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Je vous l’ai déjà expliqué, mon père et ma mère sont de vraiment bons parents. Mais ils ont au moins une tache à leur dossier. Pis cette tache-là est indélébile. Pis elle est sur mon certificat de naissance.
C’est très sûrement le plus grand fléau des années 1990. Des milliers et milliers de parents, épris d’une étrange frénésie, décident d’américaniser leur arbre généalogique en baptisant leur nouveau-né Kevin, Keven, Kaeven ou tout autre poétique déclinaison de ce charmant prénom.
C’est un phénomène dur à expliquer.
On sait que les jeunes porteuses sont, pendant leur maternité, friandes de téléromans. Voilà pourquoi Lucas, célèbre basketteur blond, a donné son nom à plusieurs bébés de la dernière décennie. Avant, c’était un certain résident de Beverly Hills, Dylan McKay, qui inspirait les baptêmes.
Mais à ma connaissance, il n’y a jamais eu de Kevin ben populaire. Est-ce Kevin Bacon excitait à ce point les jeunes mamans? Permettez-moi d’en douter. Le mystère reste donc entier.
La situation était particulièrement hors de contrôle en France.
Dans mon cas ce fut Kéven, avec un accent aigu, parce que ma mère voulait “franciser” mon prénom. Maman, si tu voulais me donner un prénom francophone, ça aurait pu être Maxime, Adam ou Alexandre. C’est beau pis ça aurait tellement mieux fitté avec ma personnalité.
T’sais, ma personnalité qui travaille pas sur la construction. Qui se trimbale pas en Honda Civic. Parce que oui, je suis certain d’être le seul et unique représentant des Keven qui ne conduit pas de Civic.
Ce nom-là vient en package deal avec plein de stigmates sociales. C’est encore pire depuis la mise en ligne du terrible et désormais mythique vidéo “Bonne fête Kevin“. Je suis sérieusement incapable d’accomplir QUOI QUE CE SOIT de noble sans qu’un ami se trouve ben drôle et me hurle « Enwaye Kéven ostie continue comme ço LOOL. »
Sans farce, une étude a même récemment conclu que les gars nommés “Kevin” avaient moins de chance d’intéresser les filles.
J’étais pourtant PRÉDESTINÉ à obtenir un beau prénom.
Parce que mon père, lui, se prénomme très noblement André. André Breton, comme le poète, dit le père du surréalisme. Pouvez-vous imaginez ça, que le fils du surréalisme, ce grand courant artistique, s’appelle Kéven Breton? Dans le fond, ça explique peut-être les choses. Mes parents devaient tripper cadavre exquis ou écriture automatique. Seule explication possible.
J’entends déjà les grands intellectuels : “OUAIN MAIS TU PEUX TOUJOURS CHANGER LÉGALEMENT DE NOM, SI T’ES PAS CONTENT DE CELUI SUR TON BAPTISTAIRE”.
Hein ouain? Mon deuxième prénom c’est Berthier. “Berthier Breton”. Papa, maman, à quoi vous pensiez, caliss?
Vous auriez juste pu vous ouvrir une bonne bouteille de vin, vous partir une game de Boggle pis me dénicher un meilleur prénom.
Ce traumatisme abécédaire m’a tellement marqué que j’ai développé une étrange obsession. J’appelle ça “L’astrologie des noms”; une espèce de pseudoscience fondée sur l’étude des prénoms qui me permet de deviner le caractère et la personnalité d’une personne.
Je sais que logiquement c’est ben peu probable qu’une série de lettres alphabétiques influence la personnalité d’une personne. Mais moi, j’en fais quand même d’étonnantes déductions : par exemple, j’hais systématiquement TOUTES les Anne-Marie. Sans exception.
C’est un peu comme les signes astrologiques : les hommes lions sont compatibles avec les femmes béliers, ben moi j’suis compatible avec les Maude. Aussi: je trouve PARTICULIÈREMENT sexy une fille qui porte un prénom unisexe. Genre Gabrielle, Joëlle ou MIEUX ENCORE Frédérique.
Je pousse même ma réflexion plus loin : dans ma folle psychanalyse, c’est peu probable que tu connaisses le succès si t’as un prénom trop commun.
Exemple, en connaissez-vous beaucoup des Alexandra qui datent des joueurs de la NHL pis qui ont déjà fait le top 35 de la WTA? Mais des Aleksandra, par exemple…
Inversement, certains prénoms sont garants de succès. Exemple si tu te prénommes Joshua t’es forcément gentil, drôle, séduisant et un pro à la guitare. Pis tu sens nécessairement vraiment bon tout le temps.
Mon tabarnak.
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Pour lire un autre texte de Kéven Breton: La saison parfaite pour être plate.