.jpg)
Il n’y a plus rien, si ce n’est que du désenchantement et des airs hagards. Des bulles de bave pour aller avec la couche que les étudiants-rois ont au cul aussi, tiens. Je suis à cours de mots.
La quatrième ronde de négociations entre le gouvernement et les étudiants a été avortée hier. Bon.
Un mur de béton s’est dressé en pleine poire de nos braves négociateurs étudiants. « Une impasse » aura-t-on déclaré. Tu parles. Le premier clash intergénérationnel profond du Québec contemporain, si vous voulez mon avis.
Je n’ai pas envie de m’étendre à outrance sur le fiasco des plus récentes négociations. Très franchement, ça me consterne au point où mes réflexions les plus éloquentes à ce sujet se résumeraient parfaitement en agitant un doigt de haut en bas au niveau de mes lèvres pour émettre des « blblblblblblblblblblblb…»
C’est à peu près ce que j’en pense. Quoi dire devant autant de… Je ne trouve même pas les mots. J’ai le coin supérieur droit de la bouche qui palpite, le sourcil du côté opposé également; et probablement un peu de bave amère qui s’apprête à m’échapper. Je me sens débilitée. On s’est emparé de ma verve du même coup. On m’aura aseptisée. Moi comme d’autres. Voilà, bravo…
À la grogne s’est dorénavant substituée un sentiment d’absurde et de profonde amertume. Le temps qu’il m’aura fallu pour entamer la rédaction de ces quelques lignes parle de lui-même. La conviction vive s’est mutée en lassitude, alimentée par l’arrogance dégénérée de Frisou et sa plante beige de service [je parle ici de madame la Ministre]. Non mais sérieusement, cette femme a quelque chose de fondamentalement végétal, si vous voulez mon avis. Je ne serais même pas surprise que quelques cytoplasmes truffent son épiderme…
Tsé, tant qu’à dire n’importe quoi sur le conflit étudiant…
Hier, cette impasse aura porté le coup de grâce à la candeur populaire. Celle qui avait jusqu’ici porté la lutte, la mobilisation. Celle qui nous avait fait baisser notre bouclier de cynisme.
Cette candeur inespérée qui aura propulsé cette mouvance sociale d’une rare vigueur dans l’histoire du Québec, eh bien elle s’en est allée. Je ne suis pas en colère, je ne suis pas triste. Je suis amère. Surtout amère de voir qu’on se sera rendu jusqu’au désenchantement irrémédiable avant même d’entrevoir une solution au conflit.
La lutte continuera, je n’en doute pas. Mais les manifestants auront au fond des yeux une colère froide à en glacer le sang. C’est dangereux de pousser les gens jusqu’au point où ils n’ont plus rien à perdre…
Parce qu’à force de se faire traîner dans la boue, on s’endurcit. On croit moins, mais on exige davantage. Je ne crois pas que Jean Charest se sera rendu service. Bien franchement.
Quoi que si. Finalement. Ah, je sais plus. Je ne sais plus grand chose. J’ai beau dire; me voilà bien égarée. Je ne sais plus par où me cramponner. Tout simplement plus.
« On avance, on avance, on recule pas. » C’est sûr, je suis bien d’accord.
Mais à présent, l’espoir le plus tangible des étudiants réside en la perturbation éventuelle d’un événement qui bénéficie d’une couverture médiatique mondiale. Plus de cours à bouder, plus d’établissements à bloquer; à peine de rues à occuper (ou en tous cas pas trop bruyamment)… Force est de l’admettre, les étudiants n’ont même plus de cibles à viser. On les leur aura habilement confisquées. On aura réussi à désagréger leur grogne en la privant de médiums. C’est à pleurer.
Dernière tribune d’indignation : le Grand Prix de Montréal. Mais attentoin, scandale! Il ne faudrait surtout pas peiner ce nain facho de Bernie Ecclestone, surtout pas!
Et Charest prend la mouche comme si les manifestants faisaient mine de saccager un monument du patrimoine mondial de l’UNESCO. Quand un Premier Ministre s’insurge pour des pitounes de char pis les autos de course qui tournent autour d’elles, je ne sais plus en quoi on peut oser croire.
Je ne suis pas juste désenchantée, je suis amère en tabarnaque.
Alors qu’on osait croire à une sortie de crise, à une résurgence de la bonne foi; alors qu’on espérait de Charest une flexibilité qui (visiblement) ne lui incombe pas, qu’on croyait aller de l’avant… nous voilà recalés de dix milles lieues.
L’impasse, ce n’est pas les 1778$ que les étudiants ne veulent pas céder. L’impasse, c’est le premier véritable clash générationnel du Québec contemporain.
Cette impasse illustre un gouffre qui s’est creusé entre un État vétuste et réactionnaire et ceux qu’il représente. Du moins une partie – c’est vrai. J’oublie toujours : « Les-étudiants-indignés-ne-sont-qu’une-minorité-de-la-population-et-ne-représentent-pas-une-masse-d’électeurs-critique.-Conséquemment-nous-pouvons-allègrement-leur-brandir-un-doigt-d’honneur-et-même-leur-balancer-des-lois-spéciales-par-la-tête ».
Allez, répétez. À genoux, qu’in.
Notre gouvernement nie sa jeunesse; il la refuse. Il l’érige en « ennemi numéro 1 » de la paix sociale et de l’ordre civil. Ce n’est pas du profilage politique, ce n’est pas de la xénophobie, ce n’est pas de la paranoïa : c’est du suicide. On ne répudie pas ce qui assurera notre pérennité. Non seulement c’est irresponsable, mais c’est annihilant. J’en pleurerais.
Il n’y a plus rien qui va. Vraiment plus rien.
***
Et sur Twitter, moi c’est @aurelolancti