Chez les Grecs
Comme à peu près tous les mots qui commencent par « ph », le terme « phobie » provient du grec. Phobos, dieu de la peur panique, était celui que les Grecs invoquaient pour leur donner le courage d’affronter leurs assaillants.
Comme à peu près tous les mots qui commencent par « ph », le terme « phobie » provient du grec. Phobos, dieu de la peur panique, était celui que les Grecs invoquaient pour leur donner le courage d’affronter leurs assaillants.
Ce n’est qu’à la fin du 19e siècle que la psychiatrie commence à s’intéresser aux phobies. Dans la première version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, parue en 1952, on répertorie huit types de phobies, dont la syphilophobie — la peur de la syphilis — et la phthisiophobie (soit celle de la tuberculose). Aujourd’hui, on en compte presque autant qu’il y a de mots dans le dictionnaire, mais on n’a trouvé aucun syphilophobe dans notre appel à tous sur Facebook (pourtant, ça ne nous ferait pas de tort d’en avoir un ti-peu plus peur).
Au début du 20e siècle, comme il l’a fait avec toutes les maladies, Freud a tissé un lien entre les phobies et la crainte d’être privé de l’organe le plus important de l’anatomie humaine : le pénis. Selon le père de la psychanalyse, les phobies seraient causées par un dégoût de la sexualité ou un complexe de castration. Les désirs sexuels qui ne peuvent être assouvis se transformeraient en névrose d’angoisse. Il fonde cette théorie notamment sur l’analyse du cas de Hans, un garçon qui aurait développé une phobie des chevaux après que sa mère lui eut interdit de jouer avec son « fait-pipi ». Les chevaux auraient renvoyé Hans et son petit pénis à son complexe phallique. Me semble que c’est évident que c’est ça, non ?
Le terme « homophobie » est utilisé pour la premère fois en 1965 afin de décrire une attitude hostile aux homosexuels ou une crainte d’être identifié comme tel. Bien que l’homophobie ne réponde pas aux critères diagnostics des troubles anxieux — la phobie relève de la peur, alors que l’homophobie (tout comme la xénophobie) relève de la haine —, le concept a l’intérêt, pour l’époque, de montrer du doigt les homophobes plutôt que les homosexuels.
En 1972, le sociologue Stanley Cohen invente l’expression « panique morale », laquelle survient quand « une condition, un événement, une personne ou un groupe de personnes est désigné comme une menace pour les valeurs et les intérêts d’une société ». C’est ainsi qu’à différentes époques, des autorités morales identifient des boucs-émissaires sur lesquels une majorité peut faire reposer ses angoisses. Par exemple, les membres d’une classe moyenne désœuvrée pourraient croire que les musulmans sont une menace à leurs valeurs et, encouragés par certains politiciens opportunistes, décider de fonder un groupe d’extrême-droite-pas-raciste-mais-inquiet.
En 1990, l’étude One False Move révèle que la liberté des enfants a dramatiquement chuté entre 1971 — époque où 80 % de ces derniers se rendaient seuls à l’école — et les années 1990, où seulement 9 % d’entre nous étions laissés à nous-mêmes entre la maison et la cour de récréation. La médiatisation des cas d’enlèvement serait au banc des accusés. D’autres phénomènes ont participé à la surprotection des enfants, comme cette fausse rumeur à l’effet que des adultes mal intentionnés mettent des lames de rasoir dans les bonbons à l’Halloween. Aujourd’hui, on sait que c’est seulement parce que nos parents voulaient nous voler nos barres de chocolat qu’ils ont inventé ça.
1992 : Phobies-Zéro voit le jour. Jusque-là, il n’existait aucun groupe de soutien et d’entraide pour les personnes atteintes de phobie. Ironiquement, un médecin a d’abord suggéré à la fondatrice de tenir ses rencontres dans un local situé au cinquième étage d’un hôpital, alors que la plupart des agoraphobes ont peur des hôpitaux et des ascenseurs.
Début du 21e siècle : l’expression fear of missing out — ou FOMO — est utilisée pour décrire la crainte, alimentée notamment par les réseaux sociaux, de passer à côté de quelque chose. Le meilleur moyen de se départir de cette phobie est de s’exposer à l’objet de sa peur et de publier une photo de soi en pyjama sur Instagram.