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N’en déplaise à Claude Jasmin, je suis Québécoise, je n’ai pas renoncé à moi-même, je ne suis ni une « déracinée contente », ni une « machine anonyme», et surtout : je n’appartiens à aucune race.
D’abord, se proclamer publiquement « fier de sa race » lorsqu’on est un vieil homme blanc embourgeoisé est une imposture si abjecte que j’aurais besoin d’un seau pour y vomir. Et publier de telles énormités est un choix éditorial fort douteux.
Il est grand temps d’abattre fermement un poing sur la table, pour que cessent ces élucubrations patriotiques qui tentent d’attiser la flamme nationaliste des Québécois par un discours de vanité et d’exclusion.
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Ils me font peur, ces « identitaires ». Ils me font peur autant qu’ils sont eux-mêmes terrorisés par l’impasse politique dans laquelle s’enlise le Québec depuis 1995. Bien sûr que nous la ressentons tous, cette grande lassitude.
Mais eux la vivent avec une angoisse telle qu’ils ne savent plus répondre à l’altérité que par la méfiance et l’intolérance. Et bien sûr, ils se justifient en brandissant l’épouvantail de « l’oubli et du renoncement », en oubliant que c’est avant tout de « renouvellement » dont le Québec a besoin.
J’en ai marre qu’on nous décrive le « Québec rêvé » en recourant systématiquement à une imagerie d’un autre temps. Le Québec dont je rêve n’est pas une espèce de Gaule sauvage, et ses habitants ne sont pas des Croisés hirsutes et homogènes, qui hurlent leur Grévisse en chargeant dans le ventre du « monstre Amérique ».
On ne fera pas un pays en chiquant et crachant la hargne des derniers siècles dans un creuset d’écorce, la main crispée autour d’un chapelet. Et surtout, on ne fera pas un pays avant d’avoir réfléchi sérieusement à comment ne pas laisser crever ceux qui y vivront. Sans égard à leurs « racines ».
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Il n’y a pas de « race » québécoise qui vaille, un point c’est tout. La composante raciale est la lie puante de toute construction identitaire.
Non, je n’appartiens à aucune race. Mais je n’ai pas renoncé à moi-même pour autant. L’identité profonde d’un peuple ne se construit pas qu’en scrutant l’horizon lointain de l’Histoire. Et jamais je n’accepterai qu’on place la « race » en amont de ma culture; de notre culture. La pluralité n’est pas une tare. L’interculturalisme n’est pas un renoncement. C’est une main tendue vers un avenir plus grand, plus juste.
J’en ai marre qu’on nous assassine, en enfermant le Québec dans un cloaque identitaire.
J’en ai marre du réflexe discriminatoire des Québécois « de souche », fiers et proclamés, qui ont au fond surtout peur de leur ombre.
Peut-être sommes-nous en effet un peuple malade. Mais notre mal se résume surtout par le refus de se penser sur de nouvelles bases.
Et je ne suis certainement pas fière que nous palliions notre crise d’exister en tant que peuple en exacerbant toujours plus un patriotisme inquiétant. Ça, précisément, c’est la mort de l’esprit, de l’espoir et de toute dignité.
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Alors Claude Jasmin peut bien continuer d’alimenter son fétiche racial, mais qu’il le fasse en silence.
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