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Hier soir, cinq DJ ont sauvé mon âme

Par
Myriam Selhi
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Cet article a initialement été publié dans le cahier Urbania de La Presse+.

La vivacité du nightlife québécois est la conséquence logique du joyeux bordel de ceux qui l’habitent. Être sur la piste de danse, on sait comment ça marche, mais qui sont ces gens qui tirent les ficelles, la tête penchée sur le côté et le regard rivé sur la foule ?

On a demandé à cinq DJ architectes de nos soirées les plus folles de nous livrer leur histoire. Et malgré la diversité de leur background, ils sont unanimes sur un point : les demandes spéciales, roulez-les bien serré.

DJ Shortcut

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Un incontournable tout-terrain ancré dans le hip-hop depuis 30 ans (pensez Sans Pression ou Yvon Krevé), Shortcut a commencé à mixer à 13 ans au parc Daniel, à Longueuil, quand sa maison de jeunesse avait obtenu un système de son pour mini-Shortcut. Son nom découle de celui du style de scratch small cut de ses débuts et du fait qu’il mesure 6 pieds 6 pouces.

Qu’est-ce que ta mère pense de ta job ?

Elle a tout fait pour m’empêcher d’être DJ; elle m’interdisait de sortir; elle a été jusqu’à briser mes speakers. Aujourd’hui, elle se vante quand elle va à Haïti que son fils est DJ et elle me cherche presque des bookings.

Qu’est-ce que tu bois pendant que tu joues ?

Ça m’arrive de prendre un verre, mais c’est pas mon mood de prédilection, pour être corporately correct. Mais l’alcool m’aide à aimer les gens. Grey Goose à la poire et soda.

Ta gig la plus « WTF » ?

Je mixais à Cuba au bord de la mer, branché sur une génératrice. Chaque fois que je touchais la console, je recevais un choc électrique, mais le party était tellement pogné que je continuais.

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Misstress Barbara

Italienne de naissance, Misstress Barbara a grandi à Mont-Royal et a fait ses débuts en musique dans les cadets de l’air comme tambour major. C’est dans un rave à Sorel que sa carrière a commencé. Fast-forward : après avoir passé 25 ans à faire le tour du monde, aujourd’hui, la reine de la techno a ralenti le rythme. Elle est devenue instructrice de voile et s’est faite chocolatière avec sa propre marque, Barbon. Elle conserve néanmoins quelques gigs de cœur, comme le dimanche de la fête du Travail au Piknic Électronik.

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As-tu déjà été nerveuse de partager le stage avec quelqu’un ?

J’ai pas d’idoles en musique, peut-être parce qu’on parle la même langue. Mes idoles sont dans le tennis, comme Roger Federer.

Comment as-tu commencé à jouer ?

Adolescente, je mixais 10 heures par jour dans le sous-sol de la maison familiale, sans écouteurs. Mon frère était collectionneur de vins et on se chicanait, parce qu’il disait que les vibrations de ma musique dans la cave dérangeaient ses vins. Rien n’a changé : on se chicane encore.

Ta gig la plus « WTF » ?

Un festival à Manille, en 1999. J’ai joué devant 4 000 personnes immobiles qui me regardaient la bouche ouverte et qui ne comprenaient pas ce qu’une femme en talons hauts faisait sur scène à passer de la techno.

Ludo

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Le DJ résident du Beachclub a célébré ses 30 ans cette année. « House avec mashups et remix. Deep house. Tech house. Groovy deep house. Pas facile de décrire de la musique avec des mots », confie le technicien en informatique turned DJ. Jusqu’à cette année, il conduisait une Jetta 2004 grise un peu rouillée dans le bas. Maintenant qu’il « spinne » au plus gros club extérieur en Amérique du Nord, il roule en Jetta 2019.

T’es-tu déjà senti intimidé par un autre artiste ?

