.jpg)
Le démembreur de Montréal, l’ignoble personnage qui a défrayé la chronique alors que le dernier printemps bourgeonnait, la star de 2013 selon les médias canadiens, le monstre dont je tairai le nom revient hanter l’actualité.
J’ai failli croiser l’animal hier après-midi dans le Vieux Montréal alors que je sortais de chez un client et qu’il se rendait au Palais de Justice pour la rencontre entre ses avocats et la juge en vue de préparer l’enquête préliminaire de son procès. Selon les médias, l’accusé menotté aux pieds et aux mains était installé dans une cage en verre. Comme s’il allait se précipiter sur les journalistes et les découper en mille morceaux!
L’infâme personnage a suivi impassiblement la conversation entre les avocats et la juge chargée de son procès. Dix journalistes et deux dessinateurs avaient été autorisés à assister à l’audience. Mais un interdit de publication les a empêchés de révéler le contenu des discussions. Tout ce cirque a pourtant fait l’objet de nombreux reportages dans tous les médias.
Ce criminel est devenu une vedette. Tout le monde connaît son nom. Tout le monde connaît sa face. Un certain nombre ont même dévoré des yeux l’abjecte vidéo de son horrible crime.
N’est-ce pas ce dont il rêvait?
Et Jun Lin, la victime? De quoi il rêvait? Même dans ses cauchemars les plus effrayants, il ne rêvait certainement pas de finir démembré, découpé, envoyé en morceaux par la poste. Cet étudiant d’origine chinoise qui étudiait à l’Université Concordia n’a pas le quart du millième de la notoriété de son dépeceur. Il rêvait peut-être d’une vie simple, d’une maison, d’un travail intéressant, d’amis, de voyages. Il était sans doute curieux, il avait envie de vivre des expériences, il ne cherchait pas à être connu, mais il voulait sûrement vivre vieux, peinard, tranquille,…
C’est lui qui devrait être connu. C’est le nom de Jun Lin dont on devrait se souvenir. Pas celui de son assassin.
Tous les criminels devraient mourir dans l’oubli. Leur donner une vitrine, les nommer à tout bout de Une, c’est leur faire plaisir, c’est réaliser leurs phantasmes. Ne montrons pas leurs têtes! Ne disons pas leurs noms! Faisons d’eux des anonymes. Je ne veux pas dire pour autant qu’il faut ignorer ce qu’ils ont fait. Non! Mais il faut ignorer qui ils sont. Ils ne méritent pas une place dans notre mémoire. Certainement pas plus que ceux dont ils ont enlevé la vie.
Je ne dirai pas son nom. Parce que l’horreur n’a pas de nom.