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Je préfère mon jouet érotique à mon copain, c’est grave ?

« Non, la pénétration ce n’est pas le seul moyen d’avoir un rapport sexuel. »

Par
Bettina Zourli
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J’ai longtemps cru que comme j’avais une vie sexuelle active et régulière, je n’avais ni besoin de me masturber, ni d’acheter un sextoy. Oui, j’ai été en couple pour la première fois à 14 ans, et depuis, j’ai enchaîné les relations longues ou les histoires d’un soir et autres plans cul lors de mes périodes de célibat.

Et puis un jour, il est arrivé. Je ne l’attendais plus vraiment : 15 ans de vie sexuelle à croire que les sextoys n’ont pas d’intérêt, ça ne change pas du jour au lendemain. J’ai reçu un jouet érotique, et pas n’importe lequel : un stimulateur clitoridien. Contrairement à mon mari, mon jouet érotique, c’est moi qui le dirige, et je peux le positionner directement, sans chichis et sans honte, sur la zone la plus érogène. Il stimule mon clitoris, sans que j’ai à délicatement lui suggérer que non, là, il n’est pas au bon endroit, que non, là, je ne sens rien, que… Mais tu sais au moins où il se trouve ou à quoi ça ressemble un clito ?!

La fin du plaisir phallocentré

J’ai passé la majeure partie de ma vie sexuelle à croire que le seul moyen de faire l’amour et d’avoir du plaisir, quand on a un vagin, c’est d’être pénétrée. Je suis hétérosexuelle, je n’ai eu que des partenaires qui ont un pénis, et qui m’ont souvent fait comprendre que bon, les préliminaires ok, le cunni, ok, mais quand même, ce serait bien qu’on arrive rapidement à la pénétration parce que « le vrai sexe de la vraie vie, c’est ça ».

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C’est sûr que biologiquement parlant, ça a l’air plutôt bien foutu quand on est hétéro : on a un vagin qui permet d’accueillir un pénis, super pratique. Sauf que.

Sauf que ça, c’est peut-être plutôt fait pour se reproduire non ? Non parce que depuis que de brillants hommes ont décidé que notre clitoris était inutile (pas merci Freud), on a fait un peu de chemin pour démystifier l’orgasme vaginal : il n’existe pas ! Pourtant, certains hommes persistent : pas plus tard que l’an dernier, un homme avec qui j’avais eu des rapports sexuels me certifiait que « si si, il existe » (inutile de préciser qu’il n’a pas de vagin).

Freud a inventé de toutes pièces le concept d’orgasme vaginal, notamment en menant ses recherches sur la frigidité des femmes, qui est selon lui anormalement élevée par rapport à la libido masculine. Il martelait aussi que l’orgasme clitoridien était réservé aux petites filles et qu’en devenant adulte, le plaisir venait forcément du vagin (après qu’on ait fait le deuil de notre manque de pénis, cela va de soi… Help). En fait, comme l’explique Anne Koedt dans son article Le mythe de l’orgasme vaginal, cette idée est fausse, elle s’est construite à cause d’hommes qui avaient une vision complètement erronée de la physiologie des personnes dotées d’un vagin et d’un clitoris ! Nous n’avons un organe dédié à la jouissance : le clitoris, et même si on ressent du plaisir par voie vaginale, ce sont en fait les bulbes et corps caverneux du clitoris, situés de chaque côté du vagin, qui sont stimulés.

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D’ailleurs, selon une étude menée en 1976 par Shere Hite, sexologue et essayiste allemande : 95% des personnes dotées d’un vagin et d’un clitoris qui se masturbent atteignent l’orgasme. Toujours selon elle, seulement 30% des femmes jouissent lors d’un rapport pénétratif. A l’époque, son rapport fait scandale. Aujourd’hui, on commence doucement à comprendre que tous les humains peuvent se masturber, et que non, la pénétration ce n’est pas le seul moyen d’avoir un rapport sexuel.

Encore récemment, on a fait l’amour avec mon mari : enfin, pour moi seulement. On s’est caressés, on s’est embrassés nus, je l’ai masturbé, il m’a masturbée et fait un cunnilingus, et je l’ai fait jouir, simplement avec mes mains. Quelques minutes après, il m’a dit : « Tu n’avais pas envie aujourd’hui ? », comme si nous n’avions pas fait l’amour, alors que moi, j’avais l’impression qu’on venait d’avoir un moment d’intimité qui s’apparente à une relation sexuelle.

Je préfère me masturber que d’avoir un rapport sexuel (ou presque)

Je ne dis pas que je n’aime pas faire l’amour avec mon partenaire mais disons que j’ai plus souvent la flemme, parce que je sais que je ne vais pas être excitée tout de suite, parce qu’il me faut bien 20 minutes avant d’avoir vraiment envie et qu’avant ça, je dois un peu me motiver. Du coup, j’y pense, je réfléchis, et je ne suis plus du tout dans l’instant présent, j’ai donc encore moins de chances d’être excitée.

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Quand je me masturbe, je m’installe confortablement, je choisis une vidéo agréable qui va m’exciter, et en 5 minutes, j’atteins l’orgasme (et franchement, quelle sensation de ouf). J’aurais quand même tort de m’en priver, non ?

A l’instar des hommes qui se masturbent alors qu’ils sont en couple, je me masturbe alors que je suis en couple. Je considère ces deux activités comme étant complémentaires : utiliser un sextoy m’a permis de comprendre que non, le rapport pénétratif, ce n’était pas trop mon truc (ça ne me dérange pas, mais seulement si on a d’autres pratiques avant, pendant, après), et surtout, que ça ne devait pas définir un rapport sexuel.

Je n’ose pas encore tout expliquer à mon mari, mais je me permets de bouger sa main, sa langue, quand clairement, ce qu’il est en train de faire n’a aucun effet sur moi. Je pose parfois les règles en proposant un rapport non pénétratif, et d’ailleurs, nous avons déjà eu cette discussion : il n’a pas trouvé que c’était une mauvaise idée et nous avons eu plusieurs rapports sexuels et amoureux complètement différents de ce qu’on avait l’habitude de faire.

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Ça m’a soulagée. Vous n’imaginez même pas à quel point. Je me sens beaucoup plus libre de faire l’amour, j’en ai aussi plus souvent envie, car comme Maïa Mazaurette l’a indiqué à plusieurs reprises : il est grand temps d’arrêter de considérer le sexe comme le ciment du couple.