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J’ai rencontré Charli XCX et tous les gais en seront jaloux
Mardi dernier j’avais le trac.
Et pourtant, ce n’est pas comme si je devais chanter, ce soir-là, devant un Théâtre Corona bondé. Ça, c’était le travail que Charli XCX allait accomplir avec brio pendant environ une heure trente.
Mais je devais avoir l’air intelligente et stimulante en passant quinze minutes avec elle, peu avant le spectacle.
Ce n’est pas ma première entrevue à vie avec une artiste internationale, mais avec Charli, c’est différent.
Si vous ne l’aviez pas encore compris, Charli XCX, c’est mon artiste préférée. Ma source d’inspiration, ma muse, mon celebrity crush ultime, ma confidente, mon premier vinyle, mon affiche au-dessus de mon lit et l’autre sur ma porte de chambre et de ma garde-robe, c’est aussi mon blogue tumblr secret, ma demande spéciale dans chaque occasion. Mon idole.
Surtout, sa musique a fait partie de certaines de mes années les plus formatrices. C’est qu’elle est entrée dans ma vie alors que j’apprenais à mieux me connaître et à découvrir ma vraie identité. Comprenez-moi bien, mon but n’est pas de parler de mon identité de genre dans chaque article que j’écris. Mais ce n’est pas une coïncidence si mon petit cœur transgenre bat si fort pour elle. C’est bien établi que la communauté queer est derrière Charli XCX, et c’est réciproque. Elle-même m’avoue que la majorité de son auditoire tombe quelque part dans l’acronyme, elle qui se considère une alliée.
De l’amour comme une autoroute à deux voies
« Je ressens tellement d’amour et de chaleur de cette communauté, elle m’inspire beaucoup », me dit-elle d’entrée de jeu. « En fait, je crois que déjà, quand j’étais jeune et que j’ai commencé à faire de la musique, mes premières inspirations passaient par l’underground LGBTQ de Londres. Alors mon art a toujours été adjacent à ça. » Ça a du sens : alors qu’elle était encore qu’une ado, Charli XCX performait déjà dans des raves un peu partout dans la capitale britannique. « Et de ces inspirations, j’ai fini par tisser des liens avec des membres de la communauté avec qui j’ai travaillé. Même que la plupart de mes amis maintenant font partie de cette communauté. »
Ce qui me fascine chez Charli XCX, c’est qu’au lieu de simplement s’approprier la culture queer, elle utilise sa plateforme pour en promouvoir les créateurs. Sur son troisième album Charli, que j’ai défendu sur ce site le mois dernier, on retrouve des tonnes de collaborations avec des artistes de tous horizons.
Par exemple, sa pièce Shake It est essentiellement une réponse queer à Lady Marmelade, où la chanteuse ne fait qu’introduire une série de rappeuses et de rappeurs de partout dans l’arc-en-ciel. Au lieu de reprendre seule leurs couplets en concert, Charli invite chaque soir quatre drag queens et/ou spécialistes du vogue à venir danser sur scène, au grand plaisir de la foule. « C’est ma partie préférée du spectacle », avoue-t-elle candidement à la foule du Théâtre Corona avant de lancer le bal.
Je lui demande ce que cet amour inconditionnel lui apporte. « Oh! Ça me donne tellement de liberté, me confie-t-elle. Ça me rend à l’aise d’être moi-même. »
Changer de voie
En 2014, Charli XCX semblait se diriger vers une belle carrière commerciale. Boom Clap jouait beaucoup à la radio. Au même moment, elle permettait à Iggy Azalea d’atteindre le sommet des palmarès. Elle a composé et interprété le refrain de la pièce Fancy, qui est devenu la chanson la plus écoutée sur Spotify de l’année. Mais après la sortie d’un nouvel album, Charli a commencé à se diriger vers le champ gauche de la pop. En 2016, elle a fait paraître le mini-album Vroom Vroom. Produit par l’avant-gardiste SOPHIE, l’album va loin dans la pop expérimentale, synthétique et, franchement, pas très radiophonique.
