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J’ai vécu tout l’amour du monde au défilé de la Fierté
Voilà un peu plus d’un an que j’ai fait mon coming out. Je suis trans, lesbienne, et je ne m’en cache pas. J’en parle ouvertement sur les médias sociaux, j’en discute avec des inconnus dans les bars et, parfois, j’ai la chance de partager mes expériences dans les médias.
C’était le cas dimanche quand Audrey PM d’URBANIA m’a accompagnée au défilé de la Fierté, documentant mon expérience sur le compte Instagram du média. Rapidement, on me demande mes impressions, mes attentes pour l’événement. La vérité, c’est que je ne savais pas vraiment dans quoi je m’embarquais. Avant cette année, j’ai toujours passé mes étés chez mes parents hors de Montréal : je n’avais donc jamais assisté au défilé en personne.
La force du nombre
À mon arrivée, je vois des chars allégoriques, des camions et beaucoup de groupes de gens avec des t-shirts qui matchent. C’est que la Fierté, c’est une occasion marketing en or pour plusieurs compagnies. On y redouble d’efforts pour envoyer des contingents aussi gros que possible pour les représenter. Juste avant le début de la marche, je dois arrêter de compter le nombre de groupes de personnes crinquées qui se collent les unes sur les autres pour fitter dans une photo, au grand bonheur des responsables des médias sociaux. Apparemment, toutes les institutions financières se battent pour le prix de la compagnie la plus queer. Moi qui avais toujours cru que le « C » dans « CELI », c’était pour « cisgenre », il faut croire que je me suis trompée.
Le défilé devait commencer vers 13 h. Toutefois, comme Audrey et moi étions assez loin derrière, il nous faudra attendre un bon moment avant de bouger. C’est que nous ne nous sommes pas contentées de rester sur les lignes de côté : notre plan était de marcher dans le défilé. Après un bon moment à patienter assises sur l’asphalte dans notre espace désigné, on commence enfin à avancer vers 14 h.
Et c’est là que je comprends enfin l’ampleur de ce que c’est, le défilé de la Fierté. Qu’on se comprenne bien : la team URBANIA n’avait rien de flamboyant. Nous n’avions pas de semi-remorque avec des haut-parleurs, de danseurs, de déguisements ou même de drapeau. Le nouvel outfit que je m’étais acheté la veille était vraiment mignon, mais ne criait pas « Fierté » au premier regard. Mais qu’à cela ne tienne, on se faisait applaudir aussi fort par les spectateurs que tous les autres.
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High-five à mon existence
J’ai fait des high-five, j’ai fait des bye-bye de la main, j’ai vu des chiens et je me suis faite arrêter par beaucoup trop de gens qui me reconnaissaient de mon ancien travail d’animatrice dans un bar de karaoké. Une ancienne cliente en particulier était toute fière de me présenter à ses amies, en criant mon prénom assez fort pour que mes anciens employeurs l’entendent.
Mais surtout, j’ai eu l’impression de me baigner dans une immense fontaine d’amour. C’est comme si on me félicitait d’être moi-même. On applaudissait mon coming out. On se réjouissait du fait que je sois ouvertement qui je suis. On acclamait le courage et la résilience dont j’ai besoin chaque jour pour mettre un pied devant l’autre.
À mi-chemin, ma petite sœur, qui affiche sans gêne son asexualité sur le web, est venue me rejoindre dans sa jupe scintillante et son drapeau asexuel autour du cou. Quand je l’ai vue courir en ma direction, je me suis souvenue de la chance que j’ai de pouvoir compter sur une membre de la communauté aussi proche de moi.
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Les câlins thérapeutiques de Manon
Mais de tous les jets d’amour que j’ai reçus, aucun ne pouvait égaler celui que m’a projeté Manon Massé. Évidemment, bon nombre de politiciens faisaient partie du défilé. Audrey a même réussi à apercevoir Justin Trudeau au loin, à un moment donné, avec son habituelle chemise rose. Mais Manon Massé, co-porte-parole de Québec Solidaire, semblait être présente par conviction plutôt que pour scorer des points politiques faciles. Vers la fin de la marche, on a réussi à l’apercevoir envoyer la main aux spectateurs. Mon admiration et mon respect se lancent la balle dans ma tête. Est-ce que je vais la déranger si j’essaie de l’aborder? Est-ce que c’est invasif si je demande de la prendre dans mes bras? Manon n’est pas accompagnée d’un cortège militaire. Il y a peut-être deux ou trois personnes qui la surveillent et c’est tout.
Puis, je vois quelqu’un l’arrêter et recevoir un câlin. Je me dis que c’est ma chance. Je m’approche, je m’excuse et je lui demande poliment si je peux la prendre dans mes bras. « Ben oui! On appelle ça un câlin, un hug », me dit-elle. J’ai l’impression d’être prise en charge pendant un court instant, d’avoir une deuxième mère. La sincérité me désarçonne. Rares sont les câlins empreints d’une telle vérité, d’une telle sincérité. Je lui envoie un merci gros comme la Terre, autant pour le moment que je viens de vivre que pour tout ce qu’elle a fait dans les dernières décennies pour la cause des personnes LGBTQ2IAP+. En quittant, elle dit que je suis « belle comme un cœur ». Elle va ensuite rejoindre un groupe de quatre personnes qui veulent une photo. Elle prendra là aussi le temps de prendre tout le monde dans ses bras pour une dose d’amour qui semble si nécessaire en 2019.
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Parce qu’au final, c’est ça la force de la Fierté. Oui, il y a des compagnies partout, de la publicité, des opérations de marketing et de relations publiques à plein. Mais au travers de tout ça, il y a l’amour qui triomphe. 2,7 kilomètres de gros love multicolore, d’euphorie et d’espoir. Il reste encore beaucoup de chemin à faire. Mais l’instant d’un dimanche après-midi, j’ai pu constater que le meilleur est encore à venir.