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Il était une fois un voyage sans Instagram

Stories or it didn't happen?

Par
Laïma A. Gérald
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Il était une fois, une jeune femme qui eut un printemps de marde.

Trop de travail, pas assez de soleil.

Trop de stress, pas assez de sommeil.

Trop d’anxiĂ©tĂ©, pas assez de lĂ©gĂšretĂ©.

Un jour, elle dĂ©cida de s’acheter un billet d’avion vers une contrĂ©e lointaine. Il lui fallait bien vite chasser cette vilaine nuĂ©e sombre qui planait au-dessus de sa tĂȘte


Faque ouais, je dĂ©cide de prendre un mois de vacances sur un coup de tĂȘte et de me pousser en France. La classe, quoi!

Je remplis ma valise de robes soleil pour vider ma tĂȘte des nuages gris.

Au moment du dĂ©collage, je rĂ©flĂ©chis Ă  tout ce que j’ai trouvĂ© heavy dans les derniers mois, et que je veux laisser sur le tarmac: les semaines de 60 heures, quelques petites peines de coeur, le stress et la prĂ©caritĂ© de la vie de pigiste mais aussi, les mĂ©dias sociaux.

Je vous apprends rien: Instagram est considĂ©rĂ© comme le rĂ©seau social le plus nĂ©faste pour la santĂ© mentale. On le sait maintenant: le risque de provoquer de l’anxiĂ©tĂ©, un sentiment de solitude, des complexes liĂ©s Ă  l’image corporelle et le fameux sentiment de FOMO (fear of missing out) est bien rĂ©el.

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Okay, je me rends Ă  l’évidence, je fais partie des gens Ă  qui ça fait pas forcĂ©ment du bien de passer plusieurs heures par jour sur Instagram et Facebook. Et lĂ , je pars en voyage pour aller mieux, changer d’air, dĂ©crocher


Je pourrais suspendre mes comptes pour l’étĂ©?

Ou alors deleter les app de mon téléphone?

Couper les vivres Ă  Instagram

Quelque part au-dessus de l’Atlantique, je me dis que j’ai pas envie de supprimer mes rĂ©seaux sociaux. Trop drastique? Trop facile? Pas si utile, au fond?

C’est ça le piĂšge avec les mĂ©dias sociaux: plus tu les nourris, plus ils sont chronophages
Comme un joli cercle vicieux qui tournerait en boomerang.

RĂ©vĂ©lation: si je veux passer moins de temps sur Facebook et Instagram, j’ai juste Ă  moins les alimenter. Parce que c’est ça le piĂšge avec les mĂ©dias sociaux: plus tu les nourris, plus ils sont chronophages
Comme un joli cercle vicieux qui tournerait en boomerang.

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Résolution: je ne publierai rien sur les réseaux sociaux, ni sur Facebook, ni sur Instagram pendant le prochain mois.

Pas de photo. Pas de story. Pas de statut Facebook. RIEN!

Check in, check out

J’arrive Ă  l’aĂ©roport de Paris.

Pas de check-in sur Facebook.

Pas de publication de la fameuse photo que j’ai prise quand mĂȘme Ă  travers le hublot, au-dessus des nuages, t’sais?

Pas de story de moi un peu perdue, en route vers la Gare de Lyon.

Pas de boomerang en noir et blanc du train en marche.

Juste.

Rien.

Ça fait maintenant une semaine que je suis en France, living my best life, quand tout à coup :

LaĂŻma A. GĂ©rald/Capture d’écran

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Et comment que je suis en France: l’apĂ©ro dure du matin au soir, je mange des abricots et des pĂȘches de vigne qui goĂ»tent le soleil, le vin coĂ»te que dalle, il y a du fromage Ă  tous les repas et le soleil se couche Ă  23h.

Mais ce message de mon amie me fait quand mĂȘme rĂ©flĂ©chir: si « on ne voit rien passer », ça veut tu dire qu’aux yeux des gens, je ne vis rien? Je ne vois rien? Je ne goĂ»te rien? On est tu rendus lĂ ?

Stories or it didn’t happen?

