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J’avais des plans pour cette voiture-là

Les aventures de l'homme moyen #55

Par
David Malo
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Mon rêve en tant qu’homme de la classe moyenne qui ne travaille que trois jours par semaine était d’avoir une voiture qui ne me coûte rien. J’y vais peut-être un peu fort en utilisant le mot rêve, disons plutôt que ça serait bien. Mon vrai rêve étant bien sûr de connaître la liberté absolue.

(Aviez-vous lu le 54e épisode?: Je n’ai pas le « je t’aime » facile?)

Afin de réaliser ces rêves, je fais des démarches allant vers cette direction. Pour devenir riche, je joue au poker en ligne et pour avoir une auto qui ne coûte rien, je suis allé chez un concessionnaire. J’avoue que c’est un peu paradoxal, mais bon, on apprend de la classe dans laquelle on vit. Par ces démarches, j’ai réalisé que pour devenir riche au poker, il faut être bon, mais surtout, aussi très chanceux. À ce jour je ne suis aucun des deux. Passons à la voiture.

En 2007, je me présentais chez Toyota, fier d’avoir trouvé un emploi qui me donne la paix sociale, 40 heures par semaine, payé 30 000 par année, compte de dépense de 300 $ par mois et 400 $ d’allocation pour une voiture. Inutile de préciser que je n’ai pas gardé cet emploi bien longtemps, c’est fou de travailler autant pour quelque chose qui ne nous appartient pas. Ma carrière corporative n’est pas des plus reluisantes. Passons.

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Sans magasiner et ne sachant pas vraiment négocier, j’ai loué une Toyota Yaris sans poser de question. Le vendeur devait m’aimer, je paye probablement plus cher que les gens qui sont capables de ne pas se montrer intéresser du premier coup!

« OK ça c’est la Yaris.
— Génial, je la prends!
— Tu ne veux pas l’essayer avant?
— Bah si tu veux »

C’est un contrat de location de cinq ans au coût de 285 dollars par mois, pour un total au terme de 17 100 dollars. C’est déjà pas mal plus que rien.

Je vais en prendre soin que je me suis dit. Je faisais attention à la transmission, n’abusais pas des freins et je changeais mon huile tous les 5 milles kilomètres.

Cinq ans plus tard, en 2012, mon bail prenait fin et j’ai décidé d’en faire l’achat. Je m’embarquais donc pour un autre 3 ans de paiements, un peu moins élevés, soit 245 $ par mois. Ce n’est encore pas près du montant idéal, mais au moins j’en vois la fin.

Pour résumer, après huit ans, en tout et partout, ma Yaris m’aurait coûté 25 920$. Ne dites rien, je le sais que c’est cher pour une Yaris. On apprend de ses erreurs. Mais malgré tout, j’étais bien heureux et j’envisageais qu’elle me durerait bien longtemps après que j’eu finis de la payer en 2015.

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La semaine dernière, j’étais cependant très loin de me douter que tous mes plans concernant cette voiture tomberaient à l’eau. Lundi soir, 23h30, je fus impliqué dans un carambolage sur le pont Papineau-Leblanc et ma voiture s’est retrouvée en plein milieu d’un tapon de 7 voitures. La Yaris fut déclarée perte totale et irrécupérable.

Moi je m’en suis sorti sans une seule égratignure, j’avais des bons points de Karma en banque, j’imagine. Il aurait été très ironique et hollywoodien que ce soit la fin pour moi une semaine après avoir commencé à dire « je t’aime » au monde de mon entourage.

« C’est juste de la tôle », c’est ce qu’on dit!

C’est de la tôle qui cause quand même beaucoup d’inconvénients.

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Il faut appeler les assurances, magasiner une autre voiture (en essayant de ne pas se faire fourrer encore), aller à la SAAQ et raconter plusieurs fois la même l’histoire à tout le monde.

Il faut également prendre les blagues des coéquipiers dans le vestiaire :

«Tu ne m’avais pas dit que tu voulais une voiture plus compacte.»

J’avoue qu’elle est quand même drôle un peu.

La nuit de l’incident, j’ai mal dormi. J’étais en deuil de ma voiture, en deuil de mes plans. C’était comme irréel. Je me réveillais souvent. J’étais un peu post-traumatique. Encore là quand je conduis j’ai peur de me faire rentrer dedans.

Les gens les plus zen disent qu’il faut essayer de voir le positif dans toutes les situations, même les pires. Sur le coup, c’est difficile d’imaginer qu’est ce qu’il y a à apprendre d’un tel événement, voici quelques hypothèses :

Il ne sert à rien de faire des plans à trop long terme, car on ne sait jamais ce qui va nous arriver?

Est-ce encore une histoire pour nous dire qu’il faut vivre au présent le plus possible?

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Peut-être que si je n’avais pas eu cet accident là, plus loin sur la route il me serait arrivé quelque chose de pire encore?

On ne sait pas, il n’y a pas de façon de savoir.

Pour le moment, je suis reconnaissant de pouvoir encore jouir de la chose la plus précieuse de la vie : la santé. La liberté absolue sans la santé est une bien vaine commodité.

J’ai trouvé une voiture usagée aujourd’hui. Au final, j’aurai investi vingt-cinq mille dollars pour finir avec une voiture qui n’en vaut même pas deux. J’ai déjà vu mieux comme rendement.

L’autre jour, je suis sorti d’un tournoi de poker avec 7 $. J’y ai consacré 4 heures. J’ai déjà vu mieux comme salaire horaire.

Mais, au moins, je suis encore en pleine forme.

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