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Ça ne va pas bien pour Jared Leto depuis quelques années. Inactif musicalement avec son groupe Thirty Seconds to Mars depuis 2018, l’acteur enchaîne mauvaises performances et navets cinématographiques sans jamais trouver de répit des critiques ou du désaveu populaire. De son interprétation carnavalesque de Joker dans Suicide Squad à son Paolo Gucci de St-Léonard, sa carrière d’acteur semble de plus en plus maudite.
C’était avant que Morbius ne prenne l’affiche la semaine dernière.
Si Leto n’avait pas encore atteint le fond du baril dans l’opinion publique, il ne doit plus en être très loin maintenant. Démoli par les critiques et (déjà!) considéré presque unanimement comme le pire film de Marvel, Morbius inspire toutes sortes de mèmes plus méchants les uns que les autres sur les réseaux sociaux depuis sa sortie :
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Est-ce que Morbius est SI mauvais que ça? Pourquoi inspire-t-il autant le venin des internautes? Armé de mon éternel optimisme et de mon amour du cinéma, j’ai regardé Morbius pour vous avec l’intention bien ferme d’aimer ça. Après tout, la note du public sur Rotten Tomatoes est de 70 %, donc il y a des gens qui ont su apprécier. (La note du public est presque toujours haute sur Rotten Tomatoes, mais c’est un autre débat.)
Alerte aux divulgâcheurs si vous avez un désir profond de voir ce film et de le laisser vous surprendre. Je doute que cette alerte serve réellement à quelqu’un, mais on ne sait jamais.
Peut-être que le fan numéro 1 de Morbius, celui qui collectionne les bédés depuis 30 ans, demeure au Québec.
Dans quoi j’me suis embarqué?
Aimer Morbius aura été un exercice plus difficile que prévu, mais j’ai pas complètement haï ça. Ça doit compter pour quelque chose, non?
Pour faire court, Morbius est l’histoire du docteur le plus égocentrique de l’univers, Michael Morbius, un enfant prodige devenu médecin dans le seul et unique but de guérir la maladie orpheline qui l’afflige depuis sa naissance. Lorsqu’il reçoit un prix Nobel pour l’invention du « sang synthétique » en début de film, ce dernier le décline en prétextant qu’il ne pouvait pas recevoir de prix pour une invention ratée. Son invention ne l’a pas guéri, donc elle lui est inutile. Charmant.
Dans un ultime effort pour se sauver la vie, Morbius capture des « chauves-souris vampires » dans une forêt, quelque part loin, loin dans le monde (au Costa Rica, selon Wikipédia) afin de procéder à des expériences que le film ne prend pas le temps d’expliquer. En passant, je mets entre guillemets les idées que le film avance sans prendre le temps d’expliquer. Ça se peut qu’il y en ait beaucoup.
Bref, Morbius réussit son pari, mais s’autovampirise au passage. Dans l’univers d’un film de superhéros, ce ne serait techniquement pas là chose tragique… sauf que l’ami d’enfance du bon docteur, un dénommé Milo, décide aussi de s’autovampiriser et il trippe pas mal plus sur sa nouvelle condition.
Sans être mémorables, les performances ne sont pas insultantes non plus. Leto est correct tout au plus.
Au départ, Morbius est un film qui cherche à combler la demande et non à la créer. On n’y avance pas de nouvelles idées, mais on y met plutôt de l’avant des variables déjà identifiées comme vendeuses : un héros sombre et tourmenté; une amoureuse potentielle forte et éthique qui représente aussi un idéal féministe; un antagoniste cruel, mais auquel il est possible de s’identifier; une distribution diversifiée, etc. Quand on va voir un film de Marvel, c’est un contrat implicite qu’on passe avec Disney qu’il doit y avoir un certain nombre de variables familières, et c’est cool. Là-dessus, Morbius livre la marchandise.
Les scènes de combat ne sont pas piquées des vers non plus. Elles ont une facture esthétique unique, qui rappelle celle des bandes dessinées américaines. C’est assez frappant pour nous faire oublier la banalité des chorégraphies. Sans être mémorables, les performances ne sont pas insultantes non plus. Leto est correct tout au plus. L’acteur anglais Matt Smith se démarque dans le rôle de Milo et Adria Arjona s’en tire dans le rôle de la jolie docteure Martine Bancroft. La distribution fait ce qu’elle peut avec un scénario étriqué et dégoulinant de stéréotypes.
Donc, c’est pas mauvais? C’est juste ordinaire?
Non, c’est quand même mauvais. Morbius est un film où il semble régner une espèce d’honnêteté radicale entre les personnages et leurs scénaristes Matt Sazama et Burk Sharpless, l’équipe derrière les giga-tubes Gods of Egypt et Power Rangers: le film. Tout le monde sait toujours tout ou trouve toujours tout trop vite dans ce film et ça tue toute forme de tension.
Par exemple, Morbius procède à sa transformation en vampire à l’intérieur d’un paquebot en haute mer. Parce qu’il paraît que c’est « hautement illégal » de s’autogreffer de l’ADN de chauve-souris, même si le docteur garde des créatures en captivité à l’intérieur de son hôpital (son plan ne devait pas être très, très secret). Il tue tout un paquet de gardes armés pour s’abreuver de leur sang, efface les preuves de son passage à bord et contacte les autorités afin de sauver la docteure Bancroft, blessée lors des hostilités.
Pourquoi y avait-il des gardes armés dans le bateau, je l’ignore. Pas tous les marins sont des criminels, bougre! Mais ça, c’est un autre débat.
Le film est bâti autour d’une enquête policière bidon et sans conséquences. Une simple excuse pour mettre en scène deux vampires qui se battent pendant le tiers d’un film de 97 minutes.
Le problème qui nous intéresse, c’est que la police débarque trois minutes et demie plus tard (j’exagère, disons 30 minutes), procède à son arrestation sans vraiment faire d’enquête et… techniquement, ils ont le coupable. Même s’il n’y a pas de preuves. Comme s’ils avaient lu le script à l’avance. Ce type d’écriture, on appelle ça un Macguffin. Un prétexte au développement du scénario, si vous voulez. Ça peut être bien utilisé (pensez à la valise dans Pulp Fiction), mais ici, l’idée est d’inverser la relation de pouvoir entre Morbius et Milo et de provoquer la confrontation entre les deux personnages.
Le film est bâti autour d’une enquête policière bidon et sans conséquences. Une simple excuse pour mettre en scène deux vampires qui se battent pendant le tiers d’un film de 97 minutes. Bref, c’est de la mauvaise écriture.
Même si Morbius est bâclé et maladroit, les thèmes en demeurent intéressants. Donner la toute-puissance à deux personnes hypothéquées et dépendantes laisse place à une réflexion intéressante sur la nature de nos désirs : ce qu’on veut, c’est un peu qui on est.
La mauvaise réputation de Morbius est un peu surfaite, mais je ne peux pas (en toute bonne conscience) vous dire que c’est un film incompris. La réception catastrophique est due en partie à des facteurs qui n’ont rien à voir avec le film, comme les multiples délais, la réputation cinématographique de Sony et le method acting ridicule de Jared Leto. Le film a cependant déjà fait plus de 80 millions au box-office, ce qui vous dit tout ce que vous avez besoin de savoir.
Non, c’est pas aussi mauvais qu’on essaie de vous le faire croire. J’arrive même pas à dire que c’est complètement mauvais. Il y a quelques éléments intéressants à Morbius qui valent peut-être 90 minutes de votre temps, dépendamment de qui vous êtes. Mais de grâce, ne payez pas un billet de cinéma pour ce film.
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