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Immersion dans la planète OD

Casser la glace au dévoilement des candidat.e.s d'Occupation Double Martinique.

Par
Jean Bourbeau
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« Un cowboy intense et un peu quétaine qui frenche avec son coeur », yup, je tiens mon incipit, me dis-je, paraphrasant du stylo un candidat moustachu à la doucherie insaisissable dansant sur l’écran géant devant moi.

Eh oui, la table est mise pour une autre saison en enfer.

Lors d’une récente réunion éditoriale, une collègue annonçait en grande pompe qu’elle venait de recevoir son invitation pour le dévoilement des candidat.e.s de la prochaine saison d’Occupation Double. Une fébrilité contagieuse a rapidement envahi l’équipe, m’incitant à une douce exclusion comme chaque fois que la célèbre émission est mentionnée.

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Lorsqu’elle a soumis l’idée de plutôt envoyer quelqu’un qui n’a jamais regardé le dit feuilleton, tous les regards se sont tournés vers moi, l’ostie d’gossant qui n’aime pas OD. En effet, j’ai plusieurs défauts et l’un d’eux est de snober les téléréalités. J’ose croire que tout le monde a un ami, comme moi, qui ne sait pas s’amuser.

Alors me voilà, aussi hésitant que résilient, en direction du Casino de Montréal pour m’initier aux subtilités du phénomène.

Sans pour autant vivre en ermite au fond d’un rang, je suis niveau très puceau face à ce grand jeu de société filmé. Dans mon imaginaire, OD en Martinique fait davantage référence à un gars bronzé en homard qui tient son cœur sur la plage après une grosse semaine de pinotte. Bref, j’y connais rien.

Comme, c’est qui, le capitaine Twist?

Je n’ai pas pris de chance et j’ai enfilé mon plus beau kit, mais à force d’en avoir le monopole, il s’est troué de partout. Soit.

En route, je ne peux m’empêcher de fabriquer des scènes grandiloquentes de fantaisies, de réceptions gorgées d’opulence sous des fleuves de champagne. Après tout, OD n’est-il pas le chef de fil du genre au Québec?

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Après m’être perdu dans un labyrinthe calculé de salles épileptiques envahies par des aîné.e.s hypnotisé.e.s aux machines à sous Playboy, je m’accoude au bar Valet de carreau. Hop, ti-café, viennoiseries, plateau de fromage et musique house-lounge gonflant l’excitation de la foule croissante. Sympathique sculpture de glace, mais évidemment loin de la bacchanale tant rêvée.

Devant moi, une foule évidente d’enthousiasme et sans surprise d’une grande fluidité sociale. Aucun sourire ne semble forcé, tout est senti et gentil, ça pétille sur fond de retrouvailles et butine d’un câlin à l’autre dans cette ambiance mimosa-chic. Veston oversized, souliers sport neufs et coiffes magnifiques. Devant autant de coquetteries, j’ai l’impression de m’être réveillé au parc.

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D’anciennes candidates aux lèvres viandeuses et des boys dont le champ lexical gravite en permanence autour de « Let’s go » font une entrée remarquée. J’ignore leurs noms comme leurs faits d’arme, mais ceux et celles qui ont goûté à l’aventure sont immédiatement reconnaissables par cette propension toute féline à déambuler d’une beauté monarchique à travers la plèbe. La fracture est fascinante.

On me glisse à l’oreille qu’une ancienne candidate est enceinte et l’heureux père serait également un feu participant. S’érigeant en véritable espoir stakhanoviste, le couple est la preuve que l’amour est possible à travers OD.

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Côté prod, tout est rodé au quart de tour. Ce n’est qu’un dévoilement de candidat.e.s et non la grande finale, n’empêche, un représentant vient me voir – « Ah tiens, URBANIA » – pour s’assurer que je ne lui jouerai pas le même tour que mon collègue en 2019. Une poignée de main sous le signe de la confiance afin de ne pas trop ridiculiser cette nouvelle cuvée d’influenceurs et influenceuses en devenir.

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Aux airs du célèbre jingle d’ouverture, le lieu se remplit peu à peu par tout le gratin people du journalisme bonbon. Comment ma voisine fait-elle pour taper aussi vite avec des ongles aussi longs? Pourquoi tout le monde se connaît?

Les applaudissements nourris font deviner l’entrée du charismatique animateur Jay Du Temple, ouvrant sur un chapitre capillaire rose saumon. Ses boutades font rire une galerie accueillante tandis que je suis pour ma part impressionné par sa verve, jusqu’à ce que je remarque le téléprompteur dans mon angle mort. La magie de la télévision m’a presque eu.

