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Incendie, pas de «s» et pas de Denis Villeneuve

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Mardi matin, j’ai assisté à un triste spectacle : tout près de chez moi, un immense brasier faisait rage. De ma fenêtre arrière, j’observais les flammes ravager le logis de dizaines et de dizaines de mes voisins. Une odeur âcre de tissu brûlé et de plastique fondu s’infiltrait dans mon appartement, accompagnée par le vacarme sourd des immenses boyaux des pompiers dans lesquels l’eau circulait à toute vitesse. Mais pas assez rapidement. Pas assez fort.

Huit édifices ont cramé. La plupart des personnes qui les habitaient n’avaient pas d’assurances, évidemment. Rarement entend-t-on les sinistrés dire aux nouvelles « heureusement, on avait des assurances ». À croire que le feu est sélectif et qu’il ne s’attaque qu’aux gens un peu trop insouciants.

Les flammes ont débuté dans un chantier de condos en construction où l’électricité n’était même pas branchée. Pouf. Une étincelle venue du ciel. Un rayon de lune qui a plombé trop fort. Du néant est née la flamme. Pourtant, on sait tous que rien ne se perd, rien se crée : tout se transforme (c’est bien la seule chose que j’ai retenue de mon cours de sciences physiques de secondaire IV). Ici, on dirait bien que c’est de la colère qui s’est transformée en allumette, puis, en un brasier incontrôlable.

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Le propriétaire du chantier dit ne pas comprendre qui aurait bien voulu s’en prendre à son immeuble. Il affirme que certains de ses projets ont déjà été la cible de vandalisme, mais c’était dans un autre quartier et il ne s’agissait que de graffitis et d’autocollants aux messages pas contents du genre « Condos en feu » ou « Les beaux condos vont brûler ». Juste ça. Pas de quoi s’inquiéter, voyons.

Pourquoi des gens voudraient-ils voir brûler ces condos ? La réponse se trouve sur les forums de discussion de différents sites journalistiques. On réclame moins de condos, plus de HLM. On est tanné de la gentrification, des riches Parisiens qui débarquent avec leurs euros et leur méga pouvoir d’achat et qui font augmenter le prix des loyers ; on s’insurge contre le fait que le territoire n’appartient plus au peuple mais seulement à une élite bien nantie, on parle de « milice des droits des locataires », de « résistance passive » et de « Monopoly du capitalisme ».

Tous ces commentaires que l’on peut lire ici et font clairement écho à la grogne qui sévit en ce moment chez les propriétaires montréalais, particulièrement ceux du Plateau Mont-Royal, qui vont devoir essuyer des hausses de taxes majeures au cours des prochaines années, en raison du fait que leur évaluation municipale a été majorée – selon la ville, en trois ans, la valeur de certaines maisons aurait augmenté de 100 000$ ! Plusieurs proprios n’auront bientôt plus les moyens d’assumer ces frais et devront vendre. Pour ensuite faire quoi ? Aller vivre à Chibougamau ?

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Toutes ces petites familles qui aimeraient bien demeurer en ville mais qui ne peuvent plus se le permettre, et ces jeunes professionnels qui voudraient bien acheter une première habitation mais qui n’ont pas 400 000$ à mettre sur un 4 1/2, que sont-ils censés faire ? Une chose est sûre : foutre le feu à des condos n’aidera certainement pas la cause des gens moins fortunés qui souhaitent continuer à vivre à Montréal. Depuis mardi, environ 75 d’entre eux n’ont plus à se tracasser au sujet des taxes municipales : ils n’ont simplement plus de toit sur la tête.