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Hommage à mes enseignant.e.s

« [Vous m'avez] littéralement sauvé la vie. »

Par
Kharoll-Ann Souffrant
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Mes enseignant.es/professeur.es m’ont littéralement sauvé la vie. Ce n’est pas un euphémisme de le dire. Je ne dis pas ça pour faire cute.

Je porte en moi chaque jour les marques d’encouragement et de solidarité, même minimes qu’ils ont eu à mon égard, souvent lorsque j’en ai eu le plus besoin, et ce, de la maternelle au doctorat.

Je leur rends aujourd’hui hommage, même si ce n’est pas la semaine de la persévérance scolaire, parce que c’est une reconnaissance que je porte envers eux tous les jours de ma vie. C’est eux qui ont contribué à mon amour de l’apprentissage, de l’éducation ainsi qu’à ma persévérance scolaire de la petite enfance aux cycles supérieurs.

Alors, commençons.

Merci à ma professeure de première année qui a suggéré à ma mère que je lise des livres entiers à ma classe parce que je savais déjà lire et que je m’ennuyais. (PS j’ai accepté avec grand plaisir de le faire, sans hésitation. J’ai aussi appris à écrire seule à l’âge de trois ans avec le Journal de Montréal sous les yeux de mon père. Mon amour des mots remonte à loin.)

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Merci à Mme Gingras, ma professeure de musique au primaire, qui nous a fait écouter la chanson Dans un spoutnik de Daniel Bélanger, un artiste que j’écoute encore à ce jour. Mme Gingras est aussi la première personne qui m’a dit que je chantais bien.

Merci à Mme Jean-Baptiste, une enseignante d’origine haïtienne, qui me donnait des bonbons qu’elle ne donnait pas aux autres enfants. Aujourd’hui, je réalise que ça voulait dire « Pauvre enfant. T’es dans un véritable foutoir. Je ne peux rien faire d’autre pour toi. »

Merci à Mme St-Gérard, une autre enseignante d’origine haïtienne que j’ai eue au primaire que j’ai recroisée lors d’une conférence que je donnais aux Journées professionnelles de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec. Mme St-Gérard est venue me voir backstage, je l’ai tout de suite reconnue parce que « black don’t crack ». Elle m’a abordée en se rappelant que j’avais voulu faire une chanson à la guitare à la radio étudiante. J’avais raté mon coup solide. Une humiliation pour une enfant au primaire. Mais elle se souvenait surtout que la même année, je suis spontanément remontée sur scène au spectacle de fin d’année, à la guitare, en chantant une chanson que j’avais moi-même écrite, en anglais. Et elle m’a dit « Déjà à cet âge-là, tu étais forte. »

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Merci à M. Bouzaza, un professeur d’origine algérienne, qui a dit devant toute la classe avec beaucoup d’ardeur que j’avais fait un travail digne d’un travail universitaire au secondaire. Moi qui étais perpétuellement victime des railleries de mes pairs pour tout et pour rien.

Merci à M. Chouinard qui a pris mon bord lorsque je me suis mise en colère en pleine présentation orale de deux collègues de classe qui se moquaient ouvertement du « ghetto » dans lequel je vivais en cours d’éthique et culture religieuse.

J’étais au plus bas à ce moment-là. Et elle m’a dit «Tu sais que tu es très forte?»

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Merci à Mme Lefebvre, ma professeure de français, qui lors d’une surveillance de dîner, m’a dit de venir la voir. J’étais au plus bas à ce moment-là. Et elle m’a dit « Tu sais que tu es très forte? »

Merci à M. Tremblay (tout le monde s’appelle Tremblay au Québec) qui m’a appris que lorsque toute une classe échoue un examen, c’est la faute du professeur et de l’examen et non des étudiant.e.s. M. Tremblay était mon professeur de mathématiques, la matière que j’détestais le plus. Cette phrase est la seule chose que j’ai retenue de son cours. Elle me sert encore aujourd’hui.

Merci à M. Caron, mon professeur de musique au secondaire, qui est venu me sermonner dans son bureau parce que je ne voulais plus aller au voyage musical en Grèce, parce que je me faisais trop intimider. Il m’a dit « Laisse pas des imbéciles t’empêcher de voir un autre pays. » Voyant que j’étais toujours hésitante, M. Caron a appelé mon père et ma mère pour les convaincre de me laisser partir en Grèce. Je suis partie et j’ai visité un magnifique pays pour une des rares fois de ma vie à cette époque.

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Merci à M. Beaudoin qui m’a ramassé à la petite cuillère alors que je venais de mettre fin à une relation toxique et abusive de mon propre chef. Pendant plusieurs années après avoir obtenu mon diplôme, M. Beaudoin m’a considérée comme une membre à part entière de sa famille, voire comme sa troisième fille.

Pendant plusieurs années après avoir obtenu mon diplôme, M. Beaudoin m’a considérée comme une membre à part entière de sa famille, voire comme sa troisième fille.

Merci à plusieurs professeurs à l’École de travail social de l’Université McGill, qui ont eu la même réaction que ma mère, lorsqu’une professeure blanche qui prétendait être féministe intersectionnelle a mis en péril mon admission au doctorat. Elles ont été persuadées dès la première nanoseconde que c’est moi qui allais finir par avoir le dernier mot, même quand j’en doutais. (PS J’ai eu le dernier mot).

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Merci au professeur Lapierre, de me permettre de développer ma propre posture, même si elle diffère de la sienne. Le plus féministe des professeurs féministes.

Merci également aux adultes en position d’autorité qui n’ont pas été tendres ou corrects avec moi tout au long de ma vie, parfois lorsque j’avais le plus besoin de soutien. Vous m’avez aussi appris exactement ce qu’il ne faut pas faire avec des jeunes et des adolescents qui se construisent. Je ne prendrai jamais exemple sur vous. En ce sens, c’est une bénédiction d’avoir eu à croiser votre route pour mieux choisir d’en bifurquer.

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