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« Je regrette d’être devenu propriétaire. »

Quand le rêve de la propriété tourne au cauchemar.

Par
Marie-Ève Martel
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Devenir propriétaire, c’est censé être un événement joyeux dans une vie, le symbole ultime de l’accomplissement et de l’autonomie. Mais acheter une propriété, c’est aussi prendre des risques, assumer de grosses responsabilités et s’engager dans un mode de vie plus sédentaire, moins flexible.

J’ai parlé à quatre personnes qui, avec le recul, n’auraient pas acheté ou auraient fait un choix différent.

Une étude de Clever Real Estate, une firme de courtage immobilier américaine, indiquait qu’en 2024, 82 % des 920 acheteurs sondés avaient des regrets concernant leur propriété.

Les remords les plus courants concernaient le fait qu’ils considéraient avoir payé trop cher leur acquisition ou que le taux d’intérêt de leur hypothèque était trop élevé (46 %), qu’ils avaient sous-estimé le temps et le coût de l’entretien de leur maison (28 %) ou le fait que leur propriété ne répondait pas à tous leurs besoins (24 %).

Le sondage, réalisé auprès de 920 acheteurs, indique aussi qu’environ 85 % d’entre eux ont dû faire un compromis sur certains critères d’achat, que ce soit au niveau du voisinage, de leur budget ou des travaux à effectuer.

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D’autres regrets concernent aussi le manque de vision, qui fait en sorte que la maison ne correspond pas aux besoins à long terme de ses propriétaires, l’omission (volontaire ou non) de l’inspection avant l’achat ou le fait d’avoir sous-estimé le temps passé sur la route pour ses différents déplacements.

Un vice caché qui tue le rêve

Laurie*, qui m’a demandé de taire son nom pour ne pas nuire à ses démarches en cours, nage pour sa part en plein cauchemar.

Avec son chum, elle a emménagé, en juillet dernier, dans la maison qu’ils ont achetée pour 480 000 $ à Montréal. Un mois plus tard, quand l’ouragan Debby a déferlé, ils ont fait partie des sinistrés.

« On a dû tout arracher dans le sous-sol, y compris le tapis et le plancher. Et là, on a remarqué des cernes noirs, de la moisissure et des clous rouillés. La dalle de béton s’effritait », déplore la jeune femme.

Celle-ci s’est inquiétée davantage quand elle a voulu faire installer un drain français autour de sa maison et que les soumissionnaires ont refusé sous prétexte que la fondation n’était pas conforme.

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« On a fait venir un expert qui a trouvé un gros vice caché, relate Laurie. L’ancien propriétaire avait mal refait les fondations de la maison. L’eau s’est infiltrée pendant des années et elle est restée prise parce que le pare-vapeur a été mal installé. »

Résultat : le couple de premiers acheteurs devra débourser 250 000 $ pour refaire la fondation de sa maison, en plus des 15 000 $ déjà dépensés en honoraires d’experts et de payer une avocate à 250 $ de l’heure pour tenter d’être dédommagé par les anciens propriétaires.

« Ça, c’est s’ils sont solvables. C’est presque impossible qu’ils ne savaient pas qu’il y avait des infiltrations », note Laurie, qui a découvert plus tard que la rallonge de la maison n’avait pas été faite selon les normes et qu’aucun permis n’avait été obtenu auprès de la ville. « Plus on creuse, plus on découvre des affaires. »

La situation entraîne beaucoup de stress, d’angoisse et de désespoir pour Laurie et son conjoint.

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« Toute cette histoire nous a scié les jambes, raconte-t-elle. C’est le plus gros investissement de notre vie, on a mis tout notre argent là-dedans. Et moi, j’avais suivi toutes les étapes comme une bonne élève, en m’entourant de professionnels qui étaient censés bien me conseiller. »

« Avec du recul, je regrette mon choix, poursuit Laurie, déçue par le manque de diligence de sa courtière immobilière et de celui des vendeurs. Chaque fois que je pense à tout ça, je me sens inondée par un sentiment de trahison. »

Des surprises qui coûtent cher

Anastasia Luckenuick en a vu de toutes les couleurs avec l’achat d’un duplex qui lui a valu des années de misère.

Comme Laurie, Anastasia a été « prudente et diligente »; elle a fait inspecter l’immeuble, accompagnée d’un courtier. Ça ne l’a pas empêchée d’apprendre que des travaux majeurs avaient été bâclés et que des informations importantes lui avaient été cachées.

