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Je vous préviens, ce billet a les culottes courtes. Non pas qu’il vous aguichera de ses invitantes rotules, mais davantage parce qu’il sera courtaud (avec fortes possibilités de boudins, de sucette surdimensionnée mise en valeur par un petit habit de matelot, et de cerceau poussé à l’aide d’un bâton).
Mais avant toute chose, bonne année, mon petit.
On a beau être le 9, c’est aujourd’hui seulement que j’ai le privilège de vous le souhaiter. Que cette année soit bonne, tiède au cœur et surtout rosine, même si, on se le confiera, 2015 n’a pas pris son envol exactement comme dans la finale du film Annie. Ce mercredi manquait tout spécialement de claquettes, de boucles vénitiennes et de promesses écrites en feux de bengale dans le ciel. Et d’humanité, aussi.
Heureusement, il y eut Janine.
Hier, j’étais à la recherche d’une publicité bien précise (dont ce billet devait d’ailleurs faire l’objet; mais patience, je ne l’ai pas retrouvée, la garce) quand soudain, je l’ai aperçue. Toute menue, quasi translucide à Entrée Principale, en équilibre sur son tabourette comme feuille au vent. Une splendeur.
Et comme chaque fois que j’aperçois Janine Sutto, je cesse toute activité, eaux suspendues entre mon entrecuisse et le sol. Ce nouveau-né attendra; Janine d’abord.
Alors qu’une drôle d’ambiance régnait sur le plateau, entre malaise senti et vaines tentatives de tirer risette au public qui ne sait plus s’il doit être Charlie ou pas, Janine, elle, y allait d’un tout autre filon: la félicité. La félicité dans la beauté des choses. Dans sa fragilité et son passage souvent éclipse.
Malgré leur photogénie, tout ce beau monde sapé en Airoldi cherchait sa mère, caquet bien bas. Mais Janine, elle, avait le caquet à broil. Limite gripette. C’est à peine si elle était pas debout sur sa chaise. Bon. VOUS NOTEREZ que je n’ai pas eu le kodak agile, mais même parkée loin, très loin au fond du studio, voyez comme elle pétillait.
Ébranlée par la perte de ses pairs qui, par les temps qui courent, s’éteignent en mitraille comme des mouches, Janine pourrait se résigner. Abdiquer et se brandir le majeur en mangeant des demi-lunes jusqu’à ce que les lumières s’éteignent.
Mais à l’aube de ses 94 ans, la grande dame de la télévision ne se formalise pas que son article Wikipédia décrive sa participation aux Boys 3 avec l’éloquence d’un pain tressé:
Janine se pare plutôt d’un redoutable optimisme, avant même de mettre son béret, le matin. Interviewée par un André Robitaille terrorisé par la perspective que Janine sacre le camp de son stool ou rende l’âme dans son col roulé au beau milieu de sa phrase (c’est à peine s’il ne mettait pas ses bras de chaque côté d’elle pour éviter qu’elle parte au vent), Janine, grande dame, faisait fi des maladroites allusions adressant son âge vénérable, et du fait que tout le monde sur ce plateau-là était surpris rare chaque fois qu’elle complétait un cycle respiratoire.
Et c’est ainsi qu’à travers les questions pâlotes sur sa frêle condition et la misère du temps qui passe, soudain, elle s’illumina. C’est que dimanche dernier, la comédie musicale Les Belles-Sœurs était diffusée au petit écran pour la première fois. Et Janine, qui était montée sur les planches à la toute première représentation de la pièce en 68, s’extasiait devant le privilège infini de pouvoir prendre part au musical en chaise roulante.
« C’était bon, hein, André? L’as-tu regardé, dimanche? »
En entrevue dans un show de tabourets, Janine était venue s’émerveiller devant la beauté d’une pièce qu’elle avait entendue/vécue des centaines de fois sur scène, mais qu’elle voyait pour la toute première fois dans les yeux d’une spectatrice, à la tévé. Et elle avait trouvé ça bon en petit péché.
Le reste de l’échange venait de prendre le bord, éclipsé par les scintillantes cornées d’une nonagénaire.
La télé est triste, depuis quelques jours. Mais alors que Sylvie Fréchette contrôle ses portions avec PGX, Janine, elle, garde le cap. Non pas sur l’été, mais sur l’essentiel.
La bise.