Logo

J’aurais pu me louer 4 chalets en fin de semaine même si c’est interdit

On a facilement trouvé quelques délinquants qui n’écoutent pas François Legault.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
Publicité

« On a hier annoncé qu’on interdit maintenant la location de chalets. Donc, ceux qui ont chalet, bien, si vous êtes à votre chalet, vous restez à votre chalet. Donc, on ne veut pas de gens qui se promènent entre les régions, en particulier, là, la fin de semaine .»

C’était dimanche dernier, lors du point de presse quotidien, alors que le premier ministre François Legault suspendait notamment la location de chalets au Québec, au moins jusqu’à la mi-avril.

En date du 28 mars donc, tous les établissements d’hébergement touristique sauf les hôtels et les campings désignés pour accueillir les snowbirds devaient être fermés. La mesure visait aussi les chalets et les résidences secondaires en location.

Publicité

J’ai voulu voir si les locateurs s’étaient docilement conformés à la consigne visant essentiellement à limiter les déplacements entre régions et aplatir la courbe. J’ai donc contacté une quinzaine de propriétaires de chalets (10 via Airbnb et 5 sur divers sites spécialisés) éparpillés aux quatre coins de la province en faisant comme si je voulais effectuer une location pour voir comment ma requête allait être accueillie.

Voici le message que j’ai envoyé à chaque propriétaire.

Sur Airbnb, toutes les dates de location ont été automatiquement bloquées jusqu’en avril, ce qui explique pourquoi j’ai précisé dans mon message avoir mis des dates au hasard uniquement pour me permettre d’envoyer ma requête.

Publicité

En toute honnêteté, j’allais à la pêche et je me m’attendais pas à grand chose. Ni même une réponse, à l’heure où le monde est sur pause. À moins de vivre dans une grotte coupé de toute trace de civilisation, tout le monde a reçu le mémo qu’on nous martèle presque chaque jour: escapades au chalet et déplacements entre régions interdits, sauf dans certains cas très (très) précis.

D’ailleurs, la toute première réponse reçue allait dans ce sens. Un retour dans les rangs pour ce propriétaire d’un chalet des Laurentides, qui surfait jusqu’à tout récemment sur la crise pour annoncer son superbe chalet, en proposant un endroit spacieux, propre et surtout désinfecté avec à la clé, un rabais « spécial coronavirus ».

Publicité

Mais à ma grande surprise, deux propriétaires de chalets se sont ensuite rapidement manifestés en se disant prêts à m’accueillir, en dépit des consignes en vigueur.

D’abord la propriétaire d’un chalet des Laurentides, qui m’a indiqué qu’elle souhaitait s’informer des mesures gouvernementales en vigueur avant de me donner son feu vert.

Cette volonté de vouloir se conformer ne l’a pas empêchée de m’inviter à lui parler directement moins d’une heure plus tard pour envisager un accommodement. « Je n’ai pas vraiment le droit de le faire selon le gouvernement, mais si je le fais, on ne passera pas par Airbnb », m’explique au bout du fil la propriétaire, qui me propose un deal à l’extérieur de la plateforme à l’aide d’un virement Interac.

Publicité

Elle m’assure que la femme de ménage laissera s’écouler trois jours après son ménage après le départ des derniers clients, ce qui élimine selon elle les risques de transmission de « microbes ». Elle ne cache pas être un peu dans la merde financièrement à cause de la crise et c’est pourquoi elle est prête à prendre un risque avec moi et mes 950$ pour trois nuits. « Beaucoup de mes locations sont tombées à l’eau, c’est pour ça que je veux te recevoir. On a fait des rénos récemment en plus », souligne-t-elle.

Avant de raccrocher, je lui dis que je dois d’abord en parler avec ma blonde et m’assurer que les policiers ne vont pas se poster sur les autoroutes pour nous empêcher de circuler d’une région à l’autre. « Au pire, tu leur diras que t’es mon ami et que je te prête mon chalet », suggère-t-elle.