Je suis Ă  Cassis, sur la cĂŽte mĂ©diterranĂ©enne. Le soleil se couche et le paysage est Ă  couper le souffle. Bien sĂ»r, je prends quelques photos avec mon tĂ©lĂ©phone. Mon ami Alex en prend aussi. C’est alors qu’il me AirDrop ceci:

Crédit: Alexandre Streicher

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« WOW! Cette photo est juste parfaite. TrĂšs InstaMaterial. », que je me dis! En la regardant, je prends conscience d’une chose trĂšs particuliĂšre: mon esprit est en train de brainstormer une caption potentielle. « Le soleil qui se couche sur les calanques », « Petite balade Ă  Cap Canaille au coucher du soleil », « Pis toi, tes vacances? », #SunSet #Blessed

Malgré moi, je réfléchis également à ce que je pourrais ajouter comme filtre pour que le soleil ressorte mieux, pour que mon ombre soit mieux découpée, pour que les couleurs soient plus éclatantes


La tentation de partager ladite photo est forte. Vraiment forte. J’ai envie que les gens sachent que je suis lĂ , que je vis un parfait moment Instagram, que je passe des vacances de rĂȘves et que mon coucher de soleil est plus beau que le leur.

J’ouvre machinalement l’application Instagram sur mon iPhone. J’appuie sur le petit « + » sous la pastille de mon profil
 Mais je m’arrĂȘte. Je rĂ©siste. Je ne publie toujours rien.

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De retour Ă  la maison, je fais dĂ©filer les photos de ma pellicule, celles que j’ai prise depuis le dĂ©but de mon sĂ©jour. J’ai des centaines de magnifiques clichĂ©s. Des beaux amis qui font la fĂȘte, des inconnus dans la rue, des façades de bĂątiments, des bords de mer, des chats, des cornets de crĂšmes glacĂ©es.

Ça serait tellement beau sur Instagram. Mes publications auraient plein de likes, les stories auraient plein de commentaires et recevraient plein de bonhommes avec des yeux en coeur qui s’envoleraient sur mon Ă©cran. Ça ferait du bien, je pense.

Pour l’exercice, je fais le trajet d’une simple story dans ma tĂȘte.

Vivre un (beau) moment.

Ouvrir Instagram.

Prendre une photo ou une vidéo.

L’éditer. Filtre. Caption. Police de la caption.

Ajouter un petit GIF ou un émoji sympa.

Ajouter ma position. Ajouter la mĂ©tĂ©o. Ajouter l’heure.

Publier.

Recevoir des commentaires.

Y répondre.

Regarder qui a vu ma story.

Encore regarder qui a vu ma story.

Encore regarder qui a vu ma story.

Être déçue qu’un.e tel.le n’ait pas vu ma story.

Attendre d’autres commentaires.

Encore regarder qui a vu ma story.

Pendant 24h.

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Tout ça pour que les gens sachent que je suis lĂ , que je vis un parfait moment Instagram, que je passe des vacances de rĂȘves et que mon coucher de soleil est plus beau que le leur.

Je vais m’en passer finalement


De moi Ă  toi

Plus mon sĂ©jour avance, plus je rĂ©alise Ă  quel point ma rĂ©solution me fait du bien. La tentation de partager mon contenu en story est de moins en moins forte. Je ne rĂ©dige plus de caption potentielle dans ma tĂȘte au moment de prendre une photo. Et je dĂ©croche de moins en moins des beaux moments que je vis, parce que je pense trop Ă  les partager en temps rĂ©el Ă  mes followers outre-Atlantique.

« LaĂŻma, on a pas vu passer grand-chose sur Instagram cet Ă©tĂ©. Je me suis dit que tu devais ĂȘtre bien ».

Mes ami.e.s prennent des nouvelles. Me demandent si je fais un beau voyage. À chacun.e d’entre eux.elles, je rĂ©ponds avec une photo: des amis qui font la fĂȘte, des inconnus dans la rue, des façades de bĂątiments, des bords de mer, des chats, des cornets de crĂšmes glacĂ©es.

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Je leur explique oĂč je suis, avec qui, ce que je vois, ce que je mange, ce que je ressens. Comme des petits albums photo personnalisĂ©s. Comme des petits cadeaux que je dĂ©pose dans les inbox des gens que j’aime.

Ce qui m’a fait du bien, c’est de briser le cercle vicieux qui tourne en boomerang: constamment interrompre le cours de son histoire pour publier sa story. Une story vouĂ©e Ă  disparaĂźtre au bout de 24h.

Il Ă©tait une fois, une jeune femme qui revint de vacances, le coeur plein de soleil et l’esprit plus lĂ©ger.

À son retour, elle prit un verre avec son amie MC qui lui dit: « LaĂŻma, on a pas vu passer grand-chose sur Instagram cet Ă©tĂ©. Je me suis dit que tu devais ĂȘtre bien ».

Oui, trĂšs bien!

Crédit : Laïma A. Gérald

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