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J’écoute des disques : Donny Hathaway – Live

Un album qui fait taper du pied, mais surtout des mains.

Par
Michel-Olivier Gasse
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Donny Hathaway

Live

Atco Records, 1972

Y’a quelques trucs que vous me verrez jamais faire, c’est promis. Un Ironman, par exemple, ou du scrapbooking. Je ne ferai jamais crisser les pneus de ma voiture par plaisir, pas plus que je n’entrerai dans une boutique Dans un Jardin. Des choses comme ça, y’en a plein. Mais par-dessus tout, dans un spectacle, je ne tape pas des mains. Encore moins si l’artiste le demande.

J’aimerais que la Terre entière lise ce texte, qu’on se le dise une fois pour toutes : le tapage de mains est une mort annoncée, la pire idée qui, comble d’ironie, insuffle généralement une dose exagérée d’ardeur aux pires rythmiciens de l’assemblée. Réservons-nous donc le geste pour applaudir au bon moment et chantons, dansons, participons comme bon nous semble, mais gardons nos mains pour tenir un drink et caresser l’être aimé de temps à autre. Laissons la musique aux musiciens et offrons donc quelques minutes d’espérance de vie en plus au pauvre batteur, qui doit tenir la barre alors que vous êtes aussi synchro avec votre voisin qu’un essuie-glace d’autobus.

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Cela dit, si vous êtes en 1971 et que vous vous trouvez au Troubadour à Hollywood ou au Bitter End à New York aux spectacles de Donny Hathaway, mes excuses, cette diatribe ne vous concerne pas. C’est que si vous êtes en ces endroits, les risques sont forts que vous soyez de la culture Soul/RnB en son époque et que par le fait même, le rythme soit pour vous une nature plutôt qu’un mystère.

Vous êtes, publics de ces deux soirées que j’imagine grandioses, partie intégrante de la vie qui remplit cet album.

Vous êtes, publics de ces deux soirées que j’imagine grandioses, partie intégrante de la vie qui remplit cet album. On vous entend taper des mains dans l’intro de The Ghetto. Comme si votre unité de groupe ne suffisait pas, vous décomposez le rythme avec aisance après quelques mesures et à la fin, vous êtes devenus un chœur indispensable qui justifie le fait que la chanson s’étende au-delà des douze minutes. On en prendrait encore. Vous êtes touchants dans votre enthousiasme qui fait écho aux premières notes de You’ve Got a Friend, une chanson de Carole King popularisée par James Taylor, un immense succès soft-rock/adulte contemporain cette année-là. Et le refrain ici vous appartient, un moment dont Hathaway profite pour respirer et jammer à travers vos harmonies librement partagées, parfaitement balancées.

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Par ici, souvent, un artiste dira en début de chanson un truc comme « Ok pour la prochaine, j’vas avoir besoin de vous autres ! » et il n’est pas rare que le public se fasse dire quoi chanter et comment et parfois, même, il y aura un petit tour de répétition avant. Mais vous, vous connaissez le tabac, comme on dit. Si vous chantez et tapez, c’est pas qu’on vous l’a demandé, qu’on vous tord un bras pour embarquer, non, votre présence est un cadeau qui magnifie l’artiste, y’a de quoi être fiers. Vous êtes forts au point de me faire réécouter un album live sur une base régulière. Vous êtes forts au point de me faire arriver à la fin de ce texte sans avoir parlé du band qui vous a transportés ces deux soirs-là.

C’est quand, votre prochain spectacle ?

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