.jpg)
Oh si seulement vous visitiez cet immense loft aux planchers de saphir que j’habite. Si seulement vous entendiez le rutilant moteur V8 de ma voiture sport cryséléphantine importée d’Allemagne.
Oh et si seulement vous pouviez flatter ce tigre des neiges qui rugit en liberté dans mon salon. Vous seriez envieux, vous me jalouseriez. Vous me poseriez aussi la question: «Alexandre, comment se fait-il que tu sois aussi riche à 26 ans?»
C’est simple, je suis un artiste.
Certains (Sun News, RadioX, Stephen Harper, indirectement) aiment aussi me qualifier de «B.S. De Luxe». Pour les gens qui utilisent ce sobriquet, un artiste est une personne qui habite dans un manoir, qui peint nue en hurlant du latin et qui brûle des pianos dispendieux en se saoulant au Bourbon (Ou la Castafiore dans Tintin). C’est ça, pour eux, un artiste. Un être humain qui vit aux dépens de l’état et qui coûte cher aux contribuables pour faire semblant de pleurer dans une émission de télé.
J’ai tendance à penser qu’il faut être limité intellectuellement ou tout simplement ne pas avoir le goût de comprendre pour établir ce genre de lien entre le budget alloué à la culture et les gens qui peuvent en vivre.
La tension monte au Québec. Les gens sont indignés de plusieurs choses et avec raison. Par contre, je crois que de tirer à boulets brûlants (Cette expression-là n’existe pas, je viens de l’inventer et je trouve qu’elle a l’air plausible quoique loufoque) sur les artistes est inutile et plutôt déplacé.
Oui, nous dépendons des fonds publics. Oui, une partie de vos taxes sert à payer des perruques dans l’émission «30 Vies». Mais elle sert aussi à payer des albums de musique de jeunes talents émergents, des spectacles de danse à couper le souffle, des toiles magnifiques, des oeuvres, des poèmes, des livres. Elle sert à sortir les gens d’un cynisme grandissant et à en inspirer d’autres à s’émanciper, s’épanouir et à se divertir.
Pour les plus simples d’esprit, financer ce genre d’activité ne sert à rien et l’équation est simple : On dépense du cash, ça donne pas de profits, c’est d’la marde, on cancelle.
C’est vrai, mais seulement si la seule façon que tu as de comprendre la vie, c’est en la calculant dans des colonnes de Microsoft Excel. Ce qui est malheureux par contre, c’est que le logiciel ne parle pas le langage de l’humain. Il est donc impossible de calculer l’impact qu’un dollar dépensé pourrait avoir sur une vie. Existe-t-il une formule pour le calculer ? Est-ce qu’un actuaire pourrait nous aider à trouver comment une émotion peut aider à remplir les coffres ?
Bien sûr que non, c’est évident. Alors vous devrez vous contenter d’accepter le fait qu’un humain peut vivre avec peu, s’il est heureux. Ce n’est pas parce que ma vie n’est pas calquée sur le modèle du capitalisme contemporain et l’idée du «toujours plus gros» que je ne mérite pas aussi ma part du gâteau, pour ensuite vous la remettre sous une autre forme qu’un chèque beige et plate qui ne résisterait même pas au cycle le plus doux de ma laveuse que j’ai mise en financement sur 5 ans, afin de me l’offrir. (C’était pas vrai le loft, la voiture importée et le tigre)
J’ai de la difficulté à comprendre comment on peut se choquer de voir des gens gagner leur vie et faire rouler l’économie (Parce que oui, la culture crée de l’emploi, aussi) alors que dans le même pays, on se retire de Kyoto, on accorde des crédits d’impôts monstres à des pétrolièrs qui vomissent leurs déchets dans nos rivières et qu’on dépense des milliards pour acheter des jets. Il me semble que le dernier de nos soucis c’est le 8 sous par personne, par paie, qui va à la culture.
Surtout que ce «8 sous» sert à nous faire rayonner à travers le monde et à forger notre identité. Nous sommes un jeune peuple qui se cherche encore et c’est probablement par la culture, en premier, que l’on sera reconnu. Il est donc important de l’encourager avec les quelques dollars qui nous seront donné et en lesquels nous sommes reconnaissants de tout notre coeur. (Le coeur, pour les néophytes, c’est ça qui bat plus vite quand t’entends une chanson que t’aime (Sauf Nickelback), que la fin d’un film te saisit (Sauf «Le sixième sens») ou que Fabienne Larouche signe une autre série. Quoi, tous les goûts sont dans la nature).
En attendant, chers amis du camp-qui-croit-que-les-artistes-vous-volent, j’ose espérer que l’envie de tirer à boulets brûlants (Oui je sais, c’est l’expression loufoque expliquée précédemment) sur mes collègues ne vous aveuglera pas au point de rater la cible comme vous le faites présentement. Il y en a de plus grosses et elles sont nécessaires à atteindre. En plus, nous aussi on a envie de tirer dessus. On sert aussi à quelquechose. On est comme des soeurs, man.
Nous devrions nous unir, ne faire qu’un pour combattre, comme quand les Power Rangers forment le Megasaur pour péter des méchants dans des villes en carton pré-détruites. Vous seriez la tête (Les fichiers Excel), nous le coeur (Pleurer en écoutant du Bon Iver). Deal ?