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Je suis célibataire. Je fais quoi de mes vacances?

Comment occuper son été quand tous nos amis voyagent en couple?

Par
Laïma A. Gérald
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« Tu sais, quand tu es célibataire, dans la trentaine, c’est pas si évident de se faire des plans de vacances. Toutes mes amies ont déjà des projets de voyage, de chalet ou de camping avec leur chum », me révèle une connaissance, quand je lui demande comment elle compte occuper son été. « Mon dernier voyage que tu as vu sur Instagram cet hiver? Je suis partie avec ma mère. »

Cette conversation, survenue dans un 5 à 7 professionnel, m’a fait réfléchir. C’est vrai que la majorité des gens en couple de mon entourage se tournent d’emblée vers leur amoureux ou leur amoureuse quand vient le temps de choisir un partenaire de vacances. En outre, ce n’est pas la première fois que j’entends une personne célibataire affirmer qu’avec le temps et au fil des couples qui se forment inévitablement, les projets de vacances deviennent plus complexes à mettre sur pied. Tous n’ont pas forcément l’envie, les moyens ni même l’option de séjourner en famille, voyager seul.e ou bien de s’offrir un « resort tout-inclus dans le Sud pour trouver l’amour ».

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« Beaucoup de mes amis sont venus des nuages, avec soleil et pluie comme simples bagages », chantait Françoise Hardy. Mais que faire, en tant que célibataire, quand nos ami.e.s choisissent désormais de faire ces « simples bagages » pour la Gaspésie, la Thaïlande ou la Toscane avec leur tendre moitié plutôt qu’avec nous?

Entre envie et déception

« Les personnes avec qui j’avais l’habitude de prendre des vacances au cours de ma vingtaine sont maintenant en couple », établit Gabrielle, une jeune célibataire de 30 ans. « Petit à petit, j’ai réalisé que les gens se mettaient à choisir leur partenaire amoureux au lieu de leurs ami.e.s pour prendre des vacances. »

Face à ce constat, la jeune trentenaire trouve difficile de réinventer le concept de congé. Comment occuper ses semaines off annuelles quand toutes les personnes avec qui on avait l’habitude de le faire ont maintenant de nouveaux partenaires de vacances?

« Il y a 2-3 ans, j’avais des vacances à prendre, mais je n’avais pas de plan, poursuit-elle. J’ai donc opté pour des staycations à Montréal. Pire erreur, j’ai détesté ça. Tous mes amis travaillaient, je tournais en rond, je n’avais aucune motivation. J’ai vraiment eu le sentiment de gaspiller ma semaine. »

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Si c’était à refaire, Gabrielle essayerait d’arrimer ses staycations avec un.e ami.e. Mais encore là, que faire quand les personnes de notre entourage conservent leurs précieuses (et trop peu nombreuses!) semaines de vacances pour passer du temps en couple?

Quand je lui demande de décrire les émotions engendrées par cette prise de conscience, Gabrielle parle de mixed feelings. « J’ai ressenti de la déception, mais aussi, une forme d’envie face aux plans de mes ami.e.s », avoue-t-elle, bien humblement, en ajoutant être toutefois heureuse pour eux et elles. « Certains d’entre eux organisaient des voyages dans des pays que j’aurais aimé visiter et même, choisissaient des destinations dont nous avions déjà parlé ensemble. C’est sûr que c’est un peu dur, mais je comprends. Être moi-même en couple, je pense que je ferais la même chose. »

Le grand saut

Cette année, n’ayant pas envie de « gaspiller » d’autres vacances, Gabrielle fait le grand saut : elle décide de partir en voyage seule, ce qui n’est pas la tasse de thé de tout le monde. D’entrée de jeu, elle admet que le processus décisionnel a été assez long.

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« C’est plus facile pour moi d’être deux pour bouncer des idées de destination », admet-elle, en ajoutant s’être sentie seule pendant le processus. « J’ai réalisé qu’avec la plupart des compagnies aériennes, tu as 24h pour annuler sans frais. Je pense que j’ai booké-débooké quatre fois d’affilée tellement j’avais de la misère à me décider et à me lancer. »

Au-delà du choix de la destination, qu’est-ce qui faisait autant hésiter la jeune femme? Un des facteurs centraux était le partage des dépenses. En effet, réserver des hébergements, louer une voiture, acheter de la nourriture sur place revient souvent plus cher seul.e qu’à deux.

« Réserver un Airbnb ou une chambre d’hôtel seule, ça monte vite. Mais on va se le dire, à 30 ans, tu as moins le goût de dormir dans un dortoir un peu crado avec 12 autres personnes qui ronflent », ajoute Gabrielle en riant mais en marquant toutefois un point.

