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Bonjour Pascal.
Je dois avouer, je ne suis pas comme toi. Je ne suis pas Homme de mots, mais bien un homme d’images. Pour gagner ma vie, je prends simplement des photos. Ce qui fait que comme quelques habitants du Plateau, je dois me déplacer très souvent. Je voulais par contre prendre le temps de répondre à ta lettre. Je trouve important de rectifier certains faits ou plutôt de donner mon opinion. L’envers de la médaille, quoi.
Comme tous les matins, je me suis réveillé hier en agrippant mon téléphone sur le côté de mon lit, pour lire mes courriels et faire un petit tour sur Facebook. J’ai vu le titre « J’AIME MON MAIRE », traitant du maire Ferrandez et publié par Urbania. Je me suis dit: « wow, de l’humour noir comme je l’aime! Ils ne le manqueront pas! »
À la lecture de ton texte, j’ai sursauté. Je t’explique brièvement.
J’habite sur le plateau. Je dois préciser, je suis locataire dans le centre du plateau et j’ai « OH MON DIEU » une voiture. Ce n’est pas mon quartier depuis 25 ans, je n’ai même pas 25 ans. C’est mon quartier depuis mon arrivée à Montréal, soit près de quatre ans. Tous mes amis de Rimouski ne manquent aucune occasion de me le dire, « ouin t’es pas mal Plateau »… C’est que ça doit être vrai…
Je partage plusieurs de tes points. Ce n’est pas un « centre financier peuplé de tours à bureau ou une cité-dortoir » et c’est effectivement « un endroit où l’on travaille, habite, grandit, s’amuse, discute, vit ». Pour le lieu de villégiature, je crois que venir faire un tour sur Mont-Royal le week-end pourrait t’ouvrir à une nouvelle réalité. Le point qui me chicote le plus est celui où tu dis qu’on y vit de mieux en mieux. Pour ma part, et depuis quatre ans, c’est faux. Archifaux.
Depuis un peu moins de deux ans, j’ai décidé de centraliser ma vie. J’habite au coin de De la Roche et Mont-Royal, mon studio est au coin de Chambord et Mont-Royal, et ma copine est au coin de Cartier et Mont-Royal. Malgré cela, je trouve qu’il est de plus en plus difficile d’y vivre en toute quiétude. Je t’entends déjà me dire « ouin, mais pourquoi t’as une voiture dans ce cas là ?» Le prochain qui me dit ça, je lui fais traîner six valises de flash et caméra de Papineau à McGill College, dans des bancs de neige pas déneigés par souci de « grâce matinée dominicale », juste pour voir.
Tu parles du déneigement, parlons du déneigement. Aujourd’hui en marchant de Cartier à Chambord sur l’avenue Mont-Royal, j’ai vu deux personnes tomber à cause des trottoirs glacés. Ça fait au moins six jours que la tempête est terminée. Et là, je ne parle pas d’une petite ruelle obscure entre Messier et Parthenais, je parle bel et bien de l’avenue qui porte le nom du « plusse coool quartier ». Pour ce qui est des rues, je n’apprendrai rien à personne, c’est horrible. Certains me disent que ça force les gens qui ont des voitures à consommer local. Je réponds que si t’as besoin d’un banc de neige de six pieds par-dessus ton auto pour aller te chercher un bagel au coin de la rue à pied, t’as un sacré problème, mais surtout qu’il y a d’autres solutions.
Quand ce n’est pas l’hiver, c’est l’été… Quand ce n’est pas le déneigement, c’est les tickets. Cet été, j’ai reçu une contravention pour m’être stationné trop près du trottoir. Pas sur le trottoir, mais bien trop près. J’en ai aussi reçu une pour m’être stationné trop loin du trottoir. Pas dans la rue, mais bien trop loin du foutu trottoir. Les horaires de stationnement sont devenus pratiquement impossibles et les parcomètres coûtent la peau des fesses. Rien pour empêcher les gens d’aller magasiner à Laval ou au 10-30. « Ben qu’ils y aillent », me direz-vous. J’ai la même opinion, je déteste les foules. Par contre, mes collègues de l’association des commerçants de l’avenue sont un peu moins d’accord avec nous. Surtout avec les loyers ridiculement exorbitants du coin.
Pour en finir, je crois que tu as oublié un point très très important. Les mesures d’apaisement. Je ne suis pas contre le principe, mais j’aimerais beaucoup qu’il engage quelqu’un pour définir les répercussions réelles de ce que ces mesures vont engendrer. Parce qu’on ne se mentira pas, les mesures d’apaisement n’empêcheront pas les gens de prendre leurs voitures. Elles vont simplement créer des embouteillages sur les artères principales et plus précisément empêcher les commerces dont tu vantes les vertus de faire de l’argent avec les habitants des quartiers adjacents. Le maire Ferrandez s’est mis dans l’idée de couper la circulation de transit. À la base, ce n’est pas fou. Ou du moins, ce ne serait pas fou à Pointe-aux-Trembles. Ce que je me demande réellement c’est si le maire du Plateau Mont-Royal est conscient qu’il dirige le Plateau Mont-Royal. Comment veux-tu couper la circulation de transit, alors qu’une des entrées les plus populaires de l’île entre et sort en plein coeur du milieu de vie? Que tes artères principales sont De Lorimier, Papineau, St-Denis, St-Laurent, St-Joseph et Sherbrooke. Que tu veuilles te déplacer de Hochelaga Maisonneuve, de Rosemont et sa petite patrie, d’Outremont, du Centre-Sud, de Villeray, peu de chances sont que tu n’aies pas à passer par notre quartier. Les mesures d’apaisement sont tellement faites n’importe comment qu’il y a des plaintes du service de police et des pompiers parce qu’elles les empêchent de travailler convenablement. Du sens unique de la rue Laurier, au blocage quasi complet de la rue de Lanaudière et Chambord (curieusement, la rue où le fameux maire habite), à la barrière sur Berri à la hauteur de Laurier, le rétrécissement de la rue De la Roche qui passe maintenant de deux à une seule voie ce qui congestionne la rue, devient dangereux pour les piétons et crée des spectacles incroyables où j’ai vu presque tous les jours pendant deux semaines des voitures s’enfoncer dans une plate-bande faute d’indication et de signalisation, jusqu’au changement de signalisation sur plusieurs rues, dont le coin Papineau et St-Joseph, où on retrouve un bouchon considérable tous les matins depuis le changement, j’ai l’impression que les plans ont été dessinés par un enfant de cinq ans qui compose avec un grave retard mental.
Quatre ans plus tard, je me retrouve confronté à une réalité que j’ai beaucoup de misère à admettre. Mon plus beau quartier du monde est désormais un endroit où les petites choses de la vie deviennent des obstacles. Soit rassuré, je ne dis pas que tout cela est dû au maire Ferrandez. Par contre, il y a une grande portion de tous ces phénomènes qui lui sont attribués.
Je ne crois pas que tous les habitants du Plateau sont des marcheurs, cyclistes, adeptes du transport en commun (déficient) qui travaillent à moins de 5 minutes de leurs résidences. Je ne crois pas non plus qu’ils vont chercher du lait au dépanneur en VUS. Je crois qu’il y a différentes réalités à l’intérieur d’un territoire, mais que l’administration se concentre à faire plaisir à une seule de ces réalités et étrangement, elle correspond pas mal à celle du maire Ferrandez.
Pour finir, je me cherche un appartement dans Outremont pour le 1er juillet prochain, au cas où tu entendrais parler de quelque chose.