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Îles Gili : Snorkeling, smoothies au mush et silicone
Nous sommes une famille montréalaise plutôt sympathique, ayant décidé de tout sacrer là pour faire le tour de l’Asie durant environ sept mois. Nous ne sommes pas des hippies (sauf ma blonde qui porte encore des bijoux en bois), ni des gens riches, nous avons seulement décrété que ce projet supplantait en importance tous les autres. Voici le récit de notre voyage.
Depuis une semaine, je nage avec des tortues sur une île paradisiaque.
Je ne dis pas ça juste pour péter de la broue, mais parce que ma nouvelle obsession a un nom: snorkeling.
Oui, il était grand temps que je remplace ce culte absurde pour le karaoké pour quelque chose d’un peu plus santé. Je sais bien que le karaoké n’est pas obligé d’être nocif, mais quand tes partenaires habituels sont aussi dépravés que Mötley Crüe en 1987, c’est dur d’être le seul à pratiquer cette activité au nom de l’amour de la chanson.
Bref, le snorkeling est ma nouvelle passion.
Un nom amusant à prononcer en plus, le Snor-ke-Ling, dérivé du mot allemand «Schnorchel», que les soldats utilisaient pour désigner un «puits d’air pour sous-marin» mais aussi – dans l’argot – un «nez» ou un «museau». Le mot tuba s’est imposé au début des années 50, après que les Anglais eurent d’abord évoqué ces «tubes» courbés utilisés pour respirer sous l’eau.
Bonne chance désormais pour affirmer qu’URBANIA ne sert à rien d’autre que faire découvrir les dix meilleures sortes d’arbres à planter pour rembourser son empreinte écologique après un voyage humanitaire au Chili.
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Si un jour je croise David Saint-Jacques, j’ai l’intention de lui faire des clins d’œil complices voire même l’appeler buddy, maintenant que je connais le feeling de me promener en apesanteur dans un endroit majestueux où ma tête pourrait exploser si je manque d’oxygène.
Proactif depuis le scoutisme, je nous ai tous gearés avec des tubas, des masques et des souliers qui n’arrachent pas la peau des pieds au contact des récifs coralliens. Si un jour je croise David Saint-Jacques, j’ai l’intention de lui faire des clins d’œil complices voire même l’appeler buddy, maintenant que je connais le feeling de me promener en apesanteur dans un endroit majestueux où ma tête pourrait exploser si je manque d’oxygène.
En bonus, je viens de trouver un sens à ce talent inutile d’être imbattable au concours de retenir sa respiration sous l’eau. Sans farce, je peux durer presque deux minutes en restant complètement immobile. J’ai l’air mort et ça fait toujours peur au monde.
Jusqu’ici, ça ne m’avait jamais servi à grand-chose. Ce n’est pas un pick-up line super gagnant faut dire.
-Salut, moi c’est Stéphanie.
-Moi c’est Hugo, pis je torche dans les concours de respire en d’sour de l’eau!
Ma blonde, remplie de mauvaise foi, dirait sans doute au sujet de ma passion tardive pour le snorkeling que c’est parce que je suis mono-intérêt, incapable d’aimer deux choses en même temps.
C’est ce qu’elle croit ar ar ar…
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Tout ça pour dire que nous sommes à Gili depuis une semaine, un trio d’îles perdues au milieu de l’océan, un jardin merveilleux, un spectacle permanent.
On a d’abord quitté Bali, ma cousine et sa fille Margot un peu la mort dans l’âme, après deux semaines de grosse vie sale.
Comme on l’expliquait dans l’épisode antérieur, on avait les blues ces derniers temps, avec les jours et les semaines qui s’égrènent à une vitesse ridicule.
Notre mode de vie sédentaire expliquait peut-être en partie ce spleen momentané, parce le fait de reprendre nos sacs à dos et mettre le cap vers Gili Trawangan nous a ravigotés.
