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« Je commence à voir un avenir ici, même si le Salvador sera toujours ma première maison. »

Nous arpentons les rues de notre ville, à la rencontre des Montréalais et de leurs histoires.

Par
Portraits de Montréal
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« On est sœurs et on a une très belle relation. Moi je vis à Montréal depuis quelque temps et ma soeur en France. Étonnement la distance nous a rapprochées. On se parle beaucoup, je n’ai pas l’impression qu’elle est si loin, à part ces fameux 6h de décalage. Cette distance qui s’est mise entre nous n’est vraiment pas mal vécue. On reste heureuses chacune de notre côté et c’est le principal. Pour l’instant, je ne trouve pas que partir vivre à l’étranger ait changé quelque chose en moi, je n’ai pas encore assez de recul pour le dire et de façon générale j’ai un peu du mal avec l’introspection. Je dirais que tout le monde était content pour moi quand j’ai eu ce projet. En France, après avoir arrêté mes études, j’ai dû retourner vivre chez mes parents, alors j’ai eu l’impression de faire un pas en arrière. Partir ça a été un beau projet en 2018. Et pour 2019, on se souhaite simplement d’être heureuses, de faire ce qu’on veut, et de réussir nos projets. »

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« Je suis née à Nitra, en Slovaquie, en 1939. Mon père était PDG de la raffinerie de sucre du coin. Nous avions une cuisinière, Tonka, elle était catholique, elle était dans notre famille depuis 1928 et elle m’aimait beaucoup. Pendant l’été 1943, mes parents nous ont envoyées, Tonka et moi, dans son village natal.

Mes parents avaient acheté un terrain et y avaient construit un abri sous-terrain ; quand les choses ont commencé à mal tourner, ils y ont secrètement emménagé, avec un autre couple, et les parents de ma mère. Mon grand-père avait des problèmes cardiaques, il ne pouvait pas rester dans un espace clos, donc il est sorti prendre une marche. Les Allemands l’ont arrêté, torturé, et ils ont emmené tout le monde.

Moi je vivais avec Tonka et son frère; la famille de Tonka savait que j’étais juive, mais je ne pense pas que les autres au village le savaient. Je portais une grosse croix autour du cou et allais à l’église tous les dimanches. Tous les jours, un jeune garçon avec un chapeau et un manteau rouge apparaissait avec un tambour devant l’église et annonçait les nouvelles. Avant et après les nouvelles, il prévenait que quiconque cachait des juifs serait tué, ainsi que leur famille, et les juifs.

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Un jour j’étais dehors dans la cours et le fils du voisin a commencé à me courir après, en criant ‘Sale juive !’ Tonka et sa mère ont eu tellement peur qu’elles m’ont enfermée dans une chambre pendant plusieurs jours. Quelque jours plus tard, Tonka et moi somme parties à travers champs en direction du village où vivait son fiancé. Nous marchions la nuit et dormions le jour, dans les bottes de foin. Nous sommes restées avec la famille de son fiancé jusqu’à la fin de la guerre.

Nous somme retournées chez la mère de Tonka et avons attendu des nouvelles qui ne sont jamais arrivées. Un jour elle a décidé de rentrer à Nitra pour savoir ce qu’il s’était passé. Je n’oublierai jamais cette journée-là. Alors qu’on marchait dans la rue, une connaissance a dit à Tonka que mes parents étaient morts. Je me souviens avoir arraché ma main de la sienne et commencé à courir le long de la rue. Finalement, quelqu’un m’a attrapée et m’a ramenée à elle.

