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Idées suicidaires: « On peut toutes et tous contribuer à désamorcer le sentiment de désespoir »

Parce qu’il est important d’en parler, et d’écouter d’autres en parler, malgré l’inconfort que ça crée.

Par
Ann Julie Larouche
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URBANIA et le gouvernement du Québec s’unissent pour vous présenter des moyens de prévenir le suicide, pour vous ou pour autrui.

Au bout du fil, dans un café du boulevard Saint-Laurent, je mets cartes sur table avec la directrice associée du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie, Cécile Bardon : parler de suicide me met mal à l’aise.

Je souhaite qu’elle m’indique des moyens de communiquer ce mal-être, de le recevoir de la part d’un.e proche et de guider cette personne vers les bonnes ressources.

Cécile, tout doucement, me répond :

« Si ça te rend très mal à l’aise d’en parler, tu peux le dire. Mais c’est le même principe. Si tu as des idées noires, tu dois en parler. »

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Accuser le malaise, et l’inconfort entourant ce sujet, est-ce aussi une façon d’ouvrir la discussion pour que d’autres personnes s’affranchissent du tabou, du cercle vicieux du silence, afin de demander de l’aide en cas de détresse?

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« Souvent, quand on vit de la détresse ou qu’on pense au suicide, on peut croire qu’on est de trop ou qu’on va déranger les autres si on leur en parle », poursuit-elle. « Le plus difficile, c’est de passer par-dessus ce sentiment-là pour dire : “J’ai besoin qu’on m’aide.” Et de ne pas hésiter à le faire. »

La première étape, colossale, c’est de se l’admettre à soi-même. « Être capable de se dire : “En ce moment, je ne vais pas bien, ça m’arrive de penser au suicide, ça me rend mal et j’ai besoin d’aide.” »

Et Cécile est catégorique : ce n’est pas la peine d’attendre d’avoir des idées suicidaires ou de faire une tentative de suicide pour appeler à l’aide.

C’est loin d’être naturel pour moi, demander de l’aide. Quand je pense à toute ma trajectoire de pensée avant de le faire – la crainte d’être lourde, la peur de brimer quelque chose (mon indépendance? le moment? mon rôle social?) –, je me rends compte que plusieurs facteurs forgent ma réticence à communiquer à quelqu’un d’autre que j’en ai trop sur les épaules.

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« Quand on ne va pas bien », ajoute Cécile, « ce n’est pas qu’on est faible, qu’on est une mauvaise personne, qu’on est incompétent : on demande de l’aide et on accepte de l’aide. C’est un signe de force de le faire! »

Ça fait du bien de se faire rappeler qu’il est essentiel d’être en contact avec les autres humains pour aller mieux, et ce, dans toutes les sphères de notre vie et de ce qu’on traverse.

SI ON EST UN.E PROCHE, ON DOIT ÉVITER DE JOUER LE RÔLE D’UN.E INTERVENANT.E

Si, de l’autre côté, on reçoit un message de détresse d’un.e collègue, d’un.e proche, d’un.e patron.ne, d’un.e enseignant.e, d’un.e ami.e, comment peut-on s’assurer d’être présent pour cette personne?

Aussi professeure au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal, Cécile m’indique que le mot d’ordre, c’est la sincérité. « Il faut rassurer la personne, en lui disant : “Je suis là.” Et être sincère avec elle – “Je n’ai pas toutes les réponses, je peux peut-être t’aider à les trouver” –, tout en étant empathique et en évitant de tomber dans les solutions faciles. »

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Et si cette personne se sent seule et le dit, c’est important de reconnaître son sentiment. « On peut ouvrir des portes pour créer des réseaux d’entraide », ajoute Cécile.

Ce qui est commun chez plusieurs personnes qui ont des idées suicidaire, c’est le sentiment de désespoir. Si on reconnaît ce sentiment en disant qu’on peut faire des choses pour que ça ne dure pas, on peut alors contribuer à désamorcer la détresse.

On peut aussi être honnête, si la situation nous dépasse. « C’est difficile de voir souffrir quelqu’un qu’on aime sans souffrir soi-même », m’explique-t-elle. « Il faut se protéger et il faut doser, dans la mesure où on donne ce qu’on peut donner, tout en construisant un filet de sécurité autour de la personne. »

Ce filet de sécurité dont Cécile parle, ce sont toutes les ressources qui existent autour de nous et dans les communautés pour apporter de l’aide à la personne qui en a besoin.

DES RESSOURCES DISPONIBLES JOUR ET NUIT

Le suicide est un sujet sensible qui peut faire émerger des émotions ou des pensées difficiles.

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Si on se sent mal à l’aise d’en parler dans son propre réseau, il est possible de faire appel à des ressources gratuites et confidentielles disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 :

  • Ligne québécoise d’intervention en prévention du suicide : 1 866 APPELLE (277-3553)
  • Pour échanger par texto avec un.e intervenant.e : 535353
  • Information et clavardage avec un.e intervenant.e : suicide.ca

En cas de danger immédiat pour vous ou un proche, composez le 911.

Toutes ces ressources sont encadrées par des professionnels qui savent entendre la souffrance. « Si on appelle, précise Cécile, on est sûr et certain que ça va être entendu par des gens qui sauront quoi faire. »

CULTIVER SES MOMENTS D’APAISEMENT

Selon certaines études, un seul décès par suicide peut toucher jusqu’à 100 personnes. L’impact des comportements suicidaires est donc très important.

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« Ce qui amène une personne à penser au suicide, ce n’est jamais une seule chose », affirme Cécile. L’accumulation et l’interaction de plusieurs facteurs à un moment particulier dans la vie d’une personne peuvent l’amener à vivre de la détresse psychologique, du désespoir, et à avoir des idées suicidaires.

Plusieurs questions me viennent en tête : comment élargir son réseau si on se sent seul.e, renforcer son sentiment de compétence face à la vie et à ses défis, retrouver un sentiment d’appartenance à une communauté, à un groupe? Parce que nos grandes joies et fiertés en découlent en partie, non?

Il faut s’interroger sur ses moments de lumière et d’apaisement, et accepter qu’ils n’effaceNT pas toute la douleur.

Mais quels sont ces moments, comment peut-on les accueillir et faire en sorte qu’ils se multiplient? Comment cesser de ruminer sur les choses qui nous font souffrir?

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À la fin de notre échange, Cécile conclut l’entretien avec son honnêteté du départ. Elle n’a pas toutes les réponses, mais elle a une certitude : il faut élargir les possibilités de solutions en parlant à des personnes de confiance, dont les ressources d’aide.

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Si vous ou un proche avez des idées suicidaires, ou cherchez des moyens de prévenir le suicide pour vous ou vos proches, consultez suicide.ca.