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Nous avons également échangé ma cousine contre mon beau-frère. À son tour d’être en visite pour deux semaines. Un échange à première vue aussi décevant que Gerry Boulet contre Martin Deschamps ou une frite sauce contre un menu santé à l’aréna. La preuve : mon beau-frère – que nous appellerons accessoirement Mononcle Éric pour alléger la lecture – avait à peine posé ses valises qu’il nous chialait déjà après à cause du bruit pendant la toune Seigneur lors de notre party de la Saint-Jean à la villa, parce que monsieur faisait de la plongée de lendemain.
DE LA PLONGÉE!
C’est pas comme s’il devait aller remplacer Bono en Afrique, affronter Mike Tyson en 1986, régler la crise syrienne ou voler les plans secrets de l’étoile de la mort, esti.
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Heureusement, les îles Gili sont spectaculaires, alors ça nous aide à l’endurer. Plusieurs personnes nous avaient d’ailleurs vanté ces îles, mais certaines choses de la vie nécessitent d’être vues de nos propres yeux pour les comprendre.
Les îles Gili et les pets flambés en font partie.
Au fait, Gili signifie «île» en Indonésien et l’archipel se déploie entre trois Gili voisines : Trawangan, Meno et Air. En plus d’être magnifiques, ces îles ont la particularité d’interdire les moteurs, ce qui nous donne un sacré répit après des mois à essayer de survivre en traversant les rues asiatiques.
Même s’il est facile de parcourir les îles à pieds en moins d’une heure, les gens se déplacent à vélo ou dans des calèches tirées par des chevaux aux crinières multicolores. Déjà que ça doit être plate une vie à charrier des touristes au gros soleil, pourquoi diable les avoir attriqués de mèches colorées comme des fans de Claudine Mercier de Dolbeau-Mistassini?
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Il y a deux façons de se rendre aux îles : en fast boat et en traversier.
Martine, Simone et moi avons opté pour le lent ferry, puisque la petite vomit souvent dans les transports. Elle m’avait fait le coup en allant à Nusa Lembongan deux jours avant, en gerbant l’équivalent de son poids sur mes pantalons beiges et la banquette en cuirette. On a adoré l’option relaxe. La petite s’amusait dans un module sur le pont et des dauphins sautillaient dans l’eau de chaque côté du bateau.
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Même les esprits les plus cyniques n’auraient pu rester insensibles au majestueux spectacle des plus wise mammifères marins. Autre point positif, il n’y avait aucun autre touriste à part nous, puisque les Indonésiens n’ont pas les moyens de se payer des bateaux de douchebags avec quatre-cinq puissants moteurs qui coûtent la peau des fesses en plus de TUER GAIA.
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Parlant de douchebags, ils sont quand même surreprésentés sur les îles Gili, débarquant massivement comme des soldats sur les plages normandes avec leurs valises à roulettes et leurs faux totons. Des Australiens pour la plupart, qui n’ont que trois heures d’avion à se taper. Comme tout est dans tout, une immense banderole révélant la présence d’un nouveau gym traverse la rue principale. À travers la vitrine, on y aperçoit des spécimens pousser de la fonte avant de sortir dans les nombreux bars de l’île. En chest évidemment, ce qui devrait être passible du supplice de la roue.
Douchebags ou non, les touristes sont très jeunes ici.
Et comme tout le monde sait que les jeunes se défoncent sur du Marilyn Manson et consomment de la drogue, la vie nocturne est assez animée.
Sur les menus, plusieurs bars font la promotion des smoothies au mush, classique underground des îles Gili. Plusieurs graffitis et écriteaux éparpillés sur l’île y font référence et laissent donc deviner une forme de tolérance envers le nectar aux vertus hallucinogènes.
Mononcle Éric et moi sommes allés expérimenter la chose. Sur les menus, plusieurs bars font la promotion des smoothies au mush, classique underground des îles Gili. Plusieurs graffitis et écriteaux éparpillés sur l’île y font référence et laissent donc deviner une forme de tolérance envers le nectar aux vertus hallucinogènes. En gros, tu peux te ramasser cinq ans en taule pour avoir fumé un joint, mais tu peux pseudo-légalement boire un smoothie au mush dans plusieurs bars indonésiens.
