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Je couche avec le voisin…

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J’ai le goût de lui dire: « Champion, ça fait déjà une moitié de pinte que j’t’écoute plus. En fait, c’est depuis que t’as sorti ton porte-clé Mercedes… »

Ça m’impressionne pas moi, ces affaires-là ! En plus, le gars me dit qu’il travaille dans le domaine du design, pour finalement me rendre compte que c’est un DoucheBag qui vend des lampes et un « amant de la nature » qui passe ses week-ends au Beach Club de Pointe Calumet ! Calvaire ! Je vous jure que ça paraissait pas sur sa photo. Anyway, là j’ai qu’une idée en tête… aller revoir le voisin… pis me faire revirer d’bord comme une crêpe !

Ben oui, ça peut paraître pathétique, mais ça fait 15 ans que je couche avec mon ancien voisin, in and out. Bien sûr (et heureusement, diront certains), j’ai des histoires parallèles, mais nos chakras finissent immanquablement par se recroiser. UNE fois, on a pris un break d’environ 3 ans, histoire de se reproduire chacun de notre côté. Pendant ce temps, j’ai fondé une famille, j’y ai cru, je me suis même mariée pour aller vivre à l’étranger, mais bon, ça a chié !

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Six mois après ma séparation, j’ai revu le voisin sur un dancefloor du Plateau…

Je lui ai crié dans l’oreille : « Kesse-tu fais ici ? »

Il m’a beuglé par la tête : « Je suis monoparental !!! »

J’ai hurlé : « Moé-ci !!! »

On s’est frenchés, et les jambes m’ont lâché. Le plancher était collant, la musique était trop forte, nos amis étaient perplexes. C’était reparti, c’était parfait comme moment!

Le voisin, lui, est loin d’être parfait. Un ado attardé de presque 40 ans, avec un foie de 120 ans… Ouais, il fait pas mal la fête… il boit, il fume, il se couche tard, il vit… intensément.

Il a du génie, il crée des merveilles avec rien. C’est un artiste, qui sent un peu la robine, mais je l’admire pour sa liberté, sa folie, sa sensibilité et son intégrité.

Je crois profondément en la théorie du triangle. Je pense que pour qu’une relation dure, ça prend un équilibre entre le corps, le cœur et l’esprit.

Avec le voisin, le corps, ça marche ! La phéromone est au rendez-vous… Je capote sur son grand corps désarticulé, sur ses cicatrices et leur histoire. Cette combinaison d’intimité, avec la force, la violence, la fraîcheur et le désespoir d’une baise sans lendemain, ça donne quelque chose de pyrotechnique.

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L’esprit aussi, c’est compatible. J’adore me réveiller les cheveux mêlés aux siens, faire les revues de presse le samedi matin agglutinés dans son hamac et enchaîner ça avec 3 épisodes d’Albator. Y’a qu’avec lui que je peux glander des heures au Marché, imaginer qu’on adopterait un crabe comme animal de compagnie et finir nos soirées en regardant des films de Jodorowski, un grilled-cheese à la main. C’est un peu comme si nos âmes étaient enchevêtrées.

C’est au niveau du cœur que ça fouerre… Les relations mutuellement exclusives, c’est pas pour lui et il le clame haut et fort. Il ne cherche pas ça lui, « l’ingagemin ». Allergique à la fidélité. Ça a l’avantage d’être clair. Mais n’empêche que ça me fait rusher parfois d’être là-dedans… J’pas sûre que c’est ce que je veux. C’est comme si j’essayais de faire rentrer mon cœur dans un moule en forme de pique.

Des fois, ça m’enrage, son maudit détachement. Je trouve ça égocentrique, immature, lâche… Je le regarde dormir et j’ai le goût de le mordre, tellement ça m’énerve.

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À d’autres moments, j’suis juste bien. Je suis LÀ. Je laisse mes pensées glisser comme des loutres dans une rivière. J’attends rien. Des heures tellement idéales que je veux figer l’instant, je souhaite que tout reste immobile, que le temps s’arrête, qu’on joue à la statue à l’infini, qu’on devienne deux momies.C’est parfois à ce moment que la chimie de mon cerveau change et que mon esprit se tord dans l’autre sens. Je commence à avoir peur que ça arrête, de perdre cet état extatique.

Souvent, je me sauve en courant. Je me dis que tout ça ne mène à rien et que je serais mieux de changer d’air. Je sacre contre moi qui ne décroche pas de ce maudit voisin et qui ne s’avoue pas que c’est un peu souffrant comme relation. Je me dis : « Grow up Girl ! Lâche ton bohème ! Un petit comptable bedonnant, ça ferait changement ! »

Bon, on s’entend, c’est une métaphore… Je ne me lancerai quand même pas à la recherche d’un « gars simple qui aime le vin », mais je me dis que ça serait cool quelqu’un qui a à peu près les mêmes besoins émotionnels que moi, un léger désir de construire quelque chose à long terme.

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Faque là, je me fais un profil sur Zero Contact ou BOF. Je date, pleine de bonne volonté. Je me retrouve alors face à des inconnus avec qui j’ai plus ou moins envie de parler : des hipsters narcissiques, des quinquas qui se disent dans la quarantaine, des geeks « en ostie contre leurs ex », des bobos qui cherchent une amie moderne…

Souvent, je termine ces rencontres avec une face d’émoticon (celui perplexe avec les gros yeux ronds). Parce que malgré le fait que pendant toute la soirée, j’écoute et je tente de rester ouverte, à la fin, je regarde dans le fond de ma pinte pis c’est la face de mon voisin que je vois apparaître.