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Immersion dans la culture rave des années 90
URBANIA et le Centre PHI s’unissent pour vous replonger dans le mouvement acid house, duquel sont nés les premiers raves montréalais à l’aube des années 1990.

Alors que je m’apprête à vivre l’expérience « In Pursuit of Repetitive Beats » du Centre PHI, difficile de concevoir qu’il fut un temps, pas si lointain, où le monde virtuel relevait de la science-fiction. Un monde sans Internet, où l’organisation d’un événement était bien loin de se résumer à quelques invitations Facebook. À des années-lumière du casque de réalité virtuelle que je viens d’enfiler.
L’expérience me transporte en 1989 au Royaume-Uni, au moment où le mouvement underground de l’acid house battait son plein. Je vous parle ici d’une époque où un simple flyer distribué dans la rue, à la sortie d’un club ou chez votre disquaire indépendant préféré représentait, à lui seul, le point de départ d’une véritable chasse au trésor.
Sur la banquette arrière d’une voiture, dans la chambre d’un ami jonchée de flyers, à l’intérieur d’une cabine téléphonique en bordure d’autoroute : l’expérience du Centre PHI recrée parfaitement le parcours d’une soirée typique des premiers ravers. Ma mission? Trouver l’endroit où se tient la fête illégale pour m’y abandonner jusqu’aux petites heures du matin.
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La combinaison multisensorielle du casque de réalité virtuelle, des écouteurs et de la veste haptique que je porte rend ma quête si réelle que je me sens nostalgique d’une époque que je n’ai même pas vécue.
L’artiste Caroline Hayeur, avec qui j’ai la chance de vivre ce voyage dans le temps, en a vécu plusieurs, des soirées comme celles-là, à courir les raves de la métropole.
L’expérience du Centre PHI la replonge instantanément à l’aube de sa vingtaine. C’est en juin 1994, après avoir terminé son stage en photojournalisme à La Presse, que la jeune artiste a mis les pieds dans un rave pour la toute première fois, à l’une des éditions du célèbre événement Neksus. Une soirée qu’elle qualifie aujourd’hui de « mythe fondateur de [sa] pratique artistique ».
La fête se tenait dans un immense entrepôt du Vieux-Port de Montréal, un secteur de la ville alors riche en vieux docks et autres bâtiments désaffectés – rien à voir avec les allures touristiques et hautaines qu’on y associe aujourd’hui.
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« Imagine-toi un hangar à bateaux aussi haut qu’un immeuble de 10 étages, avec des artistes de cirque qui sautent en buggy, des lumières partout, du monde avec des glow sticks et des flashlights… »
Frappée au premier coup d’œil par la scénographie grandiose des lieux, elle s’est aussi sentie happée par l’éclectisme de la foule alors qu’elle traversait l’immense piste de danse.
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Des gens de tous les âges, sexes, origines, orientations sexuelles et styles vestimentaires se confondaient dans ce chaos organisé. Tous avaient le même objectif : s’abandonner aux basses répétitives jusqu’aux petites heures du matin.
« C’était vraiment les premiers événements où la musique ne décidait pas de quoi t’avais l ’air. Des codes vestimentaires, il n’y en avait plus. Pas comme dans les clubs sur Crescent. On se déguisait et on avait du fun. »
Comme en témoigne l’expérience « À la recherche du beat répétitif », ces soirées étaient bien plus que de simples fêtes. Elles étaient de véritables promesses de liberté et d’exaltation. Un lieu où tous étaient invités à vibrer jusqu’aux premiers rayons de soleil.
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Les 45 minutes passées au Centre PHI ce jour-là ont suffi pour que Caroline se remémore cette époque charnière de sa vie. Je sens la nostalgie qui s’empare d’elle alors qu’elle me décrit cette soirée comme si c’était hier : « C’est là que je me suis dit : “Il faut que je fasse quelque chose avec ça.” Ç’a été une révélation. »
C’est ainsi que l’univers des raves s’est révélé à elle comme un terrain de jeu inépuisable où exercer son art. En un an seulement, la photographe en a tiré plus de 800 portraits.
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Des bases militaires de l’est de l’île à l’ancien Palais des congrès (à l’époque situé sur le terrain aujourd’hui occupé par la Grande Bibliothèque), en passant par de vastes champs de Mirabel, des soirées qui s’étirent jusqu’au petit matin, elle en aura vu de toutes les couleurs, à raison de deux ou trois par mois.
De ce processus est né son premier projet personnel, Rituel festif – Portraits de la scène rave à Montréal, un ouvrage qui a été la pierre angulaire de son parcours artistique.
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Et à sa sortie, le livre a eu l’effet d’une bombe dans le paysage médiatique. Les portraits de ravers montréalais, captés sur des films « passés date » et imprimés de nuit dans les locaux du Cégep du Vieux-Montréal, ont ensuite fait partie d’une exposition qui a fait le tour du monde pendant plus de 10 ans.
Caroline Hayeur doit une grande partie de sa carrière au monde de la nuit. Elle est convaincue que ce mouvement a forgé l’identité artistique de bien des noctambules de sa génération : « Tout le monde voulait participer au mouvement. Je ne serais pas surprise que ça ait fait partie des débuts artistiques de beaucoup de jeunes qui se sont ensuite professionnalisés. »
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C’est d’ailleurs vers la fin des années 90 que l’univers des raves s’est institutionnalisé et que Montréal a vu naître des emblèmes de la scène électronique comme le Stéréo et Mutek.
Quand je demande finalement à Caroline pourquoi, selon elle, autant de gens se sont sentis interpellés par ce mouvement, elle me répond, tout simplement : « Je pense que les gens avaient envie de danser. »
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