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« Hijack » ou pourquoi les critiques de télévision vous tombent parfois sur les nerfs

Y’a de ces séries qui peuvent être difficiles à aimer, surtout quand on regarde beaucoup de télé.

Par
Benoît Lelièvre
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Je fais de la critique télévisuelle pour URBANIA depuis cinq ans déjà. Une des nombreuses raisons pour lesquelles je le fais est que je suis relativement bon public. Je n’aime pas non plus tout ce que je regarde, mais je ne demanderai jamais à une série d’être ce qu’elle n’est pas.

Par exemple, un drame familial comme Succession est intéressant à cause de la tension entre les personnages. Il n’y a pas d’explosions ou de violence explicite, mais on s’en fout.

Certaines séries sont cependant plus difficiles à aimer parce qu’elles ne se démarquent tout simplement pas. Parce qu’elles sont heureuses de refaire ce qui a déjà été fait avant et de sortir le moins possible des sentiers battus. Par exemple, un show comme Hijack (mettant en vedette Idris Elba sur Apple TV+) peut vous paraître très acceptable si vous en regardez trois ou quatre par années et que vous souhaitez juste passer un bon moment.

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Mais quand on est critique télévisuel et qu’on en regarde beaucoup (trop), ce genre de série fait chier non seulement parce qu’elle nivelle par le bas, mais aussi parce qu’elle a le potentiel d’être franchement plus qu’un autre thriller débile de détournement d’avion. C’est pas comme si on en avait manqué, depuis vingt ans.

La partie à propos de Hijack qui fait chier

Bon. Entendons-nous sur quelque chose, d’entrée de jeu : il n’y a que trois épisodes de Hijack sur sept présentement disponibles. Une incommensurable twist nous attend peut-être quelque part d’ici la fin de la diffusion, ce qui mettrait tout le scénario en perspective… maiiiis je n’en ai pas l’impression.

Même si vous n’en avez jamais entendu parler auparavant, l’histoire de Hijack vous est intrinsèquement familière

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Sam (Idris Elba) est un négociateur d’expérience qui travaille souvent aux Émirats Arabes Unis dans le cadre de fusion ou d’acquisition d’entreprises. Alors qu’il vole vers la maison (en Angleterre) pour se réconcilier avec sa femme qui semble déjà être passée à autre chose, son avion est détourné par des pirates de l’air d’origine visiblement britannique et aux motifs imprécis.

La première affaire, c’est que vous avez déjà vu cette histoire-là. Un détournement d’avion, ça ne peut pas finir de manière très originale : soit les malfaiteurs sont arrêtés ou neutralisés (lire ici : zigouillés par le héros), soit tout le monde crève. C’est difficile de faire preuve d’originalité avec ce scénario et Hijack n’y arrive pas vraiment. L’avion regorge de voyageurs terrifiés sans vraiment d’intériorité et de personnels d’aéroport qui n’ont pas d’identités en dehors de leur job. La seule qui existe au-delà de ses fonctions professionnelles meurt dans des circonstances encore inexpliquées.

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L’incompétence aéronautique des pirates de l’air est aussi exaspérante. Bien qu’il soit clair depuis le premier épisode que ces derniers sont les pions d’une machination dont on comprend encore mal la portée, le fait qu’un homme en charge d’un détournement d’avion n’ait aucune idée des responsabilités d’un pilote ou même des conséquences de son projet sur la sécurité aérienne des pays qu’il survole est un peu difficile à avaler, narrativement parlant.

C’pas comme voler un char. On peut pas juste se promener en avion jusqu’à ce qu’on manque de carburant.

La partie à propos de Hijack qui semble prometteuse

Si Hijack fait autant chier à regarder, c’est parce qu’elle met de l’avant des idées plutôt originales et prometteuses. C’est donc aussi difficile de ne PAS regarder.

Par exemple, le personnage de Sam est négociateur et l’un des plaisirs sournois de Hijack, c’est de le voir s’insérer dans la conversation de protagonistes ultra-suspicieux, mais qui n’ont aucune idée de ce qu’il trame. Nous non plus, d’ailleurs. Le seul avantage que le public possède sur les pirates est de savoir ce que Sam fait comme métier. Épisode après épisode, il entreprend la lente érosion de l’esprit de corps des ravisseurs avec ses talents spécialisés. Pensez à une version intello de Taken avec Liam Neeson.

Du moins, un peu.

Y’a quand même des coups de feu et des batailles.

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Mais l’idée que des talents peu applicables à un détournement d’avion deviennent instrumentaux dans son dénouement reste quand même cool. Comme j’ai mentionné plus haut, Sam est négociateur. Il y a aussi un ancien officier militaire égyptien à la retraite avec un savoir encyclopédique, mais qui ne sera d’aucune aide physique. Le pilote donne également un coup de main avec son savoir technique.

Il faut être patient, travailler avec les personnages, mais un portrait d’ensemble plus intéressant qu’un simple détournement d’avion semble se dessiner d’épisode en épisode. Pas qu’un détournement d’avion soit simple, là. Mais on a eu énormément de films et de séries insipides à ce sujet depuis le 11 septembre.

Pour le meilleur ou pour le pire, je continuerai à regarder Hijack. Je ne vous conseille pas nécessairement cette série, mais c’est peut-être juste moi qui regarde trop de télévision et qui ne suis plus capable d’apprécier les plaisirs simples.

Je préfère cependant ça à la énième saison d’une série de Disney que personne n’a demandé.

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