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Jean-Martin Aussant prend parti pour les jeux vidéo québécois
À une certaine période de ma vie, si vous m’aviez demandé qui était mon politicien préféré, j’aurais répondu, sans hésiter: Jean-Martin Aussant. Même s’il a connu son lot de revers politiques (c’est ça que ça fait, être un politicien souverainiste ces temps-ci), Jean-Martin Aussant n’en demeure pas moins l’une des figures politiques les plus populaires au Québec en ce moment.
C’est pourquoi on a tous été un peu pris de court quand l’ancien député, économiste et chef de parti a annoncé en janvier dernier qu’il devenait directeur général de… la Guilde des développeurs de jeux vidéo indépendants du Québec.
Je suis donc allé le rencontrer dans ses nouveaux bureaux pour lui poser la question que tout le monde se pose : est-ce qu’il va fonder un parti avec Catherine Fournier Xbox ou PlayStation?
Gundam et assurances
Après avoir réussi à me faufiler entre les chantiers qui entourent le bâtiment, j’entre dans les bureaux de la Guilde qu’ils partagent avec quelques autres studios de jeux indie (le terme familier pour parler des jeux indépendants, c’est-à-dire par des studios qui n’appartiennent pas à d’autres compagnies majeures comme EA ou Ubisoft, par exemple).
J’entre dans les bureaux, m’attendant à être dirigé vers un bureau fermé où Jean-Martin Aussant répondrait à des appels importants derrière un gros bureau de chêne.
Mais non. En entrant, je le vois, à un pupitre au milieu d’autres employés et développeurs, penché sur son ordinateur. Sur le coin de son bureau trône un énorme Gundam en plastique, ces gros robots populaires dans la science-fiction japonaise.
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Jean-Martin Aussant ne fait peut-être pas semblant d’être geek, finalement.
On s’assoit à la table de cuisine placée à côté d’un sofa et d’une télé où les employés peuvent jouer à des jeux pendant leurs pauses. Une fois de temps en temps, un développeur passe dans la cuisine chercher quelque chose à grignoter. L’ambiance est très relax, on est loin des histoires d’horreur de semaines de 100 heures pour les développeurs de jeux dont on entend parler ces temps-ci.
Mais c’est ben beau tout ça, mais c’est quoi la Guilde?
La force du nombre
« C’est une coopérative à but non lucratif de producteurs de développeurs de jeux vidéo indépendants.
On est en train de développer une plateforme commune qui va offrir les assurances collectives, la tenue de livre, les services juridiques, les ressources humaines… pour faire en sorte que les petits jeunes qui ont une idée pour un jeu vidéo génial, mais qui ne savent pas nécessairement comment opérer une business puissent avoir les services connexes qui leur permettent de faire avancer le projet. »
«On est en train de développer une plateforme commune qui va offrir les assurances collectives, la tenue de livre, les services juridiques, les ressources humaines…»
L’avantage de faire ça en groupe, c’est que ça leur donne un plus gros pouvoir de négociation. C’est sûr que si tu te présentes à la banque avec ton meilleur ami parce que vous faites un RPG de hockey dans votre sous-sol, vos tarifs d’assurances ne seront pas aussi bons que si vous êtes représentés par une coop qui regroupe 170 studios indépendants (sur les 200 qui existent au Québec; « je n’abandonne pas, je vais trouver les 30 autres! » assure M. Aussant).
Créateurs d’événements
De plus, la Guilde des développeurs de jeux vidéo indépendants du Québec est aussi un organisateur d’événements vidéoludiques. Depuis plusieurs années, elle organise le MEGA, un événement destiné au public, où les développeurs peuvent présenter leurs jeux (en développement ou fraîchement lancés) aux amateurs présents.
Le rêve, c’est que Montréal ait un jour sa grande messe des jeux vidéo, comme PAX East à Boston ou PAX West à Seattle. Ça va faire du geek dans le métro, ça.
Cette année, l’événement s’allie au MIGS (Montreal International Game Summit), un événement destiné aux développeurs pour qu’ils puissent partager leurs connaissances, créant ainsi le MEGA-MIGS (oui, je sais, on dirait le nom d’un Transformer).