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Après de longues tergiversations, elle opte finalement pour le Mexique. « C’était extraordinaire. J’ai eu une révélation, j’ai adoré voyager seule! Ce qui était un plan B est devenu un plan A. Seule, tu n’as pas de compromis à faire, tu suis ton propre rythme et tu finis par faire des rencontres. Je le conseille à tout le monde », conclut-elle, le sourire dans la voix, avant d’ajouter une dernière chose surprenante… ou pas! « Depuis, j’ai voyagé avec des amis dans le cadre d’un mariage et ça m’a tapé sur les nerfs d’être en groupe. Qui l’eût cru! »

Voyager avec des amis quand on est en couple

Au fil de ma conversation avec Gabrielle, je prends conscience d’une chose. Bien que la majorité de mes amis en couple aient plutôt tendance à s’accorder des vacances en amoureux, mon ami Justin, 30 ans, en couple depuis 3 ans, continue d’organiser des voyages entre amis, sans son chum. Il s’envole d’ailleurs en Patagonie en septembre prochain, avec une amie de longue date.

Je décide de lui passer un coup de fil pour en savoir plus.

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« Il y a quelques facteurs pragmatiques qui expliquent que je parte avec une amie. Mon chum travaille en télé et ne peut pas se libérer en septembre alors que, selon moi, c’est un parfait moment pour voyager », fait valoir celui qui voyageait déjà avec ladite amie quand il était célibataire. « Ensuite, mon chum et moi ne sommes pas nécessairement le même type de voyageurs. Nous n’avons pas les mêmes attentes. J’aime le plein air, le camping, les randonnées. Pis tsé, j’ai des amies aventurières, fucking gearés en tentes pis en brûleurs, qui embarquent dans mes trips. Mon chum, lui, a un côté plus cosmopolitan. Il aime les grandes villes, le magasinage et faire de la plage. »

Justin mentionne ensuite qu’à ses yeux, les relations qu’il entretient avec ses ami.e.s sont aussi chères à son cœur que celle qu’il nourrit avec son amoureux. Pour lui, il n’y a pas de hiérarchie. « Mon chum et moi ne sommes pas un couple dépendant, on a chacun notre vie. Même si on est en couple, on continue d’entretenir des cercles d’amis qui ne s’entrecroisent pas nécessairement, précise le trentenaire. Ça arrive encore qu’on ait des soupers ou qu’on parte au chalet, chacun de notre bord. »

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Avant de raccrocher, Justin précise que de voyager avec son chum n’est absolument pas exclu. « On est partis ensemble au Mexique l’an dernier et on s’est retrouvés dans nos attentes. J’ai espoir qu’un jour, on aura notre gros voyage ensemble. »

D’amour ou d’amitié

Ma conversation avec Justin me ramène à l’été 2020. À l’époque, je me remettais d’une rupture, la pandémie nous offrait un petit répit pour la saison estivale, mais je me retrouvais sans plan de vacances. Ma bonne amie Gabriella et son chum, tout aussi bon ami, me proposent alors de me joindre à eux le temps d’un séjour aux Îles-de-la-Madeleine. Bien sûr, j’ai hésité: « C’est weird que je sois votre third wheel, non? », avais-je demandé, inquiète, à mon amie, ce à quoi elle m’avait répondu « Pantoute! ».

Résultat, ce fut l’un des séjours les plus agréables, simples et spontanés de ma vie, dont il aurait été dommage que je me prive sous prétexte que mes ami.e.s sont un couple et que « c’est weird! ». Toutefois, je me suis assurée qu’ils s’accordent au moins une soirée en amoureux, sans leur chère « cinquième roue du carrosse ».

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Toutes ces conversations sur les vacances et le choix de la personne avec qui on les passe me font réfléchir à la place que l’on accorde à l’amitié quand on est en couple. Dans son essai Port d’attache : osons révolutionner nos amitiés, l’autrice Karine Côté-Andreetti propose de revoir la conception de l’amitié, qu’on gagnerait à utiliser comme pilier pour reconstruire notre vie intime, collective et politique. Ainsi, elle nous invite à briser les codes qui restreignent les possibles, afin de nous aider à retrouver notre fameux village. « L’amitié peut être notre phare, il est urgent de rallumer sa lumière », affirme-t-elle.

Les témoignages de Gabrielle et celui de cette connaissance croisée dans un 5 à 7 confirment sans doute une chose :

une fois que l’on atteint la trentaine, le couple supplante bien souvent l’amitié, et le choix de partenaire de voyage n’y fait manifestement pas exception.

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Ainsi, notre partenaire amoureux – dans une perspective monogame – devient successivement notre coloc, notre amant.e, notre ami.e, notre acolyte financier, notre partenaire de voyage, et potentiellement, le parent de notre progéniture, déplumant peu à peu nos amitiés de leurs rôles cardinaux, jadis.

Et si, comme le propose Karine Côté-Andreetti, on redonnait ses lettres de noblesse à l’amitié, à la maison et à la mer?

Parce que, comme le chantait notre Céline Dion nationale : « L’amitié, c’est le plus beau pays.»