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Ce printemps, les tribunes de certains médias, un certain genre de lignes ouvertes et les discours d’une poignée de politiciens en pré-campagne se sont montés la tête contre la violence, le vandalisme primaire, des vitres brisées, des manifestants masqués et même, tenez vous bien, une paire de lunettes cassées…
Selon eux, c’était le chaos, les casseroles étaient des menaces, arborer un carré rouge devenait un signe d’intimidation et le moindre attroupement de gens politisés était une association de terroristes en devenir.
À les lire et à les entendre, nous devions trembler de peur, nous terrer dans nos sous-sols aménagés, prier pour que la police antiémeute remette de l’ordre dans cette confusion sociale et souhaiter que les indignés échevelés rentrent dans les rangs afin qu’on ne parle plus jamais de ce complot de gauchistes révoltés contre la société opulente de consommation béate qui est si bonne avec nous.
Toute cette violence de papier a-t-elle existé dans la réalité du Québec débonnaire de 2012?
J’ai pris le métro, parlé avec des professeurs de Cégep et d’université, marché dans le centre-ville, suivi plusieurs manifestations, lu des pamphlets manifestifs, écouté les défenseurs du mouvement étudiant, croisé le regard de la police antiémeute, côtoyé des associations d’étudiants.
Il soufflait sur le Québec un vent coloré de remise en question. Rien de bien épeurant. Au contraire. Quelque chose de réjouissant, de nouveau, d’authentique.
J’ai vu un mouvement populaire humaniste face à qui l’équipe au pouvoir affichait un mépris sans borne. J’ai bien vu quelques graffitis. Ah oui, une ou deux vitres brisées. Un peu de fumée dans les couloirs du métro. Des débordements. Des esprits échaufés. Et des embouteillages, comme l’été d’avant, à cause des cônes oranges. Mais rien de terriblement anormal dans une société démocratique en mouvement. Les centaines de milliers de manifestants, les brasseurs de casseroles et les sympathisants à la cause étudiante, ont fait preuve d’une grande patience, de beaucoup de maturité et d’un calme surprenant.
Et puis, j’ai vu des policiers insulter des jeunes pacifistes. Une escouade d’hommes en armure arrêter des professeurs, bousculer des journalistes, tabasser des quidams, menotter des enfants, verbaliser des retraités. Et j’ai entendu encore le gouvernement en place planifier une campagne de peur, affirmer sur toutes les tribunes que la rue c’était la violence, que soutenir les étudiants c’était encourager l’anarchie.
Avec les élections, le discours a dérivé pour devenir machiavéliquement simpliste. Désormais, Pauline Marois, c’était la rue et la chicane, le PQ mènerait au chaos et voter autre chose que le PLQ entraînerait invariablement une vaste période d’instabilité.
À force de le répéter sur toutes les tribunes, il y en a qui ont peut-être fini par le croire. À force de marteler des messages de peur et inventer la haine, il y a des esprits fragiles qui ont peut-être fini par péter les plombs.
Un homme est mort, un autre est blessé, un fou armé est arrêté, un peuple est divisé, Jean Charest a démissionné, la nouvelle première ministre du Québec a échappé à un attentat mortel.
En moins de 24 heures, Pauline Marois a déjà a eu fort à faire. Et elle l’a fait avec sagesse et dignité.
Souhaitons que le Québec qu’on aime retrouve avec elle ses esprits et sache faire la part des choses.