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Les hockeyeurs ukrainiens ont gagné le tournoi pee-wee avant qu’il ne commence

L’équipe débarque au Québec après un long voyage.

Par
Hugo Meunier
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« C’est difficile de ne pas penser à la guerre, mais les joueurs viennent se battre différemment ici, sur la glace. »

Assis devant un club sandwich et une bière Molson en attendant l’arrivée des jeunes hockeyeurs, Volodymyr, l’entraîneur de l’équipe pee-wee ukrainienne, dissimule mal sa fébrilité malgré la fatigue imprimée sur son visage.

Son avion vient à peine de se poser au terme d’un très long voyage, partant de la Roumanie où s’était rassemblée l’équipe ukrainienne, qui participera dans quelques jours au prestigieux Tournoi international de hockey Pee-Wee de Québec. Cette 63e édition opposera à nouveau les meilleurs joueurs de 11-12 ans d’une centaine d’équipes provenant d’un peu partout à travers le globe.

L’entraîneur Volodymyr à gauche, Sean Bérubé au centre et son père d’accueil (qui s’appelle aussi Volodymyr)
L’entraîneur Volodymyr à gauche, Sean Bérubé au centre et son père d’accueil (qui s’appelle aussi Volodymyr)
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L’équipe qui est en chemin vers le Québec est complète, mais de peine et de misère. La plupart des jeunes hockeyeurs pee-wee ont fui l’Ukraine, mais quatre joueurs de l’équipe habitent toujours au pays – en proie à la guerre depuis un an – notamment à Kherson, présentement sous l’occupation russe. Avec l’aide de l’autre entraîneur de l’équipe, le bénévole au grand coeur, gérant et porte-parole du tournoi Sean Bérubé a récupéré les quatre joueurs à la frontière entre la Moldavie et l’Ukraine, non sans l’aide d’un passeur. « Les autres joueurs sont des réfugiés dans les pays limitrophes où ils habitent avec leur mère, parce que leurs pères sont restés en Ukraine pour défendre leur pays. Les papas de quatre ou cinq joueurs sont présentement au front, sur la ligne de feu », résume Sean Bérubé, un résident de Saint-Gabriel-de-Valcartier.

Un des joueurs a hélas perdu son père dans la guerre, ajoute-t-il.

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Mais le moral des troupes est bien palpable, à l’image de la résilience du peuple ukrainien, assure Volodymyr, qui attend avec Sean l’arrivée d’un autre avion transportant les jeunes hockeyeurs et l’autre entraîneur. Celui de Volodymyr s’est posé quelques heures avant, mais j’avoue ne pas avoir trop saisi pourquoi. Enfin, vous pouvez lire le récit complet de la récupération des joueurs ukrainiens sous la plume de mon collègue Kevin Dubé dans le Journal de Montréal.

@hugo.meunier

L’équipe ukrainienne débarque à Montréal pour prendre part au @Pew-we Québec . #fyp #quebecois #ukraine🇺🇦 #hockey #tournoipeeweequebec #arrival #proud

♬ Ukraine – National Anthem Orchestra

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Pour l’heure, le vol 73 en partance de Bucarest (avec escale à Vienne) vient de se poser sur le tarmac montréalais et les jeunes joueurs devraient en sortir d’un instant à l’autre.

« Venir ici leur fait oublier un peu ce qui se passe là-bas. »

Dans le petit restaurant jouxtant l’aire des arrivées, Sean et Volodymyr tuent le temps avec un autre homme, plus âgé, aussi prénommé Volodymyr. Sean Bérubé s’adresse à lui en russe, avec affection. « Lui, c’est mon père d’accueil. J’avais habité chez lui en Ukraine de 14 à 17 ans pour jouer au hockey. Quand la guerre a commencé, je les ai convaincus de venir chez moi, lui et sa femme. C’était à mon tour de les héberger », raconte Sean, flanqué du vieil homme à la bouille attachante.

