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Je ne regarde plus le Super Bowl

Ce dimanche, je vote avec mon temps et mon argent: je boude le football.

Par
Benoît Lelièvre
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Joe Montana, immortel quart-arrière des 49ers de San Francisco, et Serge Amyot, s’époumonant à chanter ses louanges à RDS, font partie de mes premiers souvenirs.

Regarder les parties des Nordiques à la télé et écouter celles des Expos à la radio en mangeant des pistaches assis à la table de la cuisine sont les premières choses que je me rappelle avoir faites avec mon père.

En d’autres mots, le sport professionnel a bercé mon enfance.

C’est en développant cet intérêt que je me suis mis au sport et passé plusieurs belles années à jouer au basketball. J’ignore d’ailleurs toujours ce qui se serait passé avec moi si je n’avais pas eu un ballon orange et des coéquipiers aussi passionnés dans mon entourage.

il y a tellement de bon sport à la télé et sur internet aujourd’hui que je vois plus d’intérêt à encourager un sport qui balaye aussi lâchement ses problèmes sous le tapis pour continuer à faire du cash.

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J’adore encore regarder du sport aujourd’hui. C’est un moment qui m’appartient, où je peux être émotif et irrationnel sans que personne ne me juge. Ma blonde trouve ça drôle parfois de me voir fâché parce que Tim Hardaway Jr. lance un air ball dans un moment critique pendant une partie des Knicks. Mais elle comprend.

Il y a toutefois un sport que je ne regarde plus : le football américain. Pas parce que le spectacle n’est pas bon. Pas parce que mon équipe est poche.

C’est qu’il y a tellement de bon sport à la télé et sur internet aujourd’hui que je vois plus d’intérêt à encourager un sport qui balaye aussi lâchement ses problèmes sous le tapis pour continuer à faire du cash.

Le problème avec le football

C’est quoi le problème avec le foot, vous me direz?

Entre autres:

Le 2 mai 2012, le légendaire secondeur de ligne Junior Seau s’enlève la vie dans sa voiture, laissant comme seules explications des paroles de chansons gribouillées sur un morceau de papier dans la cuisine de son domicile. Devant la catastrophe annoncée (il n’était pas le premier), la ligue n’avait rien fait pour le soutenir, ni support psychologique, ni aide d’une autre nature, ni rien.

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Le 1er décembre 2012, Jovan Belcher se suicide dans le stationnement des Chiefs de Kansas City après avoir assassiné sa copine Kasandra Perkins devant sa mère et son bébé. Son équipe lui rendra hommage lors du match suivant et il sombrera dans l’oubli avant que sa mère ne poursuive la ligue l’année suivante.

Le 15 février 2014, le joueur étoile des Ravens de Baltimore Ray Rice frappe sa copine dans l’ascenseur d’un casino. La ligue lui donne deux matchs de suspension. Ce n’est qu’une fois la vidéo de l’altercation rendue publique et devant une tempête médiatique que la sanction passera à 10 matchs.

Le 14 juillet 2014, Greg Hardy est reconnu coupable d’un horrible assaut sur sa copine, mais lorsque cette dernière disparait pendant le processus d’appel (les rumeurs veulent qu’elle ait été intimidée ou payée), les poursuites sont abandonnées. Hardy sera suspendu pour 4 parties, recommencera à jouer, engrangera plusieurs millions chez les Panthers de la Caroline et les Cowboys de Dallas avant de se recycler dans les arts martiaux mixtes.

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Ce ne sont là que quelques exemples parmi les plus médiatisés d’un problème systémique au football que tout le monde essaie d’enterrer. Non seulement, c’est un sport où il est pratiquement impossible d’éviter les commotions cérébrales à répétitions, c’est à peu près certain qu’un joueur de football souffrira de CTE (encéphalite traumatique chronique) au cours de sa carrière. Parmi les symptômes de cette maladie, on compte l’impulsivité, l’isolation sociale, le manque de jugement, la dépression et les pensées suicidaires.

Bref, vous voyez pourquoi chaque année et particulièrement à l’approche du Super Bowl, j’ai comme un malaise ? La NFL :

– A trop longtemps banalisé les commotions cérébrales;

– Évite de prendre ses responsabilités devant le problème grandissant de joueurs au comportement violent et parfois meurtrier;

– A à sa tête un commissaire qui essaie de balayer ça sous le tapis parce que ça affecte les revenus de la ligue.

Ça me dérange en tant que fan de sport de constater à quel point tout ça est mal géré. Ça me gosse de contribuer à la popularité d’une ligue qui essaie de dissimuler ses problèmes pour des considérations purement financières.

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Ça change quoi de ne pas regarder le Super Bowl?

Vite de même, pas grand-chose.

Je le fais par conviction. Ne vous méprenez pas, je ne suis pas naïf et je ne tire pas la plogue chaque fois que mes valeurs sont mises à l’épreuve. On trouve des athlètes professionnels qui font des conneries au hockey, au soccer, à la boxe et même dans mon sport favori, le basketball. Je pense à l‘ailier des Hornets de Charlotte Jeff Taylor qui s’est fait arrêter après avoir frappé sa copine. Alors quelle différence avec ce qui se passe dans la NFL, me direz-vous? Taylor a été immédiatement suspendu pour 25 parties par la ligue et libéré par son équipe. Il n’a plus rejoué dans la NBA depuis.

Être cave et violent, ce n’est pas le luxe des gens qui souffrent de commotions cérébrales à répétition.

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La NFL met ses joueurs à l’amende pour avoir dansé après un toucher, mais peine à sévir lorsqu’ils battent leurs femmes.

La NFL met ses joueurs à l’amende pour avoir dansé après un toucher, mais peine à sévir lorsqu’ils battent leurs femmes.

C’est là que je trace la ligne. Si une ligue de sport professionnel n’est pas capable d’imposer un code de conduite à ses joueurs parce que les infractions sont si endémiques qu’elles nuisent aux profits, ça ne passe pas pour moi. Et puisque l’argent semble la seule chose qui préoccupe la NFL, je refuse de leur donner de mon précieux pécule, de mon temps ou de faire gonfler les cotes d’écoute qui font vendre de la pub à gros prix.

J’ose croire que je ne suis pas seul à penser comme ça. Ça ne sert pas à grand-chose de s’indigner contre la NFL si on continue de faire comme si de rien n’était quand ça compte. On n’est pas obligés de regarder du football pour manger des ailes de poulet.

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Si vous me cherchez dimanche soir, je serai au cinoche en train d’écouter Three Billboards Outside Ebbing Missouri avec ma blonde…