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Le titre original de cette chronique était “Fuck off Mike Ward” et elle n’était initialement constituée que de gifs offensants en forme de fuck you.
C’est que “Fuck off Mike Ward” était, jusqu’à tout récemment, la somme de toutes mes réflexions sur cette affaire qui a enflammé le web et rassuré les humoristes du Québec dans leur précieux rôle de chien de garde de la liberté d’expression.
Mike Ward peut bien dire ce qu’il veut.
S’il souhaite faire commerce de la difformité des autres, c’est son affaire. Il a le droit: la société le permet, sur le plan légal du moins. Et tant mieux pour lui, car autrement je m’inquiéterais sérieusement pour ses perspectives de carrière.
J’étais toutefois quand même un brin découragé de constater l’hégémonique soulèvement qui s’en est suivi: humoristes, membres du showbizz et autres courageuses personnes de l’internet marchant main dans la main pour former une barrière protectrice autour de leur enfant chéri.
En profitant du coup pour diffuser insultes et autres montages photoshop afin d’humilier davantage un jeune homme qui n’a jamais demandé plus que d’entretenir sa passion dans la dignité.
Tout ça au nom de la liberté d’expression, que vous connaissez peut-être sous son petit sobriquet de “diffamation” qu’on utilise seulement lorsqu’elle s’exerce à l’intérieur des limites hertziennes de la Vieille-Capitale. En dehors de cette zone, elle est sacrée.
Et c’est correct: c’est une notion riche, cruciale et indispensable, tout à fait essentielle à la société et à la démocratie. Des gens sont morts pour libérer la parole, puissant instrument de changement. Des peuples se battent encore, toujours, de la Chine jusqu’aux confins du web, pour que la vérité puisse voir le jour. Les grands philosophes se sont dit prêts à mourir au nom de la liberté d’expression.
Je doute toutefois que Voltaire se serait pris une balle pour Mike Ward.
Afin que celui-ci puisse librement se moquer du crâne difforme d’un enfant de dix ans.
C’est cependant l’usage qu’il choisit d’en faire, mais je me répète: il a le droit. Je ne lui apprends rien, d’ailleurs, puisqu’il se qualifie lui-même d’artisan de l’humour trash.
Je n’aurais pas pu mieux dire. Il fait de l’humour poubelle, au même titre que certains animateurs font de la radio poubelle. La différence, c’est que si un animateur chauve de Québec avait ri d’un enfant handicapé avant de fantasmer sur sa noyade, on l’aurait lynché.
La liberté d’expression est à géométrie variable.
Parce que l’humour jouit d’un statut particulier. On le perçoit comme un médium à part, une forme d’art dépourvue de responsabilités. Il faudrait accepter l’humour comme un simple spectacle, un divertissement inoffensif que l’on doit prendre à la légère.
Dans son idéal, oui, l’humour incarnerait cela. Mais dans la réalité?
Je me suis remémoré mes chagrins de cour d’école. Je me suis souvenu de mes inaptitudes devant les jeux de marelle et les moqueries qui s’en suivaient dans cette microsociété dominée par le ballon-chasseur. Je me suis rappelé que les méchancetés qui se disaient à mon sujet n’étaient pas inventées de toute pièce. Les écoliers sont, oui, créatifs, mais surtout influençables. Ils imitent. Leur modèle préféré? Les comiques.
Ce sont des railleries qui blessent – je sais de quoi je parle – et je suis mal à l’aise qu’on les encourage.
Je ne suis pas inquiet pour la liberté d’expression – je suis en revanche mal de voir des humoristes se faire porte-paroles de campagnes contre l’intimidation tout en continuant de vendre des billets sur le dos de l’apparence physqiue d’autrui.
Mais on ne peut pas légiférer contre les épais.
Il y en aura toujours. La bonne nouvelle, c’est qu’on a le droit de les traiter d’épais en retour. Pis si on est assez nombreux à le faire, peut-être que certains épais ajouteront une dose de respect à leur liberté d’expression.
La société ne s’en portera que mieux.