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Le moment tant attendu du dévoilement est arrivé, mais si vous vous êtes rendu jusqu’ici dans l’article, il y a fort à parier que vous vous êtes déjà régalé des poulains édition 2022.

Revenons vite fait sur les heureux et heureuses élues.

Koralie-Maya, le nom le plus Occupation Double du monde, est une princesse autoproclamée dont la passion pour le luxe est inversement proportionnelle aux hommes plus petits qu’elle. Claudia est une comptable aux mille personnalités et flirteuse de dépanneur tandis que Florence est une mannequin qui « adore avoir des amis », clame-t-elle avec humanisme.

S’ensuit dans le désordre : Aïssa, une candidate full occupée, full indépendante et une seconde « impatiente et exigeante en amour », une qui s’enfarge dans ses mots et bien sûr la barmaid wild sans filtre avec un faible avoué pour la musculature débordante.

Les candidates arrivent juchées sur des talons aux habits arc-en-ciel avec comme seul dénominateur commun d’avoir presque toutes les cheveux ondulés par le même fer à friser. Elles savourent en direct leurs premières caméras de l’aventure, les dents si blanches que les flashs leur font de l’ombre.

On ne réinvente pas plus la roue côté garçon.

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Un pompier-charpentier-menuisier, probablement la profession la plus OD imaginable. Un boxeur congolais qui aime les formes. Quel étonnement! Le sportif-voyageur qui cuisine des pâtes pour ses dates. Le photographe Instagram à l’accent de Saint-Eustache. L’affable préposé aux bénéficiaires, le pro-kémion-libarté ou celui avec qui « les gens tombent vite en amour ».

Un penchant perso pour Jimy, le brave carreleur-chanteur. Il détonne par sa proposition plus rurale que banlieusarde. Sait-il que Mégane est propriétaire d’une sellerie haut de gamme et possède, elle aussi, un long passé équestre? Qui lancera son lasso en premier?

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Petite question à ses parents : pourquoi un seul m? Je suis d’accord qu’il faut tout brûler pour reconstruire une meilleure société, mais est-ce que ça doit vraiment passer par enlever un m à Jimmy?

Difficile de faire plus caricatural dans le rôle du mannequin tatoué aux yeux bleus que Isaack. On salue toutefois chez lui cette « peur de la mort ». Une confidence surprenante qui l’auréole d’un mystère beckettien.

L’inquiétante étrangeté des capsules vidéos crée de vives réactions chez les ancien.ne.s candidat.e.s qui regardent avec une passion digne des séries. Les moments plus grinçants et prétentieux sont répondus, avec raison, par des cris d’exclamation. Auparavant derrière, ils sont maintenant presque sur la scène, peut-être nostalgiques de l’attention perdue.

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Au tour des garçons de déambuler devant les nombreux écrans de cellulaire du public. La meute rivalise de mâchoires acérées et de regards infinis. Olivier, qui se donne comme mission de faire tomber les préjugés envers la digne profession de barman, profite de son court temps au micro pour lancer « on est tous des bros ». C’est bien parti.

On leur souhaite bon vol et la meilleure des chances dans cette quête truffée de romance avec, en fil d’arrivée, une belle chaumière pour l’hiver.

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Bon, c’est un wrap. La pression tombe des épaules de l’équipe de production. Câlins de félicitations, mitraillette de selfies et bises complices. Les pauvres photographes cherchent à gunner les restes comme des vautours. Un serveur me présente un plateau de desserts maison. Pourquoi bouder pareille sucrerie?

Téléréalité chouchou devenue un tremplin vers un éventail de chemins, l’opium du peuple s’annonce un grand cru. Mais force est d’admettre que le casting demeure assez conservateur. Où sont les forains et les femmes à trois seins? J’aurais voulu plus de jokers style post-doc queer du Nunavik ou un premier membre de la communauté hassidique. Non non, que des bombes sculptées aux likes et des tombeurs capables de dunker.

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Deux coiffeuses, deux mannequins, deux bartenders et deux entrepreneurs en construction sur des milliers de candidatures à travers la province. Prenez des notes, ceux et celles qui s’intéressent au culte.

Dans le trafic du pont, je me questionne : ai-je été chaviré par ce premier théâtre d’OD? Divertissant, certes, mais un spectacle qui a davantage cristallisé mon indifférence à cette grande communion populaire.

J’arrive à Montréal et m’arrête à l’angle de Milton et Parc, où la misère s’évanouit à même le sol et les frappes en Ukraine résonnent à la radio pour les six mois de l’offensive russe. Dans ces temps troubles, je peux comprendre qu’après une autre journée de marde, on puisse vouloir s’évader un bref instant devant une destination soleil décorée par une jeunesse bien sapée avide de se manger la face.

Après tout, pourquoi bouder pareille sucrerie?

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