« J’ai appris qu’il fallait arracher le toit et que ça coûterait 45 000 $. Après la COVID, c’était rendu 70 000 $ », déclare-t-elle.

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« Et je ne te parle même pas des refoulements d’égout, des infiltrations d’eau, de la cheminée qui était condamnée… »

Elle a donc tenté d’annuler la vente de sa propriété, neuf jours seulement après son premier passage chez le notaire.

Cinq ans et demi plus tard, elle a eu gain de cause devant les tribunaux. Elle a réussi à revendre l’immeuble au même prix, mais cette expérience lui a laissé un goût amer.

« À cause de ça, j’ai failli faire trois faillites en cinq ans. Ça m’a coûté environ 70 000 $ en frais d’avocats, mentionne Anastasia. J’ai perdu ma sécurité et mon indépendance financière et j’ai dû retourner vivre chez ma mère. »

« Pour protéger les gens de ce [qu’elle a] vécu », Anastasia s’est formée pour devenir inspectrice en bâtiment et a abordé cette mésaventure dans son livre Si tout est facile et cohérent.

La propriété : pas pour tout le monde

Les cas de Laurie et d’Anastasia sont extrêmes. Pour d’autres, c’est simplement le fait d’être propriétaire et d’avoir à entretenir son logis qui ne colle pas, comme c’est le cas pour Marie-Ève Théberge.

« J’ai tellement tout haï de ça! », confie-t-elle.

Travaux bâclés qui l’ont privée de sa toilette pendant huit semaines, le stress constant de devoir réparer des bris…

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« Passer des fins de semaine entières à ramasser des feuilles sans jamais en voir le bout, le gazon, la neige, les plates-bandes… Ce n’était pas moi, tout ça », ajoute celle qui a été ravie de laisser la maison à son ex lors de leur séparation.

Son rêve de propriétaire, elle l’a trouvée en achetant une roulotte où elle vit ses étés sur un terrain de camping. « C’est le meilleur des deux mondes : j’ai la paix d’un chez-soi en été, mais je n’ai pas de terrain à m’occuper! », lance-t-elle.

Le cauchemar des condos

Moi-même, j’ai regretté d’avoir acheté un condo. J’étais tombée en amour avec un p’tit trois et demi censé m’apporter la quiétude sur la Rive-Sud de Montréal.

Rapidement, après être emménagée, j’ai découvert que le fonds de prévoyance du condo, d’environ 25 000 $, était celui du syndicat horizontal des 72 portes de mon quartier et non celui du quadruplex dans lequel j’habitais… qui n’en avait pas!

Ensuite, j’ai découvert que l’échangeur d’air était non-fonctionnel, son installation ne respectant pas les normes (allô, Habitations Trigone!). Ça, c’est sans compter les interminables assemblées du syndicat de condo, où des administrateurs vivaient un gros power trip.

Cerise sur le sundae : la voisine d’en haut avait loué à une femme qui opérait une garderie non enregistrée.

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Ça m’a pris trois ans pour vendre mon condo 3000 $ de moins que ce que j’avais payé au départ. J’ai trouvé mon acheteur grâce à une annonce virale. Entre-temps, j’avais mis sur pied le fonds de prévoyance manquant et réglé le cas de la garderie avec une mise en demeure.

Aujourd’hui, je suis bien contente que cet épisode de ma vie soit désormais derrière moi. Finis, les condos!

Petits regrets, grosses déceptions

Ces faux pas, la courtière Odile Alain, affiliée à la bannière Re/Max Renaissance, les reconnaît chez certains acheteurs.

« Les gens ont souvent un gros coup de cœur pour une maison, mais une fois déménagés, ils réalisent que ça leur fait plus de voyagement ou que l’environnement immédiat n’est pas idéal », explique-t-elle.

Pour éviter une déception, elle recommande de visiter le quartier à différents moments au cours de la semaine.

Autre erreur à éviter : ne pas considérer les dépenses supplémentaires qui viennent avec l’achat d’une maison.

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(Ça tombe bien, on vous en a fait la liste ici.)

« Il y en a qui calculent un budget hyper serré pour l’achat d’une maison, mais qui ne tiennent pas compte de plusieurs frais qui peuvent représenter plusieurs milliers de dollars », prévient Odile Alain, qui suggère aux futurs propriétaires de conserver une marge de manœuvre financière.

Enfin, malgré le contexte de surenchère actuelle où des acheteurs outrepassent l’inspection pour remporter la mise, la courtière rappelle de toujours faire inspecter la propriété. « Ça aussi, ça peut nous épargner beaucoup de maux de tête! », lance-t-elle.