« Ça va être le premier B2B2C (note : B2B désigne un événement par et pour l’industrie, alors que B2C désigne un événement par l’industrie pour le public. Ici, c’est un événement qui fait les deux à la fois, ça n’a jamais été fait » me lance Jean-Martin Aussant, emballé.
Le rêve, c’est que Montréal ait un jour sa grande messe des jeux vidéo, comme PAX East à Boston ou PAX West à Seattle. Ça va faire du geek dans le métro, ça.
L’effet Québec
Jean-Martin Aussant parle de l’industrie vidéoludique québécoise avec passion : « C’est un fleuron de l’économie du Québec, le jeu vidéo […], mais la population en général ne sait pas qu’on est dans le Top 3 mondial : il y a la Californie, le Japon, puis il y a le Québec. On est la troisième plaque tournante mondiale, et on a tout ce qu’il faut pour devenir la première. »
Qu’est-ce que le Québec a de si particulier? « On a des cerveaux vraiment créatifs. Je ne dis pas qu’on est plus intelligent que les autres, mais la créativité des Québécois est reconnue partout dans le monde. »
«On a des cerveaux vraiment créatifs. Je ne dis pas qu’on est plus intelligent que les autres, mais la créativité des Québécois est reconnue partout dans le monde.»
Les développeurs québécois ont également une attitude qui a plu à l’ancien directeur des chantiers de l’économie sociale, ce que les Américains appellent « l’effet Québec », parfaitement incarné par la Guilde. « La Guilde, je la suivais depuis le début, parce que je trouvais que c’était un merveilleux exemple de changement générationnel d’entrepreneurs, de voir des jeunes entrepreneurs dire “on va se faire une coop pour mettre en commun nos services”, plutôt que de se dire “je vais le manger lui en le concurrençant”. »
Il y aurait, chez les développeurs québécois, un esprit d’entraide et de communauté peu commun. Bref, on joue en coop, pas en battle royale.
Jean-Martin Aussant, le gamer
Mais reste que ça m’étonne un peu. Un homme qui a été économiste à Londres, qui a été un acteur politique marquant de l’histoire récente, peut-il vraiment être un slacker comme moi qui aime jouer aux jeux vidéo?
Oui, sans aucun doute. Il le dit : s’il est à la Guilde, c’est pour sa mission économique, mais aussi parce qu’il est un gamer… même s’il ne joue plus autant qu’avant : « J’étais un gamer surtout avant d’avoir des enfants. »
De quoi motiver les jeunes hommes friands de jeux vidéo à penser à la contraception.
Et à quoi jouait-il, monsieur Aussant?
« À l’époque, j’étais surtout FPS : Call of Duty, Medal of Honor… J’y ai passé des nuits. Il y avait un petit côté historique, mais un petit côté défoulant aussi. J’aimais beaucoup les jeux de Formule 1 également. Je faisais des saisons de Formule 1 au complet, avec la durée réelle de la course, des 2-3 heures! »
«À l’époque, j’étais surtout FPS : Call of Duty, Medal of Honor… J’y ai passé des nuits. Il y avait un petit côté historique, mais un petit côté défoulant aussi. J’aimais beaucoup les jeux de Formule 1 également.»
Et ses enfants aussi ont la passion de leur père : « Ils jouent à Smash Ultimate sur la Nintendo Switch. Ils aiment également beaucoup Gauche-Droite : le manoir du studio québécois Triple Boris (le studio de Karl Tremblay, chanteur des Cowboys fringants). »
Heureusement, sa maisonnée échappe encore à la folie Fortnite : « Ils n’ont pas commencé Fortnite encore, ça ne les intéresse pas vraiment curieusement. Mais je pense que le jour où ils vont y goûter… »
Oui, mieux vaut repousser le moment.
Bref, Jean-Martin Aussant est un vrai passionné de jeux. Et il ne manque pas d’ambition. Il me parle avec un sourire du côté mégalomane que Louis-Félix Cauchon, président du CA de la Guilde, et lui partagent : « On a vraiment comme objectif de faire du Québec le leader mondial du jeu vidéo. »
À défaut de faire du Québec un pays, qui sait, Jean-Martin Aussant va peut-être réussir à faire du Québec le leader mondial des jeux vidéo.
C’est quand même pas si mal.
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