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Il neige sur mes émotions…

Par
André Péloquin
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Salut Urbania,

Je ne sais pas si c’est parce que Dame Nature a finalement « zippé » son grand manteau blanc jusqu’à son cou, mais la semaine a été riche en petites émotions.

Bref, jusqu’à hier, j’étais en beau fusil.

Tout d’abord, les récentes déconfitures entourant les indignés me font douter de plus en plus du genre humain. Bien sûr, y’a eu cette affaire du policier qui asperge des manifestants pacifistes de poivre de cayenne comme s’il arrosait ses pétunias en Californie, le vol de 10 000 $ et le départ de piliers du mouvement montréalais à la suite de la recrudescence « d’éléments néfastes » au sein de la communauté qui agitaient les veines de mes tempes, mais je crois que les 71 750 $ offerts par le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec à l’Institut de twittérature comparée ont fait déborder le vase.

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Ainsi, un membre de l’Institut de twittérature comparée (à ne pas confondre avec la chaire d’étude de World Of Warcraft) aura droit à cette somme pour observer une classe de cinquième secondaire « afin de relever des éléments pertinents dans le but de créer «un espace virtuel de collaboration inspiré de Twitter ». »

… et c’est tout.

Pendant ce temps, les enseignants déjà en place manquent cruellement de ressources et les commissions scolaires sont en crise identitaire, mais lorsqu’on sort le mot de l’année – « Twitter » – tadam!, on dénoue les cordons de la bourse.

Le plus choquant, à mon humble avis, demeure le fait que l’Institut se contente de promouvoir la communication écrite et non pas l’écriture en tant que telle. « La bonne nouvelle pour celui qui mènera cette recherche dans les prochains mois est que les jeunes écrivent », peut-on lire dans un article à ce sujet. « Pour ce qui est de bien écrire, c’est aux parents et aux enseignants de prendre le relais selon [Jean-Yves Fréchette, cofondateur de l’Institut de twittérature comparée] ».

Écoutez, si ce projet amène du bon, je serai le premier à m’excuser auprès de M. Fréchette, mais en attendant, la démarche me semble un peu loufoque.

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La majorité des jeunes profitent d’une panoplie de plateformes pour communiquer à l’extérieur des classes (non, Tumblr, Facebook, Livejournal et compagnie ne sont pas peuplés que de vos amis graphistes qui tripent un peu trop sur les pieuvres), mais entre les murs de l’école par contre?

Oui, bien sûr, Twitter est dans le vent et ce montant ne risque pas de faire de différence dans le budget alloué à l’éducation, mais – pour citer une amie enseignante – « est-ce que je peux avoir des chaises pareilles dans ma classe avant? »

Consacrer plus de 70 000 $ à six mois d’observation à la plateforme du moment alors que les gens déjà dans les tranchées – les professeurs – en bavent me semble un drôle d’investissement… d’autant plus qu’au final, le type se lave les mains de l’état de la langue (déjà critique si on en croit la litanie d’articles à ce sujet ces jours-ci). « On veut juste que les jeunes tweetent. Je ne veux pas qu’ils s’améliorent en français, juste qu’ils tweetent ». Hé misère!

Bref, je voyais un peu rouge jusqu’à hier.

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Parce que mercredi, je suis tombé sur ça…

(Là, vous devriez cliquer sur le lien pour écouter l’entrevue parce que, sinon, le reste n’aura plus de sens… pis déjà qu’il n’y en a beaucoup, t’sais…)

Plutôt cette semaine, l’émission Daybreak recevait deux anglophones du Mile-End qui, après s’être installés à Montréal il y a des années, ne parlent toujours pas français.

… Mile-End… anglophones unilingues… ne parlent pas le français…

Pas de doute, l’hameçon est immense et le ver est fichtrement vigoureux!

Allons-y! Mordons… mais pas pour les raisons habituelles…

La dame interviewée a tenté le coup, ses enfants – nés ici – sont même bilingues, mais son train de vie fait en sorte qu’elle n’a pas assez de temps pour suivre des leçons de façon assidue. C’est dommage, mais je peux comprendre. J’ai suivi des cours d’espagnol pendant trois années et je baragouine toujours la langue. « Una cerveza por favor » et c’est pas mal tout!

Mais le monsieur qui habite ici depuis dix années… quel monument!

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Dès la première minute de l’entrevue, il lance qu’il espérait pouvoir l’apprendre « sur le tas » sans toutefois s’affairer à la tâche ou entreprendre des démarches sérieuses. « Je ne voulais pas y consacrer mes énergies, ni mon temps », laisse-t-il tomber laconiquement tout en ajoutant qu’il ne se déplace pas beaucoup, sachant qu’il devrait absolument parler français pour habiter Sherbrooke ou Québec. Il ajoute aussi qu’il connait quelques francophones et qu’eux aussi ne s’aventurent pas trop à l’extérieur de leur quartier (bref, son entourage est aussi « plate » que lui).

Bien sûr, on ressasse aussi les clichés du genre lors de l’entrevue: les francophones qui déchirent leurs chemises (à carreaux) par rapport à cette situation, etc., mais hier je n’étais plus en tabarnouche, mais plutôt triste pour ce monsieur.

Oui, le français n’est pas qu’une langue, mais un acte politique ici, mais c’est surtout une clé vers une culture foisonnante. De toute façon, ce n’est pas comme si on exigeait des « nouveaux arrivants » qu’ils s’intègrent en abusant de l’accent « radio-canadien » (après tout, bon nombre d’animateurs de NRJ parlent aussi bien français que je massacre la langue espagnole et se portent très bien), mais quand même…

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Refuser d’apprendre le français au Québec, c’est comme s’entêter à ne parler qu’anglais à Barcelone : c’est manger le gâteau sans crémage ou boire de la bière tablette, c’est écouter de la porn brouillée à Super Écran, c’est aller voir Les pieds dans le vide sans fumer un joint auparavant…

On peut survivre, mais c’est se priver de tellement de plaisirs!

Bref, j’étais triste pour mon prochain…

… puis y’a eu la première neige de l’année, autre source de débordements émotionnels si j’en crois les nombreux gazouillis à ce sujet.

Tiens donc, l’Institut de twittérature comparée devrait observer les studios de Météomédia plutôt qu’une classe de cinquième secondaire…