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Le temps de crier «gratitude» en position du lotus, je me suis ramassé au comptoir du Jiggy Bar pour m’en commander un.
La transaction fut glauque comme dans un mauvais film. Le barman a fait un signe à un type louche, ensuite venu négocier les prix en extirpant la camelote de sa poche. Va pour 250 000 roupies (25 $ CA), une bonne affaire à voir son air bête. Le barman vide ensuite le contenu du sac dans un malaxeur, mélangé avec quelque chose de sucré. Le résultat est verdâtre, opaque et goûte la putréfaction.
J’ai d’ailleurs dégobillé une gorgée durant la dégustation.
Une demi-heure après m’être infligé un empoisonnement alimentaire, le mush a commencé à faire le travail pour lequel il a été payé. L’histoire ne dit pas si Mononcle Éric en a aussi consommé ou s’il est seulement venu me chaperonner sur l’ordre de sa soeur. Cette photo sera le seul indice que je fournirai à ce sujet.
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Comment c’était? Eh bien, assez formidable pour me permettre d’apprécier la musique de marde qui détruisait jusqu’alors mon bonheur insulaire. Je me suis mis à danser comme un saltimbanque avec un sourire niais de six heures estampé au visage. J’aimais la vie, j’aimais Kanye West, j’aimais les douchebags en chest, les pitounes siliconées qui tweerkaient et j’aimais même Mononcle Éric.
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On a fait la tournée des bars de la rue principale dans des calèches, même si des jeunes conscientisés nous accusaient d’encourager la cruauté animale.
J’ai longuement tenté d’amadouer l’entourage du band d’un bar pour pouvoir profiter de leur imposante crowd pour interpréter du Elvis. En vain.
J’ai longuement tenté d’amadouer l’entourage du band d’un bar pour pouvoir profiter de leur imposante crowd pour interpréter du Elvis. En vain. Comme prix de consolation, j’ai donc pensé faire du stage diving pendant Red Red Wine, mais personne ne m’a attrapé et je me suis écrasé sur le plancher en béton. J’ai encore mal aux genoux au moment d’ écrire ces lignes.
Mononcle Éric et moi n’avons pas été revus avant midi le lendemain. J’ai dormi tellement dur que pour la première fois, la prière de cinq heures du matin du muezzin voisin ne m’a pas réveillé. Celle de 8 heures non plus.
Je suis allé snorkeler à mon réveil.
Ah le doux feeling de patauger hang over avec les tortues, poissons-clown à trois bandes, demoiselles bleues, anges royaux, sans oublier les poissons-papillons et les pincettes à long nez.
Le lendemain, j’accompagnais Mononcle Éric à Bali pour son départ, mais j’y allais aussi accueillir nos bons amis Rock et Gitane, en visite en Indonésie pour un mois.
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OK, leur prénom ressemble à celui d’un band folk de la Révolution tranquille, mais c’est d’abord la faute de leurs parents.
Je connais Gitane depuis le secondaire. Je pourrais l’éliminer subtilement, puisqu’elle est une des rares à m’avoir connu dans ma période Dungeons & Dragons.
Nous avons très activement souligné leur arrivée, sans mush mais pas loin. On reparlera sans doute d’eux dans le prochain épisode, mais disons que ça commence très fort.
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Demain, on retourne tous ensemble rejoindre ma famille à Gili.
Un peu insomniaque dans ma chambre à 17 $, je réalisais que c’était la première fois depuis janvier que je passais plus de quelques heures loin d’eux. Martine m’a envoyé une photo des progrès de Victor en plongeon, dans la piscine.
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Il était temps, je sais, mais il vient à peine d’apprendre à plonger. Mon œuvre, d’ailleurs. Comme quoi il ne pourra jamais me reprocher de ne lui avoir rien montré.
«P’pa, tu ne m’as jamais montré le sens de la vie, les valeurs, le respect, la propre…
-OUI MAIS LE PLONGEON!
Je n’arrive pas à dormir. Seul dans mon lit simple, j’écoute l’air conditionné qui fait un boucan d’enfer.
C’est niaiseux, mais j’ai hâte à demain.