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Interdictions dans les lunchs : les écoles exagèrent

Ça donne envie de sacrer pas à peu près.

Par
Julie Chaumont
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Les lunchs. Les cr*** de lunchs. L’odeur du pâté chinois réchauffé à 6h15 du matin quand t’as même pas encore déjeuné. Le jus de jambon sur les doigts quand t’as pas encore pris ton café. Les chicanes… Et si, en plus, on ajoute à ce scénario cauchemardesque des restrictions aussi nombreuses que des éclosions de poux, il y a de quoi virer fou.

Pas d’arachides, pas de noix, pas d’œufs, pas de chocolat, pas de croustilles, pas de collations faites maison, pas d’aliments qui nécessitent un ustensile, pas d’aliments qui produisent des déchets, pas de plat qui doit être réchauffé, pas de contenant en verre… pas de parents sains d’esprit! Dans certaines écoles de la province, la liste des aliments interdits dans les boîtes à lunch des enfants est aussi surréaliste que l’engouement pour la Stanley Cup.

« Cette année, mon 6 ans s’est vu refuser son muffin aux bananes maison parce que la professeure trouvait que c’était mieux de le manger au dessert plutôt qu’à la collation », me dit Jolyane.

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« Ici, pas d’arachides ni de noix, pas de chocolat, bretzel, chips, bonbons, etc. Pour les collations, c’est pas mal juste fruits, légumes et produits laitiers qui sont permis. Pas de contenant en vitre », me dit Dominique, qui ajoute qu’une mini barre de chocolat a été refusée le lendemain de l’Halloween.

Quand j’entends des affaires de même, ça me fait réaliser la chance que j’ai d’avoir des enfants dans une école « libre ». Je peux mettre ce que je veux dans la boîte à lunch, sans crainte de représailles. Ma seule limitation, c’est que, faute de micro-ondes, je dois oublier les plats à faire réchauffer, ce qui m’a poussée à faire plusieurs expérimentations avec le thermos (les restes de pizza, c’est un succès – merci, Karine – pis les ramen cheaps déjà dans le bouillon, tu oublies ça. De rien).

Des restrictions… inventées!

Si les restrictions dans les boîtes à lunch varient autant d’une école à l’autre, est-ce que c’est parce qu’il n’y a aucune ligne directrice? Qui prend les décisions?

Pour le savoir, j’ai posé la question à la diététiste-nutritionniste Lucie Laurin, qui est chargée de projets et formatrice à l’Association québécoise de la garde scolaire (AQGS). Sa réponse m’a un peu flabbergastée : « En 2008-2009, le ministère de l’Éducation a sorti la Politique-cadre Pour un virage santé à l’école, qui n’a toutefois jamais émis de recommandations en lien avec les boîtes à lunch. C’est une mauvaise conception que les écoles ont eue en lien avec cette politique-là, qui demandait aux écoles de travailler leur propre offre alimentaire et fournissait des suggestions et feuillets d’informations établis selon le guide alimentaire canadien, mais nulle part il est écrit d’interdire les chips, les boissons gazeuses, le chocolat et les bonbons. »

Je répète, plus fort, juste pour être sûre que vous avez bien compris : NULLE PART IL EST ÉCRIT D’INTERDIRE LES CHIPS, LES BOISSONS GAZEUSES, LE CHOCOLAT ET LES BONBONS.

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Selon madame Laurin, c’est le manque de connaissances en alimentation du personnel scolaire, jumelé au manque de nutritionnistes dans le réseau, qui accentuent ces balises « santé » avec toutes les dérives que l’on connaît. Par exemple, interdire de bons muffins maison parce qu’ils contiennent des pépites de chocolat alors qu’on ne se gêne pas pour offrir des aliments ultra-transformés en collation au service de garde.

Parents, au front!

Depuis 2017, le Centre de services scolaires de Montréal a levé les interdits dans les boîtes à lunch, mais il reste encore beaucoup de travail à faire à l’échelle de la province. Selon un sondage réalisé l’année passée par l’AQGS, 81% des écoles interdisent des aliments dans la boîte à lunch des élèves. Madame Laurin a bon espoir que la mise à jour de la Politique-cadre due prochainement changera les choses. « Il va y avoir un second souffle pour remettre à l’ordre du jour, dans toutes les écoles du Québec, les meilleures pratiques », dit-elle.

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D’ici là, la solution pour que cessent les interdits dans les boîtes à lunch, c’est de passer à l’action, nous, parents. C’est d’ailleurs ce qu’a fait Jolyane, dont je vous ai parlé en début d’article. N’ayant pas digéré l’histoire du muffin, elle a trouvé des articles prouvant que de refuser un aliment à un enfant peut entraîner des conséquences néfastes et elle est allée voir la direction de l’école, en plus d’écrire au Centre de services scolaires. Et elle a gagné la bataille!

Dans un même ordre d’idée, Madame Laurin encourage les parents à proposer à leur conseil d’établissement le Modèle de résolution pour un meilleur partage de responsabilités à l’école du Collectif Vital et même à faire une plainte au Protecteur du citoyen s’il n’y a pas d’ouverture de la part de l’établissement d’enseignement.

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Le rêve : un programme universel d’alimentation scolaire

Et si je vous disais que vous n’aviez plus à faire de lunchs? Le rêve, hein? Eh bien, sachez que ce rêve pourrait se réaliser si le gouvernement y mettait du sien. En fait, le Canada est le seul pays du G7 à ne pas avoir de programme d’alimentation scolaire national.

« En moyenne, dans les pays à revenus élevés, c’est 61% des enfants du primaire qui ont accès à un repas subventionné à leurs écoles, alors qu’au Canada, c’est 12%. On fait moins bien que les pays à faibles revenus », dit la chercheuse Anne Plourde, de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), qui a publié une étude démontrant qu’il est tout à fait possible de financer un tel programme.

En plus de permettre à tous les enfants de manger à leur faim des aliments de bonne qualité, ça permettrait de soulager les parents et ça mettrait fin à la chasse aux sorcières des boîtes à lunch qui sévissent encore un peu partout au Québec.

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