Quand j’ai reçu l’invitation pour ouvrir pour Tiësto, mes genoux ont flanché. J’ai stressé toute la semaine à préparer mon set et, finalement, on s’est croisés 30 secondes sur scène pis on s’est donné la main, pis c’était ça.

Une toune classique dans tes sets ?

One More Time, de Daft Punk. Il y a au moins 15 versions différentes et, chaque année, il y a un nouveau remix.

Ta gig la plus « WTF » ?

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Match nul entre la fois où le feu a pogné à la fenêtre du plafond au 1234 de la Montagne et le festival Escapade, à Ottawa, l’an dernier. Je faisais le singe debout sur un speaker sur scène à taper des mains avec le public avant de commencer mon set et, en redescendant, je me suis cassé le tibia et le péroné. Inutile de dire que maintenant, je ne monte plus sur rien et qu’il y a toujours un comique pour me dire « casse-toi pas une jambe, là ». C’est pas drôle. Ça ne l’a jamais été.

Champion

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DJ Champion, Champion, Mad Max : autant de noms que de personnalités pour ce chantre de la « house guidoune », actif sur plusieurs scènes depuis les années 90. Aujourd’hui, il dirige le band Champion et ses G-Strings et n’hésite pas à appuyer sur Autosync pour mixer ses pistes live. Parmi ses exploits, mentionnons le fait d’avoir joué de la batterie sur un vélo aux Oscars et de s’être fait sacrer dehors du Governors Ball le soir même, devant tout le gratin de Los Angeles, parce qu’il avait l’air d’un crotté.

Qu’est-ce que tu fais quand t’as envie d’aller aux toilettes au milieu d’un set ?

Je joue à jeun, d’habitude. Au Festival de la Curd, l’an dernier, j’étais exceptionnellement vraiment saoul, j’ai bu de la bière et, comme un bon novice, il a fallu que j’aille pisser en milieu de show. J’ai dit à l’ingénieur de son : « Là, tu vas faire semblant d’être moi, pis moi, je m’en vais là-bas ». J’étais chaud, donc je n’ai eu aucun remords.

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Quel est ton conseil de survie pour un DJ, aujourd’hui ?

Produis des tounes originales : ce sera ton gage de longévité.

Ta gig la plus « WTF » ?

Je faisais une soirée sur un bateau-croisière sur le Saint-Laurent, et une manne a pogné dans mes platines. Elle a été broyée par le diamant. La musique s’est arrêtée, pis c’est ça : la toune est finie, gang.

Poirier

Électronique aux influences africaines et caribéennes, la musique de Poirier est un voyage. Le Sénégal, Cap-Vert, Haïti, Cuba et l’Ouganda sont quelques-unes de ses destinations musicales des dernières années. Icône de la scène montréalaise depuis 20 ans, il est visible aux événements Qualité de luxe, au Ausgang, et Le maquis, au Datcha, une soirée qu’il décrit comme son laboratoire.

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Comment sais-tu que tu as réussi à allumer la crowd ?

C’est quand la relation de confiance est établie. Le public est là pour toi, et toi, tu es là pour eux; c’est de la psychologie. C’est ça, l’art du DJ : jauger l’énergie qui circule entre nous, qui mettons la musique, et les gens qui dansent. C’est ce qui fait que les sets ne se ressemblent pas d’une soirée à l’autre, même si c’est la même soirée au même endroit.

Aurais-tu quelques conseils pour un DJ en début de carrière ?

1. Ça ne sert à rien de boire un 40 onces tout seul. 2. Un DJ, c’est pas une playlist de YouTube. 3. Lis bien tes contrats et consulte des avocats.

Ta gig la plus « WTF » ?

Super soirée en Angleterre, l’année passée. J’avais déjà joué dans ce club-là avec ces gens-là, je savais que j’étais dans un super contexte. On arrive au club pis les esties de toilettes refoulent. Ça pue la marde; faut que les gens aillent au deuxième étage; l’établissement commence à refuser du monde à la porte. Une soirée qui allait être extraordinaire est devenue une soirée de marde — littéralement.

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