La sœur de mon père, Manyi, est revenue de Bergen-Belsen en pensant que nous allions tous bien. On lui a raconté ce qu’il s’était passé, que je vivais chez Tonka, dans son village. Elle est venue me rendre visite puis est partie en Hongrie où sa sœur Rozi était revenue de Auschwitz. Un dimanche, nous somme rentrées de l’église, Tonka était dans la cuisine quand une belle, grosse voiture, s’est arrêtée devant la maison. Je me suis cachée derrière sa jupe et mise à pleurer. Une femme bien habillée est entrée ; c’était ma tante Rozi. Elle m’a dit qu’elle m’emmenait faire un tour et que nous serions vite de retour. Je suis montée dans la voiture, on s’en est allées. Je n’ai revue Tonka que lorsqu’elle m’a rendue visite en Hongrie en 1951. »

Témoignage de Daisy Gross, au Musée de l’Holocauste Montréal

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« Je reviens de Paris ! J’ai eu 80 ans et mon fils m’a emmené en voyage à Paris pour ma fête. C’est lui qui a vu ce manteau dans une vitrine, il m’a dit que Vivienne Westwood était une grande designer alors on est rentrés l’essayer. Et comme c’est unisex, il pourra le récupérer quand je ne serai plus là. »

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« À chaque matin depuis quelques mois, je laisse un petit dessin sur un post-it dans le lunch de mon fils de cinq ans. Au début du diner, une petite foule d’enfants se forme autour de lui à l’école pour voir le dessin du jour. Il trippe au bout, pis en rentrant le soir à la maison, il l’ajoute à sa collection. Il aime s’assoir avec moi pour dessiner. Pour l’instant il me copie beaucoup, mais je vois les mêmes traits, les mêmes détails que je mets dans mes dessins. Et le voir être capable de communiquer à travers, et d’avoir du plaisir, c’est vraiment le fun. L’art c’est une autre façon de communiquer nos émotions. Et le dessin c’est une passion pour moi depuis que je suis tout jeune. Au début, mes parents ne m’ont pas supporté dans cette voie. Ils s’inquiétaient de mes résultats à l’école, et voulaient un métier plus traditionnel pour moi. Du côté de ma mère, ce sont tous des artistes, mais mon père qui venait d’un milieu plus modeste avait travaillé tous les étés pour se payer l’université. Il avait beaucoup travaillé pour réussir, et pour lui la passion n’était pas importante. Ce sont mes profs au secondaire qui ont réussi à les convaincre que c’était un domaine plein d’opportunités. Et quand mon père a vu la première série TV avec mon nom dans les crédits, il a pleuré ; il a compris que je serais correct. Aujourd’hui, quand je parle avec des jeunes dans les écoles, c’est ce message que j’essaie de donner. Même si nos parents ont parfois peur pour nous, il faut mettre les efforts pour suivre nos rêves. »

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« Il y a quelques mois, j’ai commencé une maîtrise en enseignement et j’ai vraiment trouvé ma place. C’est plate de dire que t’es plus faite pour étudier que travailler, mais j’adore apprendre et j’ai trouvé l’endroit où les gens me ressemblent le plus. Ça faisait plusieurs années que je cherchais ça. Tout le monde a des passions, des choses qu’ils veulent faire depuis qu’ils sont jeunes, mais moi non. Surtout en enseignement, c’est le métier que l’on entend le plus être une vocation. Moi je voulais faire quelque chose de super prestigieux, mais je n’ai pas eu les notes suffisantes au Cégep alors j’ai appliqué dans dix programmes différents qui me plaisaient et je me suis dit que j’allais choisir au hasard. Tout m’intéressait. J’ai fait plus de 40 jobs différents et celui que j’ai le plus aimé, c’était avec les enfants. J’ai retiré tous les facteurs de paie et de prestige et c’est avec les enfants que j’ai eu envie de passer la journée. Aujourd’hui, je peux dire que j’adore ce travail, mais que je déteste nos conditions. Ce n’est vraiment pas simple d’être enseignants, avec le grand nombre d’élèves qu’on a. Je ne sais pas si je ferais ça toute ma vie ; j’aime changer, j’aime la flexibilité des études et des emplois à côté. Peut-être qu’un jour j’aurais d’autres responsabilités et je ne pourrais plus changer autant de travail. Mais pour l’instant, j’adore ce changement, et j’adore apprendre. »

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