Publicité

Même ouverture chez cet autre propriétaire de chalet près de Québec, qui m’a donné rapidement son numéro de téléphone de manière à déjouer Airbnb, pour en discuter de vive voix. Il m’assure d’emblée que l’endroit est sécuritaire puisque personne n’y habite depuis une semaine. « On a des standards de ménage très élevés, c’est moi qui l’ai fait même », m’assure le propriétaire.

En apprenant que j’habite Montréal, il émet une condition. « Je me fie sur votre bonne foi. Faites votre épicerie avant de partir et venez directement au chalet pour y rester », souligne l’homme, qui me propose d’effectuer la location de 700$ pour trois nuits via Interac. « On est mardi, on peut aussi voir comment les choses évoluent. Si Montréal est en lock down jeudi, on vous rembourse », souligne le propriétaire, se disant conscient que les gens de Montréal veulent sortir de la Ville pour se reposer.

« Je vous trouvais un peu épais»

Heureusement, la majorité des locateurs approchés ont coupé court à mes projets d’escapades non essentielles.

Publicité

Ce propriétaire d’un magnifique chalet en bois rond de l’Outaouais, trouvé sur le site Quebeclocationdechalet.com, n’a d’ailleurs pas mis de gants blancs pour me le faire savoir.

En fait, ils étaient nombreux à me sermonner avec raison au passage, ne serait-ce que d’avoir juste essayé de louer quelque chose en cette période de pandémie.

Jean-Luc me fait même miroiter la présence d’un barrage policier sur la route de son joli chalet de Saint-Marcellin dans le Bas-St-Laurent.

Publicité

Quand j’ai appelé Jean-Luc pour lui dire que j’étais journaliste et qu’il passait le test, il s’est exclamé. « Je vous trouvais un peu épais aussi, mais je me suis retenu de vous le dire!»

Jean-Luc calcule avoir perdu près de 2000$ en locations annulées jusqu’à la mi-avril. « J’espère que ça sera correct pour l’été puisque c’est loué un an d’avance et c’est complet », explique le propriétaire, qui espère pouvoir avoir un déductible d’impôt pour les pertes qu’il essuie en ce moment.

Publicité

Avec son chalet situé au pied des Monts Valin au Saguenay, Guy m’a raconté pour sa part avoir perdu 3000$, puisque février et mars sont ses mois les plus achalandés à cause du ski. « C’est une grosse perte! Et d’après moi ça va durer encore longtemps, mais on y va au jour le jour », philosophe cet employé d’une aluminerie, qui a récemment refusé de louer à une gang de motoneigistes.

Morale de l’histoire, la plupart des propriétaires suivent les directives du Premier ministre, mais j’aurais quand même pu facilement louer quatre chalets en fin de semaine avec ma famille, mes parents et un couple d’amis.

J’ose espérer que je suis le seul qui « essaye » de louer un chalet présentement, mais bon, on sait déjà qu’un pourcentage de la population prennent toujours les mesures gouvernementales avec un grain de sel, même si le bilan s’alourdit de jour en jour.

Publicité

On est hélas en droit de craindre le pire, surtout en sachant que j’ai reçu deux autres réponses de propriétaires prêts à m’ouvrir les portes de leurs chalets en fin de semaine juste avant de mettre cet article en ligne.

D’abord la propriétaire d’un chalet en Abitibi, qui me demande de quitter dimanche puisque de nouveaux clients ont loué lundi prochain. Lorsque j’évoque le coronavirus, elle me rassure rapidement sur la propreté des lieux et demande si j’ai voyagé en dehors de la région ou si j’ai un virus.

Publicité

Mais le plus consternant demeure cette propriétaire d’un bungalow de quatre chambres de Yellowknife, prête à recevoir ma famille dans sa région encore pratiquement épargnée par la pandémie (on ne rapportait qu’un cas aux dernières nouvelles).

À ces propriétaires rebelles ou aux gens qui seraient tentés de louer un chalet, je conclurais cet article en leur répétant une consigne assez claire que le monde entier martèle depuis des semaines: restez chez vous. C’est, de mon côté, bien ce que je compte faire.

Publicité