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Après sa mission de sauvetage, Sean Bérubé a pu passer quelques jours avec l’équipe dans la capitale roumaine, suffisamment pour ramener une bonne impression dans ses valises. « Ils sont très bons et motivés. Deux ou trois joueurs sont plus renfermés, mais la grosse majorité d’entre eux sont souriants. Venir ici leur fait oublier un peu ce qui se passe là-bas », croit le bénévole.

La tradition continue

Si c’est la première visite de l’équipe ukrainienne en temps de guerre, leur présence au Tournoi Pee-Wee remonte à un peu plus de trente ans, en 1992. Un baptême qui avait marqué les esprits, puisque le Druzhba-78 (le nom de l’équipe à l’époque ) avait incarné l’équipe cendrillon en remportant le tournoi à la surprise générale.

« Leur style de jeu est différent, ils mettent plus de poids sur les talons qu’à l’avant des patins. Je pense que l’équipe actuelle est de calibre et vient ici très sérieusement. D’après moi, ils vont donner un bon show », promet sourire en coin Sean Bérubé, en attendant l’arrivée des joueurs, flanqué de l’entraîneur et quelques médias.

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Il y a aussi une équipe de documentaristes, qui revient d’un séjour d’environ une semaine avec l’équipe pour un projet en cours. « On a vraiment du super stock », résume le réalisateur David Étienne Durivage, en me montrant sur son cellulaire des images d’une demi-douzaine de papas en tenues de camouflage en train de souhaiter bon tournoi à leurs fils directement du front.

Les voyageurs sortent par grappes des portes vitrées électriques. Toujours aucune trace des jeunes joueurs ukrainiens.

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L’arrivée des stars du tournoi

Dès leur arrivée, ces derniers s’embarqueront aussitôt dans un autobus vers Québec, où ils feront connaissance avec leurs familles d’accueil, dont le recrutement s’est avéré un jeu d’enfant, souligne Sean Bérubé. « Tout le monde veut les héberger », laisse tomber le bénévole, au sujet des vedettes de l’heure, dont la visite au Tournoi Pee-Wee suscite un engouement médiatique sans pareil. Toujours selon le Journal de Montréal, le comité organisateur du tournoi aurait reçu plus d’une cinquantaine d’accréditations de médias (au lieu de la trentaine habituelle), incluant le New York Times et des radios européennes.

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Les joueurs arrivent enfin, tout sourire malgré leur long voyage et la présence envahissante de plusieurs médias immortalisant le moment. Les hockeyeurs se prêtent volontiers au jeu, multipliant les accolades entre eux, avec leur entraîneur et les signes de paix à la caméra. « Je suis très excité d’être ici. Je sais que le Canada est grand et très froid », commente à chaud Dima, un défenseur portant une tuque des Bruins de Boston. « Mon joueur favori est Tuukka Rask », précise-t-il, dans un anglais tout à fait respectable.

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En fait, plusieurs joueurs se débrouillent en anglais. Matvil, lui, baragouine même quelques mots en français. « Bonjour Canada, comment allez-vous! », lance avec chaleur ce gardien qui dépasse le reste de l’équipe d’au moins une tête.

L’ailier gauche Oleksii énumère de son côté les équipes canadiennes de la LNH qu’il admire. « Toronto, Ottawa, Montréal, mais mon équipe favorite est quand même les Pingouins! », nuance le garçon, fébrile malgré la guerre qui frappe son pays. « C’est parfois dur de se concentrer, c’est sûr qu’on pense à ça…», confie-t-il.

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Les entraîneurs et Sean distribuent ensuite des manteaux et des tuques officiels du tournoi aux couleurs de l’Ukraine. Un moment d’émotion parcourt l’aéroport, pendant que les jeunes enfilent ces vêtements avant de se diriger vers les autobus à l’extérieur et vivre leur baptême de froid intense et le début d’un moment de répit où ils pourront être des enfants comme les autres.

Le tournoi s’ébranle officiellement le 8 février pour se terminer le 20, jour du départ des joueurs.

Mais avant même la première mise au jeu, l’équipe ukrainienne a déjà gagné le respect.

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