Logo

Il faut qu’on se parle de Promising Young Woman

Troublant, mais efficace.

Par
Benoît Lelièvre
Publicité

Le débat de société autour de la culture du viol a commencé bien avant #metoo. Mais c’est une question qui, malheureusement, n’est pas encore réglée.

C’est une question qui, malheureusement, n’est pas encore réglée.

Il reste toujours des gens pour trouver qu’on exagère, qu’on « peut pu rien faire », qui ridiculisent le concept, qui n’en comprennent tout simplement pas la définition.

Les multiples vagues de dénonciations en ligne auront toutefois ouvert les yeux à plusieurs sur la nature endémique des comportements sexuellement inacceptables. Une percée nécessaire, mais toujours pas suffisante. Ça arrive encore partout et tout le temps, en plein jour ou insidieusement.

Le film Promising Young Woman, disponible en vidéo sur demande depuis quelques semaines, explique selon moi très bien en quoi la culture du viol est aussi pernicieuse. C’est un film qui use de subtilité (les violences physiques et sexuelles sont évoquées plus que montrées, sauf dans une scène particulièrement difficile à regarder, soyez avisés) pour générer l’électrochoc et peut-être, espérons-le, une prise de conscience chez ceux qui doutent que l’existence même de ce concept.

Publicité

Reprendre le pouvoir

Écrit et réalisé par la co-créatrice de Killing Eve Emerald Fennell, Promising Young Woman est loin d’être le premier film où une femme se venge d’une agression sexuelle. On a qu’à penser au film d’horreur I Spit on Your Grave ou plus récemment à Hard Candy avec Elliot Page. L’angle avec lequel le film traite la question est cependant beaucoup plus contemporain.

On ne sait pas grand-chose à propos de Nina, à part qu’elle s’est enlevé la vie après avoir subi une agression sexuelle doublée de procédures judiciaires aussi inefficaces qu’humiliantes.

Publicité

La protagoniste de Promising Young Woman Cassandra (interprétée par la transcendante Carey Mulligan) s’est éteinte depuis le suicide de son amie d’enfance Nina. Elle est revenue vivre chez ses parents, gagne sa vie comme caissière dans un café et les soirs et week-ends, elle prétend être une fille intoxiquée dans les bars afin de débusquer les agresseurs potentiels dans son voisinage. On ne sait pas grand-chose à propos de Nina, à part qu’elle s’est enlevé la vie après avoir subi une agression sexuelle doublée de procédures judiciaires aussi inefficaces qu’humiliantes.

Promising Young Woman illustre le drame vécu par les victimes en y allant dans la nuance, en évitant le piège du cliché où un viol est forcément perpétré par un inconnu dans le fond d’une ruelle à trois heures du matin. La culture du viol prend différentes formes et le film en fait la démonstration avec brio.

Les hommes médiocres que Cassandra ramène du bar se sentent tout puissants. Un sentiment exacerbé par l’absence de conséquences : ils peuvent faire ce que bon leur semble, rien de leur arrivera. C’est le message que la société leur envoie. De toute manière, qui croira une fille complètement saoule qui ne se souvient même pas de la manière dont elle est rentrée chez elle? On dit parfois que l’occasion fait le larron. Ici, on sent que si Cassandra tend un piège aux agresseurs, c’est d’abord et avant tout la culture du viol qui fait que les hommes en question franchissent le pas. Un humain bercé par une culture du consentement reconduirait Cassandra chez elle, s’assurerait qu’elle soit en sécurité et s’en irait. Fin de l’histoire.

Publicité

En attendant un changement profond de mentalité, Cassandra prend les choses en main. Elle confronte les agresseurs en leur prenant la main dans le sac. Impossible pour eux de nier. C’est elle qui prend les commandes du scénario, à la fois pour venger son amie et prendre le dessus sur son propre trauma.

Revoir notre rapport au consentement

Promising Young Woman n’a pas besoin d’être graphique pour arriver à ses fins. Cassandra se fait envoyer une vidéo de l’agression de Nina, mais c’est la seule fois qu’elle sera évoquée en image. C’est une tactique narrative incroyablement efficace. Suggérer plutôt que montrer est amplement suffisant pour sentir le poids que porte la victime, pour constater à quel point ces événements contrôlent et détruisent des vies.

Le film nous force aussi à nous remettre en question en nous faisant comprendre qu’on fait tous potentiellement partie du problème et tous potentiellement partie de la solution.

Publicité

Le film nous force aussi à nous remettre en question en nous faisant comprendre qu’on fait tous potentiellement partie du problème et tous potentiellement partie de la solution. À partir de quel moment devient-on complice d’un agresseur? Est-ce qu’on banalise certaines situations qui sont problématiques? Est-ce qu’on détourne parfois le regard devant un collègue qui pose des gestes déplacés, mais « juste pour niaiser »? Est-ce qu’on excuse cette connaissance qui lâche pas la fille (ou le gars) clairement pas intéressé.e au bar parce « qu’il est un peu intense, mais au fond c’est un bon gars »? Quelle place prend le consentement dans nos relations présentes, passées et futures? Est-on vraiment à l’écoute des victimes?

C’est un film déstabilisant, qui nous donne un aperçu des ravages que laissent derrière elles les agressions de ce genre. Et qui nous fait se poser les bonnes questions, sur cette culture pourrie, sur le rôle qu’on y joue. Un film qui brasse, mais qui a le potentiel de nous faire avancer un peu plus dans la bonne direction.

+++

Promising Young Woman est disponible en location en ligne.

Publicité