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Je fais les pires hosties de migraines

Par
Kéven Breton
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Sujets amenés s’abstenir, il n’existe aucune manière plus distinguée de vous présenter ça : je fais les pires hosties de migraines.

C’est un mal qui m’afflige depuis plus de cinq ans, et ce n’est que tout récemment que j’en ai découvert la cause – ou du moins un semblant d’explication.

Ces migraines impromptues sont activées en moi en mode shuffle et se produisent aussi bien lorsque je suis seul chez moi que lorsque je suis en train de faire une présentation devant cinquante personnes. Je n’ai jamais réussi à discerner le dénominateur commun derrière ces mystérieux et damnées malaises qui pouvaient survenir autant le jour que le soir, autant avant qu’après le repas.

Et le plus agressant, ce n’est pas le mal de tête en tant que tel, puisque ces douleurs sont somme toute assez accessoires aux symptômes qui les précèdent. Une quinzaine de minutes avant d’avoir le cerveau dans le tordeur, je perds momentanément la faculté perceptive.

Je dirai pas “visuelle”, car je continue à “voir” : mes yeux distinguent des formes géométriques simples, voient et même amplifient la lumière. Mais j’ai l’impression d’assister à une supernova de stroboscopes défectueux; comme si toute ma matière organique avait déménagé dans un gros rave en plein jour.

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Les premiers signes de cet arrêt de mort temporaire sont de fatales petites taches scintillantes qui brouillent mon champ de vision. Dès lors, je sais à quoi m’attendre : elles vont décupler, clignoter de plus en plus fort, jusqu’à ce que mes globes oculaires ne soient plus qu’écrans cathodiques à l’agonie.

Heureusement ces petites séances d’auras maléfiques ne durent qu’une quinzaine de minutes tout au plus. Mais elles sont souvent accompagnées de fourmillements jusqu’au bout des doigts qui m’engourdissent et me donnent des haut-le-cœur, ne me laissant aucun autre choix que d’aller m’effondrer dans une pièce sombre.

C’est un peu comme si j’avais développé mon propre spidey-sense. Ces signes annonciateurs me permettent de prévoir mes migraines et de quémander à l’avance des Tylenols à mes amis qui ne comprennent rien à mes explications “d’éclairs transluicides virevoltants partout” alors que je me tiens les paumes de main profondément enfoncées dans les paupières.

-As-tu des advils?

-Pourquoi, tu as mal à tête?

-NON JE TROUVE JUSTE ÇA CRISSEMENT DÉLICIEUX.

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Un peu inquiet par mes petites crises, mon entourage m’a suggéré d’aller voir un optométriste. Celui-ci n’a toutefois rien compris de mon charabia (je suis peut-être trop habitué à parler en figures de style). Comme le problème était persistant et que je n’avais toujours pas trouvé de possible explication après quatre saisons de Dr. House, j’ai décidé d’aller voir mon médecin de famille.

Ce dernier m’a diagnostiqué des lésions aux cerveaux. Rien que ça. De manière tout aussi dramatique que son appellation l’indique.

Il m’a brillamment recommandé d’aller passer un “taco cérébral”, ce qui dans ma tête, sonnait comme une espèce de burrito pour cannibales, mais qui est en fait un examen radiologique.

Je me suis rendu là, au Centre hospitalier de l’Université de Sherbrooke, un bon jeudi après-midi en écoutant l’album Hospice de The Antlers juste pour me préparer mentalement au fait que j’allais sûrement mourir interné là-bas.

Sauf qu’ils ont rien trouvé. Ou en tout cas s’ils ont trouvé quelque chose ils n’ont pas cru bon m’appeler pour me le dire. Mon cerveau fonctionnait bien – mais ces épisodes halogènes ont continué de se reproduire à la même fréquence.

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J’ai finalement rencontré quelqu’un (salut Jess!) pour qui mes explications de maux de têtes n’étaient pas étrangers. Elle savait même mettre un nom précis sur la chose: une migraine ophtalmique.

Trois-quatre recherches Google plus tard, je pouvais effectivement confirmer que c’était effectivement ce dont j’étais parfois victime. Les corps étrangers qui apparaissaient dans mon champ de vision portaient même un nom, “scintillating scotoma”, qui avouons-le, sonne pas mal plus comme le nom d’un band métal scandinave que d’une condition neurologique.

La bonne nouvelle selon Wikipédia : c’est vraiment pas dangereux. La mauvaise : y’a rien à faire sauf endurer. Mais au moins, une fois de temps en temps, ça me sert de parfaite excuse pour quand j’ai juste pas envie de sortir.

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Ça ressemble un peu à ça sauf que j’habite pas en campagne normande, mais c’est le seul exemple à peu près fidèle que j’ai pu trouver