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Je suis matérialiste

Par
Jonathan Roberge
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Il n’y a pas une pièce dans mon appartement qui ne déborde pas de cossins (utiles!). Mon mini bureau est enseveli sous mon équipement de hockey qui sent le dépotoir de Mumbaï qu’on aurait aspergé par avion citerne avec du jus de dessous de poche.

Les snowboards de la famille sont accrochés au mur. On doit enjamber les vélos dans l’entrée. Le filet de hockey de fiston traîne dans le passage. On n’ose plus laisser le filet sur le balcon de notre troisième étage d’Hochelaga depuis qu’un voleur BEAUCOUP trop motivé a grimpé en catimini pour dérober notre superbe poubelle avec couvercle anti-raton-laveur. Connard, j’adorais cette poubelle! Elle avait une excellente capacité et les animaux n’étaient pas capables de l’ouvrir grâce à d’ingénieuses clips sur les côtés!

Étant donné que notre remise est remplie à pleine capacité de meubles légués par la grand-maman de ma douce, notre stock de camping est prisonnier de notre porte-bagage sur le toit de notre Jeep… et ce depuis un an… Pauvre lui.

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Il y a 2 semaines, je donnais une conférence au Cégep de Limoilou pour le Geek Fest et ensuite je devais aller faire un show dans la même journée dans un mariage à Rivière-des-Prairies.

Jet set life, bitches. You feel the gold, honey!? Make it rain!!

Étant donné que ma douce et moi travaillons énormément par les temps qui courent, je l’ai invitée à m’accompagner, question de passer un peu de temps avec elle, sans enfant et… entretenir mon couple! (Je suis un cool conjoint.)

Après un excellent moment au cégep de Limoilou à jaser avec des ogres et des chevaliers au Geek Fest, j’ai voulu aller dîner dans le Vieux-Québec. On a cherché du parking à cause de Lady Gaga qui jouait sur les Plaines. On a abandonné le projet et on a attaqué la route en chantant Start Wearing Purple de Gogol Bordello en buvant de la slush!

Je roulais 115km/h sur mon cruise control. Direction Montréal.

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En même temps que la chanson Like Castanets des Bishop Allen jouait dans le tapis et que je mâchouillais les paroles, la pluie s’est mise de la partie. Mes wipers suivaient le tempo, le reflet des gouttes qui coulaient semblait danser sur mon dash et la route goudronnée défilait sous les yeux de ma douce qui fixait l’horizon en mangeant des pistaches. Le bonheur.

Un mur d’eau se dressait devant nous avec des rafales de vents qui varlopaient le camion. Ca commençait à être plaisant! J’adore conduire quand la météo se déchaîne: je me sens comme un aventurier. (Je suis un éternel petit garçon qui rêve d’être Indiana Jones.)

J’ai soudainement eu l’impression que le Jeep se faisait prendre en doggystyle et qu’une grosse main tirait sur ses cheveux. Un peu comme si on venait de déployer un énorme parachute pis qu’on partait par en arrière, mais en avançant…

J’ai jeté un coup d’œil dans mes rétroviseurs; ce que j’ai vu dépassait l’entendement. Mon stock de camping s’évadait du porte bagage! Le couvercle avait décidé de s’ouvrir TRÈS GRAND comme la gueule de Martineau face à n’importe quel sujet qui peut lui attirer de l’attention!

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Des années à me payer du matériel de plein air de qualité qui se sauvait librement sur la 20! Mon sleeping faisait des saltos arrière en me faisant des fingers, mon ti-poêle se décalissait sur la chaussée et s’éparpillait comme le méchant dans Terminator 2, mais sans se reformer! Mes bâches! Mes belles bâches s’envolaient tels des phénix!

Les voitures faisaient du slalom pour éviter… ma tente. J’ai économisé pour cette tente! Je l’ai travaillée! Et elle rebondissait sur la chaussée comme un motocycliste qui se plante! J’ai réalisé à ce moment là, précisément là, que j’étais matérialiste. Pis pas à peu près! J’ai garé le Jeep en bordure de la route. Je courais le long de l’autoroute, à la pluie battante en sacrant très fort pis en me prenant la tête!

Quand il n’y a plus eu de véhicule, je suis aller ramasser mes affaires en les prenant dans mes bras et en revenant les déposer dans le camion. Un peu comme si c’étaient des soldats maganés: je les ramenais à la maison. Je faisais des allers-retours en hurlant l’objet que j’allais chercher : MA LAMPE FRONTALE PIS MON PIEU!

Ma copine me hurlait d’abandonner.

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JAMAIS, JAMAIS je ne vais abandonner mes broches à guimauves, la grande! Mon rack à saucisse pis mes icepack need me, cocotte!

Mon porte-bagages s’était ouvert dû à la force du vent. Les loquets ont tous simplement EXPLOSÉ.

Une camionnette plaquée de l’Ontario s’est soudainement arrêtée. Un blondinet potelé avec un pinch s’est approché. Avec un binder dans les mains. Il m’a offert de l’aide. Il voyait la tristesse dans mon regard. Il m’a tout arrangé ça. Quand je lui ai offert de l’argent pour ses courroies, il m’a dit : “Ma fille étudie au Québec, je suis venue la chercher pour les vacances. Elle m’a dit que les Ontariens n’avaient pas bonne réputation ici. Donc tu diras à tes chums qu’on n’est pas tous pareils! Hahahaah!” Un gros rire gras, une poignée de main de trucker et il est parti en souriant.

J’étais trempé, crotté, sous la pluie battante sur le bord de la 20 et j’étais heureux, car j’avais sauvé mon stock de camping.

Crisse… Je suis matérialiste, pis j’aime les Ontariens.

***

Pour lire un autre texte de Jonathan Roberge : “Voyager avec son fils”

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