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Je déteste Céline Dion

Par
Jonathan Roberge
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Avec mon équipe de hockey de catégorie pee-wee pas bon, nous faisions du porte à porte pour amasser des fonds pour un tournoi en région. La vente de palettes de chocolat étant surutilisée, nous avions le mandat de vendre des miches de pain. Ben oui! Des miches de pain! La vente de stylos était déjà l’affaire des handicapés, les portefeuilles aux prisonniers. Nous, on trouvait que des miches de pain à 2$, c’était une idée de génie!

On se rendait avec nos parents à la boulangerie vers 5 heures du matin, on remplissait le coffre de la voiture et ensuite on se faisait un meeting avec les coachs, les joueurs et les parents dans le parking pour se séparer la ville en district de ventes. Nous étions comme des mini Bill Gates du levain.

C’est avec mon trop grand jacket au couleur de mon équipe, ma casquette d’équipe pis mes jogging des Sharks de San José que j’ai embarqué dans la voiture de la mère de mon meilleur ami de l’époque, Éric. Éric, c’était mon best buddy. C’était l’ami chez qui j’allais jouer à NHL 95, c’était avec lui que je collectionnais les pogs. C’était l’ami chez qui j’allais dormir pis que nous attendions que les parents se couchent pour regarder des films de fesses sur Super Écran!

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Une des plus grandes qualités qu’Éric possédait n’était pas sa générosité ni son sens de l’humour, non. Sa plus belle qualité était sa mère Sylvie! Il me tuerait aujourd’hui d’apprendre que je capotais sur sa mère! C’était mon début de puberté et je trouvais sa mère beaucoup trop chaude. Les matins chez lui étaient magiques. Je mangeais mes toasts au beurre de peanuts en regardant sa mère se faire un café. J’espérais secrètement qu’elle laisse tomber sa robe de chambre et qu’elle prenne un accent de bad girl dans les films de James Bond :

« Éric, va dans ta chambre et laisse-moi seul avec ton jeune ami de 12 ans beaucoup trop séduisant… »

Cette journée-là, mon père ne pouvait pas venir vendre du pain avec nous. J’étais donc allé avec mon acolyte de pogs et sa mère trop chick. C’est assis dans le Dodge Colt Hatchback turquoise que nous étions partis conquérir le comté de l’Assomption avec nos miches de pain.

Pour vrai, nous en vendions vraiment beaucoup. Même que des fois, nous devions retourner en chercher une autre cargaison à la boulangerie. Cette journée-là, je voulais être le meilleur vendeur de pain de mon équipe! Je ne voulais pas perdre une seconde. Éric et moi étions sur une lancée qui encore aujourd’hui je qualifie de MEILLEURE JOURNÉE DANS L’HISTOIRE DE LA VENTE DE PAINS!

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Je me rappelle que nous nous étions arrêté dans un dépanneur et que Sylvie (ma MILF) m’avait payé un 7-Up. Wow! Une adulte me payait une liqueur, pis pas un Kiri, non, un vrai 7-Up! Dans ma tête de pré-pubère, c’était clair que je lui plaisais! Je buvais ma boisson gazeuse, j’étais assis en avant à ses côtés et l’album D’eux de Céline résonnait dans le Colt pendant que mon partner calculait notre gros cash en arrière. Crisse que la vie était belle.

Sylvie nous proposa d’aller dans un village voisin pour étaler notre capitalisme « farinal ». Nous étions ainsi assuré qu’aucun membre de notre équipe ne soit déjà passé. En plus d’être belle… Elle était bonne en affaires. YEAHHHHH. Je lui ai levé ma liqueur avec une paille, j’ai pris mon regard de Donald Trump et j’ai acquiescé de façon prétentieuse à son idée.

Sur le rang de campagne, mon 7-Up avait fait son chemin jusque dans ma petite vessie. J’avais une envie d’uriner très inconfortable, mais je n’avais pas de temps à perdre pour aller pisser… J’avais un business à faire rouler. J’avais l’impression que j’avais une balloune d’eau dans le bas de mon ventre et qu’elle était sur le point d’exploser. J’essayais de trouver une position confortable, un peu comme quand on se réveille la nuit avec une envie d’uriner et qu’au lieu d’aller se soulager, on combat la nature en prenant des positions pour éviter de ressentir notre vessie.

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Sylvie chantait du Céline, Éric comptait nos profits, moi je fixais l’horizon… Il commençait à pleuvoir, je ne voulais pas arrêter sur le bord de la route. J’ai donc pris ma voix en mutation et j’ai faussé quelques syllabes qui ressemblaient à :

«Si – garage – arrête – j’ai envie.»

Au même moment, nous avons frappé un énorme nid de poule. Que dis-je? Le diable lui-même est venu me ridiculiser en installant un nid de poule directement devant la voiture. J’ai saisi la poignée intérieure de toutes mes forces et je me suis mis à me pisser dans les joggings. J’ai hurlé d’arrêter la voiture. Vous savez, comme moi, qu’une fois que le flot est engagé… Plus rien ne peut arrêter ton urine de splasher ton orgueil.

Je me rappelle que c’était la chanson Pour que tu m’aimes encore qui jouait. J’ai ouvert la portière, la voiture était encore en mouvement. Je suis parti à courir, je me suis baissé les joggings et j’ai déversé contre le vent. Mon manteau recevait le retour de gouttelettes et les paroles de Céline s’échappaient par la portière laissée ouverte et allaient se perdre dans le champ de vaches. Je me rappelle des paroles exactes que l’écho me renvoyait :

« Les formules magiques des marabouts d’Afrique

J´les dirai sans remords pour que tu m´aimes encore… »

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J’étais dos à la voiture, je ne voulais pas me retourner et avoir à regarder mon meilleur ami qui venait de me voir me pisser dessus. Je ne voulais pas regarder sa mère, mon fantasme de kid… Je suis passé de jeune homme entrepreneur à petite pisseuse en l’espace d’une chanson de Céline. Cette journée-là, sur le bord de la 343, mon orgueil s’est fait kicker dans face… Encore aujourd’hui, je le cherche.

Je déteste Céline, les miches de pain pis le 7-Up…