La chanson-titre n’a pas tourné sur les ondes. Mais lorsque Charli XCX l’a balancé à la foule mardi soir, l’énergie est montée d’un cran. En entrevue, elle m’avoue que c’est précisément lorsqu’elle a fait paraître ce EP qu’elle a senti qu’elle était enfin elle-même. « C’est l’époque où je suis devenue la moins commerciale, mais le fait que j’avais l’appui de toute une communauté m’a fait sentir vraiment en sécurité. » Au lendemain de l’Action de grâce canadienne, elle avoue être extrêmement reconnaissante de son bassin queer. « Sans eux, je n’aurais pas de carrière ».
« C’est comme si on parlait la même langue. Il y a aussi un degré de confiance, qui peut sembler un peu… comme un culte? J’ai l’impression que j’ai vraiment un public die hard. Je prends des risques et mes fans veulent ça. » Elle est donc d’avis que ce virage valait la peine. « Je sens qu’ils m’aiment pour qui je suis et pas simplement à cause d’un succès radio. C’est comme une relation pour la vie qu’on a. »
Quand je lui demande si Charli XCX et Charlotte – son vrai prénom – sont la même personne, elle rit un peu. « Personne ne m’appelle Charlotte! Je ne sais pas qui elle est! Mes parents, mes amis, tout le monde m’appellent Charli. » Elle m’assure d’ailleurs qu’elle préfère rester humaine dans sa relation avec ses Angels, sobriquet qu’elle donne à ses admirateurs. « Je ne crois pas vraiment en cette idée de donner une image parfaite. Je respecte les vedettes qui font ça, mais je ne suis pas bonne là-dedans! » C’est pourquoi on peut la voir authentique sur les médias sociaux à son meilleur comme à son pire.
« Je suis un petit peu lendemain de veille »
Comme de fait, plus l’entrevue avance, plus Charli est généreuse. C’est bon signe: elle qui s’avouait brûlée du trajet de cinq heures de bus depuis Toronto qu’elle venait de faire. Elle révèle sans gêne que ses projets de 2017 Number 1 Angel et Pop2, qui contiennent chacun 10 chansons originales, ne sont considérés comme des mixtapes simplement pour que son étiquette de disque la laisse tranquille. Ce stratagème lui a permis de les partager avec ses fans sans attendre. Ne pas en faire des « albums » signifiait toutefois moins de promotion, elle qui adore faire des vidéoclips. Lorsque je lui demande, elle me répond qu’elle aurait aimé en faire un pour les pièces Track 10 et I Got It.
Il n’y a qu’un moment où la coquille se referme. Charli XCX est déjà en train de penser à son prochain album. Est-ce qu’il y a de nouvelles avenues qu’elle aimerait explorer? « Oui. Mais… je n’en parle pas pour l’instant. Je sens que le prochain album va être un nouveau départ, mais c’est tout ce que je peux dire! » Quand j’insiste un peu, elle m’indique qu’elle aimerait un jour travailler avec la chanteuse suédoise Robyn, qu’elle a croisé à plusieurs reprises en festival. « C’est la reine des sad bangers. »
Quinze minutes glorieuses
Et voilà que j’ai survécu à l’entrevue. Charli me demande si je vais venir au spectacle, comme si c’était une option. Ce n’est qu’à ce moment-là que je lui révèle que je ne suis pas qu’une journaliste bien préparée, mais bien une admiratrice dévouée. Et puis, je pousse ma luck. « Est-ce que tu crois que, et sens-toi bien à l’aise de dire non, qu’on pourrait prendre une photo ensemble? » On m’avait dit que les photos étaient interdites durant l’entrevue, la pauvre Charli n’étant pas dans son état le plus glamour. Mais elle accepte volontiers, devant le regard incrédule de son entourage un brin impatient. Mon plus grand rêve se réalise.
La photo était parfaite, tout comme son spectacle. La foule dansait, chantait et avait l’une des plus belles énergies que j’ai vues en salle. À la toute fin, lorsqu’elle quitte après la quatrième et dernière chanson du rappel, la scène est illuminée d’un éclairage arc-en-ciel. Tout comme la photo, il s’agit là d’une belle surprise pour ses fans queer, qui comprennent le symbole.
C’est normal : elle me l’a dit que sans eux, elle ne serait rien.
Et honnêtement, sans elle, je ne sais pas qui je serais.