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Je viens d’une petite place qui s’appelle Lavaltrie. Non, c’est pas une partie de Laval! C’est un village aux frontières de la campagne pis de la banlieue, à environ 45 minutes au nord-est de Montréal (même si monde de la place font généralement le trajet en 30 minutes).
Pour aller à Lavaltrie, tu prends la 40, direction est. Là, tu passes les raffineries de l’est de la Ville, le pont Charles-de-Gaulle, l’étendue morne de Repentigny, avant d’arriver dans le coin de L’Assomption où les maisons de banlieue sont tranquillement remplacées par les terres agricoles du rang Point-du-Jour.
Pis un moment donné, tu vois se profiler dans la bande boisée au milieu de l’autoroute une bâtisse au toit rouge et à l’enseigne néon orangée, tout droit sortie des années 60.
C’est le Benny.
Pour le monde de Lavaltrie, c’est quand tu arrives à la hauteur du Benny que tu commences à te sentir à la maison.
Home. Sweet home.
Aujourd’hui, y’a des Benny un peu partout. Mais dans le temps, c’était pas de même. On a eu un des premiers, sinon LE PREMIER BENNY DU MONDE ENTIER, à Lavaltrie.
Je ne peux passer sous silence leur fameuse poutine au poulet, qui s’exporte désormais aux quatre coins de la province. Il y a quelque chose de réconfortant de savoir que tu peux manger une poutine au poulet qui va toujours goûter la même affaire. Peut-être pas LA meilleure poutine, mais quand même une crisse de bonne poutine; une valeur sûre…
Ce refuge que constitue la “valeur sûre” est d’ailleurs la quintessence même du comfort food.
Ce goût familier donne l’impression de se réfugier dans un cocon de ouate.
Tous les ingrédients d’une bonne poutine sont présents : les frites sont croustillantes et ondulées (la marque de commerce de ce resto). Le fromage est à la hauteur et la sauce est excellente, salée et acidulée à point. Seule ombre au tableau : la dimension impressionnante de l’assiette fait en sorte que les dernières frites ont le temps de ramollir. Mais j’imagine que ce serait risqué pour le célèbre restaurant de tenter d’épaissir sa sauce, sans offenser les puristes qui en ont fait l’institution que l’on connaît aujourd’hui.
Pour l’ensemble de l’œuvre, j’ai déjà décerné à cette poutine la note de 8,75/10. C’est une poutine qui ne remportera probablement jamais un prix dans un festival hipster, mais c’est un plat qui s’impose sans prétention, qui sait faire preuve de constance et qui remplit exactement son mandat. Ce n’est pas banal.
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Mais le Benny de Lavaltrie, c’est plus que la bonne poutine.
C’est aussi l’ensemble des souvenirs enracinés au plus profond de ce que nous sommes, les gens du coin. Les dérapes dans les bars de Joliette finissaient presque invariablement au Benny. Que ce soit en sortant du B.E. (pour “Bar Étudiant”) ou du Palace (où toutes les filles de Lavaltrie âgées de 16 ans allaient danser dans des cages en espérant passer à Bouge de là, sur les ondes de Musique Plus); c’est la poutine de Benny qui nous permettait de survivre jusqu’au lendemain.
Et pour ceux qui, comme moi, ont quitté les terres sablonneuses de Lavaltrie, un simple arrêt au Benny permet de revenir dans le passé et de se sentir comme si on n’était jamais parti.
Mais j’écris ces mots le cœur lourd.
Car j’ai vu sur le site Truckstopquebec.com(!), que le Ministère des Transports (MTQ) planifiait raser, détruire, annihiler le Benny de Lavaltrie, en éliminant au passage un important fragment de notre mémoire collective. Le MTQ voudrait remplacer ce restaurant mythique, par une halte routière générique construite en PPP!
Citoyens de Lavaltrie et des environs, n’oublions pas qui nous sommes et d’où nous venons! Ne laissons pas le MTQ détruire ce monument qui est beaucoup plus qu’un simple restaurant. Le Benny fait partie de nous. S’il disparaît, quelque chose en nous va mourir et ne reviendra jamais.
Aux fourchettes de plastique, citoyens!
On se laissera pas faire! Il est encore temps d’influencer les décideurs de la région afin de faire fléchir le MTQ! Exigeons que le MTQ renouvelle le bail, que le Benny demeure ouvert et qu’il soit déclaré édifice patrimonial! Ensemble, nous vaincrons!
#JeSuisBenny
N.B. Pour participer à la campagne visant à sauver le Benny de Lavaltrie, partagez cet article, avec le mot-clic #JeSuisBenny. Il ne s’agit que de la première étape de l’importante mobilisation citoyenne à venir.
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Pour lire un autre reportage Table d’hôte de Rémi Bourget : “Critique culinaire de la poutine Mac Attack”