Logo

Je suis coiffeuse

Par
Catherine Ethier
Publicité

Je considère faire partie des privilégiés qui aiment leur travail. Et je le célèbre chaque jour. J’ai juste parfois UN PEU honte de dire ce que je fais dans la vie. C’est tout.

Et c’est sans hésiter que je m’autoproclame ti-caille de penser ainsi. A big fat gypsy ti-caille.

Mais c’est plus fort que moi.

Je vous entends déjà me pointer du doigt (c’est que ça s’entend, un index qui fend l’air), moi, le casseau rempli de jambon-beurre avec mes petites mains grasses pleines de bagues et d’insécurités, qui travaille de la maison où brûle une bougie au parfum d’ambiance exquis, fusionnée à son caniche de grain à boire des cappuccinos dans ses pantoufles de daim en se félicitant d’écrire trois phrases à l’heure, MAIS qui se regarde dans le miroir, les petits pieds par en-dedans de pas trop être sûre de s’aimer le titre.

C’est attendrissant 1/10.

Et on va se le dire: il y a pire. Il y a la guerre. La maladie.
Le banc d’essai du pain au raisin qui tarde tant à remeubler mes mercredis soirs.

Publicité

Mais pour une raison que j’ai du mal à saisir, je connais peu de blogueurs qui répondent à la question « Tu fais quoi dans la vie? » avec une voix de ténor et l’assurance Bombardier:

« Je suis blogueur » *petit geste de pistolet fictif qui vient de scorer rare*

Il y a toujours une petite justification. UNE JUSTIFICATIONNETTE.

« Eh bien, j’écris. Sur toutes sortes d’affaires, là. Sur quoi? Ben, sur… sur les vedettes. Et des anecdotes, aussi. C’est un peu humoristique. Dans le fond, c’est pas vraiment intéressant, ce que je fais. Héhé. Je quitte à l’instant la pièce pour aller me cacher dans le panier à linge. »

C’EST UN PEU HUMORISTIQUE.
Le chic de donner un feeling de cannisse de petits pois Le Sieur à ma profession, je le maîtrise comme pas une.

Les années ont beau passer et la sagesse, galber chacun de mes mollets, je suis toujours incapable de rester digne en me décrivant le pedigree. Et je le vois, JE LE VOIS, ce sourire d’abord dressé sur votre visage réjoui, se ramollir délicatement au fur et à mesure que je m’enfonce dans le velveeta de mon complexe exposé au grand jour.

Publicité

Je rêve tant d’un sourire ferme et soutenu.
D’un sourire de type « Oh, vous êtes femme médecin », bienveillance Lucile Teasdale-esque au regard.

Mais je reçois plutôt un « Oh, c’est mignon, ce que vous faites (petit tapotement de tête à l’appui). Je vais à présent me reservir de la trempette (et ne plus jamais revenir) ».

Inutile de l’évoquer, j’ai sans doute besoin d’une thérapie (ou d’une boîte de Roulés Suisses).

Pourquoi ce complexe au jambon-beurre, au fond?
Parce que tout le monde peut écrire? Parce que la blogûre est accessible à tante Frita, qui a furieusement délaissé scrapbooking et sculpture de pâte de sel pour nous entretenir de son jardin anglais sur la Toile?

Je l’ignore. Je n’ai pourtant jamais jugé qui que ce soit par son travail (sauf si son travail consiste à se fabriquer une cape de peaux humaines en dansant à reculons).

Je garde tout le jugement pour mon épinglette.

C’est pourquoi, et je n’en suis pas fière, quand je n’ai pas la présence d’esprit d’éviter la fatidique question d’un audacieux pas de valse musette ou en concentrant fiévreusement la conversation sur l’autre (c’est que les gens ADORENT parler d’eux-mêmes. Essayez. Vous verrez, c’est fantastique), je réponds désormais que j’écris.

Publicité

Et j’ai l’air d’une sapristi de tarlaise qui s’embrasse les biceps en contemplant l’irrépressible envie de se teindre une mèche blanche.

(quelle vie, hein)

Plus jeune, j’éprouvais le « complexe du tiroir-caisse »; vous savez, celui de l’étudiante qui travaille comme caissière dans une boutique et qui sent le besoin de spécifier aux quatre couettes qu’elle terminera bientôt ses études et quittera ce poste temporaire (pour devenir femme médecin).

Mais me voilà, aujourd’hui. Heureuse. Épanouie et rassasiée chaque jour par ce métier qui m’emballe.
Je ne devrais pas me retenir la vesse.

Et plutôt l’écrire au pastel gras sur un autocollant de présentation sur ma poitrine dressée.

Le turluter. Le code-morser avec mes sourcils.

OUI.

Alors voilà. Je suis blogu… coiffeuse. C’EST ÇA JE SUIS COIFFEUSE.

La bise.

PS TENDRESSE :: je suis coiffeuse.

PPS TENDRESSE ::
Eh, lali lali.