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Hyposexualité, ça vous parle?
Avez-vous déjà eu l’impression, lors de conversations entre ami.e.s, ou au quotidien dans une société où le sexe est omniprésent, d’être marginal.e ou de vous sentir complètement depassé.e par ce qui semble être une obsession de l’être humain, à savoir, le sexe ?
J’ai décidé de me demander si c’était réellement une obsession, ou si la société nous faisait croire que le sexe était central alors qu’il est, pour beaucoup, surcoté. Aujourd’hui, on va donc parler hyposexualité, quelque chose qui me concerne directement en ce moment, et depuis environ deux ans.
Avant toute chose, j’ai demandé à Camille Bataillon, sexologue clinicienne, ce qu’est exactement l’hyposexualité : «Cela implique que la réponse sexuelle est inhibée. C’est-à-dire qu’il peut y avoir très peu, voire pas du tout, de désir sexuel, d’excitation, de vie intime, ce qui rend l’activité sexuelle diminuée voire absente».
Toutefois, Camille nuance d’emblée. Mais existe-il une norme de référence quant à la fréquence des rapports sexuel? Non. Je pense que chacun.e doit pouvoir être libre de vivre sa sexualité (qu’elle existe ou non) comme iel le souhaite. Pour certaines personnes et/ou partenaires, l’hyposexualité est une souffrance. Elle peut être causée par certains facteurs comme la dépression, la prise de médicament, un stress intense, l’état de la relation, l’ennui, l’état de fatigue, ou encore une dysfonction sexuelle du.de la partenaire. Pour d’autres, l’hyposexualité est une orientation sexuelle : l’asexualité. Ce qui différencie une personne asexuelle d’une personne avec une baisse de libido, c’est l’absence de souffrance».
Elle ajoute qu’en tant que sexologue, il est aussi primordial de concevoir que toutes les sexualités sont normales! Si une personne souffre d’hyposexualité, il faut l’accompagner, mais si elle en est épanouie, il faut aussi l’entendre et arrêter de pathologiser cela.
Pour une diversité du spectre des sexualités
Aujourd’hui, on a vite fait de se considérer anormal.e si on ne pense pas qu’au sexe. D’où mon agréable surprise à la découverte du terme hyposexuel.le. Je l’ai pris comme un réel soulagement. J’ai enfin appris à considérer la sexualité comme un spectre : il y aurait à une extrémité l’hypersexualité, et de l’autre côté l’asexualité, et entre deux, des milliards de manières (certainement presque autant qu’il y a d’humains sur Terre) de vivre la sexualité et le désir.
L’hyposexualité, ce n’est ainsi pas une case dans laquelle il faut se ranger quand on a l’impression d’avoir peu envie/besoin de faire l’amour, mais plutôt un outil pour se rendre compte qu’on est légitime de ne pas ressentir de désir sexuel pour quelqu’un, même en couple.
Et si le sexe importait finalement peu ?
Sur mon compte Instagram, j’ai alors demandé en story si les personnes qui me suivent se reconnaissaient dans le terme «hyposexuel.le», après leur avoir expliqué la signification du mot, évidemment. Sur 1269 répondant.e.s, 44% ont répondu oui. Ce sondage n’a aucune valeur scientifique, certes. Il n’empêche, j’ai une grosse intuition depuis que j’ai commencé à parler sexualité ces derniers mois : nous sommes plus d’hyposexuel.le.s qu’on ne le croit. Serions-nous en fait la norme?
Dans un de mes premiers articles sur URBANIA intitulé «Vivre sans libido», je parlais entre autres de mon non besoin de faire l’amour souvent, et j’ai reçu des centaines de messages privés de personnes m’expliquant qu’iels ressentaient la même chose, à savoir que finalement, le sexe n’était pas si central que ça dans leurs vies.
Le sexe est partout, et pourtant, même s’il joue une place centrale dans la vie de certain.e.s (et c’est très bien), il semble aussi ne jouer qu’un rôle annexe dans la vie de beaucoup, qu’iels soient en couple ou célibataires.
Des envies qui fluctuent au rythme de la vie
Ce que j’ai aussi remarqué, c’est qu’on peut être hypersexuel.le un jour, et hyposexuel.le le lendemain. A l’instar de Marion*, qui m’a raconté son histoire : elle n’a plus eu aucune libido pendant deux ans à la suite de son premier accouchement, accouchement accompagné d’une épisiotomie, d’une nouvelle pilule qui inhibait son désir, alors même qu’elle ressentait un important désir sexuel jusqu’alors.
Cette notion est revenue à plusieurs reprises dans mes messages privés sur Instagram, à l’image d’un message reçu hier : «Ma libido est en dormance depuis que je prends la pilule. Je désire mon copain, mais c’est le jour et la nuit entre mon désir hors contraceptif hormonal et avec la pilule». Effectivement, la contraception hormonale a un impact énorme sur nos envies et notre libido, et nous sommes nombreuses à avoir expérimenté une différence radicale, jusqu’à une absence totale de désir, sous pilule.
Le problème, ce n’est finalement pas notre envie ou non de sexe, mais plutôt la société hypersexualisée dans laquelle on vit. Sophia* m’écrivait encore la semaine dernière : «Je n’ai que rarement envie de faire l’amour, voire quasiment jamais. Tout va bien dans ma vie, dans ma tête, c’est ma gynécologue qui me culpabilise, car elle est persuadée que quelque chose ne va pas dans ma vie si je ne ressens pas de désir envers mon compagnon, dont je suis folle amoureuse».
La libido ne peut pas être normée, car elle dépend de tellement de facteurs qu’elle est propre à chacun.e, à l’instant T. Le tout, c’est de réussir à déterminer si notre rythme, nos envies, nous conviennent, nous épanouissent, ou si elles nous font souffrir. Et si cette souffrance vient d’une injonction à la quête du plaisir et à la sexualité libérée, omniprésente dans notre société, ou d’un ressenti purement personnel.
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Ce texte a d’abord été publié sur URBANIA.fr
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