premier de la troisième pile, où j’étais pas rendu encore — et me suis approché pour valider que le format était bon, puis je l’ai laissé là, faut croire.

Aucune idée de ce que ça peut être, à part que la pochette me fait peur.

J’aurais pu tomber sur n’importe quoi. Angèle Arsenault, Barbra Streisand, Serge Fontaine à gogo ou Chuck Mangione, les bacs à 2 $ en raffolent. Mais c’est Tomita qui m’a échoué entre les mains, aucune idée de ce que ça peut être, à part que la pochette me fait peur : ça pourrait facilement être du prog. Heureusement, le dos de la pochette, lui, me donne une touche d’optimisme. On y voit un japonais sérieux devant un mur de boutons et de claviers. Puis un texte signé par l’artiste, concis, mais érudit, retraçant l’histoire des premiers instruments électriques, mais surtout, les rattachant savamment aux plus puissants sons que puisse produire la nature : le tonnerre et l’éruption volcanique. On niaise pas. Puis y’a le programme, Les tableaux d’une exposition de Mussorgski, une œuvre orchestrale imagée et facile d’approche, que j’ai écoutée abondamment durant mes années d’études, mais jamais vraiment depuis. Cet album présente donc une relecture électronique d’une grande œuvre classique, et un petit tour sur Allmusic.com m’informe que le Tomita, il a aussi fait ça avec Debussy, avec L’oiseau de feu de Stravinski, Les planètes de Holst et, hum, le Bolero de Ravel. Rien pour atténuer ma peur susmentionnée, mais quand même, la curiosité est là. Alors je vais l’écouter maintenant, ça fait une semaine que je me le garde pour faire ça avec vous.

Se lève de table. Dépose l’aiguille. Se rassoit et écoute.

Change de face. Termine l’écoute.

Se lève et revient avec du lait et des biscuits.

J’ai déjà un autre disque du genre et franchement, j’ai jamais encore osé l’écouter

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J’ai déjà un autre disque du genre, le Switched-on Bach de Wendy Carlos (1968), où des airs de Bach sont repris au Moog et franchement, j’ai jamais encore osé l’écouter, je sais pas quand je serai prêt pour ça. N’empêche que l’album a ouvert la voie à Tomita qui, sept ans plus tard, bénéficie peut-être d’une approche moins gadget de l’instrument. Et ça se sent rapidement. Dès l’ouverture, le fameux thème Promenade, qu’on retrouve à quelques reprises au fil de l’œuvre, surprend par son ton organique, chorale et clavecin. Puis on prend une débarque avec Gnomus, comme si on arrivait dans un sous-terrain dans Mario Bros. mais avec des moyens, pas en 8-bits. Puis Il vecchio castello vient tempérer et illustrer les grandes lignes de la dualité dans le traitement de l’œuvre : les mouvements rapides sont curieux, comiques et déroutants ; les mouvements lents, eux, ratissent large et offrent un spectre sonore qui passe beaucoup mieux le test du temps. Mentions spéciales à Samuel Goldenberg und Schmuyle et Con Mortuis in Lingua Mortua pour les ambiances sinistres et texturées, pas désagréables du tout. J’ai lu que dans certains enregistrements, Tomita déroge de l’œuvre présentée pour s’envoler dans des zones plus space que le client en demande, mais ici, on s’en tient dans les grandes lignes à la partition de Moussorgski, parfois même avec des tons qui rappellent les instruments d’orchestre, mais avec de belles couches de textures au travers.

Au final, est-ce que ça vaut le coup ? Évidemment que non. Je l’aurai constaté pour vous.

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